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LE TÉMOIGNAGE DE JOSÉ ANIGO, DIRECTEUR SPORTIF QUI L'A RECRUTÉ EN 2007; "Une force mentale immense"
23 juillet 2007 : la voiture de José Anigo entre dans le parking du Grand Hôtel des bains de Divonne où l'OM est en stage. Il amène Steve Mandanda, le jeune gardien de but du Havre, qui a signé la veille. Quinze ans plus tard, l'ancien directeur sportif du club reste admiratif du joueur qu'il est allé dénicher.
Quels souvenirs gardez-vous de votre premier regard sur Steve Mandanda ?
Peu de gens le savent, mais quand, avec Pape Diouf, nous cherchions un gardien numéro deux derrière Cédric Carrasso, nous étions allés voir Johnny Placide, titulaire au Havre AC. Et la personne qui travaillait pour nous dans cette zone nous a dit que celui qui arrivait derrière était encore plus fort : Steve Mandanda. Nous l'avons vu à l'entraînement et il nous a tapé dans l'oeil.
Steve était alors international espoirs et il est devenu numéro 1 au Havre. Plusieurs membres différents de la cellule de recrutement sont allés le superviser lors de nombreux matches, mais notamment une rencontre à Grenoble, sous une pluie diluvienne, où il a été exceptionnel sous les yeux de Jean-Philippe Durand. Ensuite, je suis allé suivre un match de qualification pour l'Euro des espoirs en Israël, où les Bleuets ont été largement dominés. Il a été extrêmement bon, acculé sur son but.
En rentrant, j'ai dit à Pape : on va prendre Mandanda, il est fait pour Marseille, il supporte la pression, la difficulté, il a un énorme potentiel et Pape m'a dit OK. Comme numéro deux. Steve le savait. Un développement était prévu pour lui. Mais la grave blessure de Cédric a précipité les choses dès le mois d'août. Il est monté dans le wagon et basta...
Quand il a commencé, vous doutiez-vous qu'il serait encore là si longtemps après ?
Quinze ans ! Comment imaginer qu'un joueur va rester quinze ans à l'OM quand on connaît ce club ? Même si c'est différent pour les gardiens qui sont plus stables que les joueurs de champ. Je pensais qu'il resterait quelques années comme Mathieu (Valbuena) ou Mamadou (Niang), mais pas quinze ans ! C'est un record à l'OM. D'ailleurs, quand il est parti un an en Angleterre, je ne suis pas sûr que ce soit lui qui ait eu vraiment envie de partir. Peut-être que ça arrangeait l'OM d'alléger la masse salariale. Et puis, il est revenu à la maison.
Quant à le voir jouer cent matches de coupe d'Europe, c'était un but inaccessible. On repartait de loin. Sous la présidence de Pape, le club s'est structuré, il l'est resté, on a évolué sur la scène européenne pendant de nombreuses saisons. Alors, son potentiel, on l'a vite vu, on pensait qu'il serait rapidement international, mais cent matches européens à l'OM, capitaine, quinze ans de présence, plus deux coupes du monde, tu ne peux pas y songer.
C'est au fil des années que j'ai découvert un garçon attachant, d'une grande gentillesse, d'une grande fidélité.
Gardez-vous un souvenir de ses premiers pas en coupe d'Europe, face à Besiktas, puis à Liverpool ?
Pas précisément. Mais ce que je peux dire c'est que j'ai vu des gardiens très stressés à l'idée de jouer des gros matches, par exemple de Ligue des champions. Parfois, il fallait leur mettre les gants tellement ils tremblaient. Ce qui n'est pas le cas de Steve.
Dans ces circonstances, il est extrêmement calme, préparé et il l'a été dès ses débuts. Je ne l'ai jamais vu anxieux à l'idée de disputer des matches de très haut niveau. Sa force mentale est immense.
Il irradie, il transmet sa sérénité ?
Steve a vite pris de l'ampleur dans le vestiaire. Notamment avec le brassard. Il avait la main sur l'équipe, le vrai relais du staff, du club. Une personnalité, pas seulement un joueur, indispensable quand ça va mal, ce qui arrive souvent à l'OM dont la vie est faite de montagnes russes, ça monte et ça descend. Il aidait les jeunes aussi, quand sont arrivés Thauvin, Lemina, Imbula... Et il est très professionnel. Et bien entouré.
Aujourd'hui, que pensez-vous de son niveau ?
À Salonique, il a accompli des miracles pendant une heure et demie, c'est lui qui permet à l'OM d'être en demi-finale. Je ne juge pas les choix de Sampaoli, ça ne me regarde pas, il a deux bons gardiens, car Pau Lopez est bon aussi. Mais Steve mérite un poil plus de respect, au vu de sa carrière. Aujourd'hui, non seulement son niveau lui permet de prétendre être le numéro 1 à l'OM, mais il peut aussi viser une coupe du monde comme numéro trois, car le coach des Bleus le connaît très bien aussi. Steve n'est pas une personnalité qui crie fort, il n'écrase pas les autres, c'est un leader calme, qui dit les bons mots au bon moment. Il est très très précieux.
La Provence