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Steve Mandanda « Je ne suis pas fini ! »
Le gardien marseillais est revenu sur la délicate première partie de saison marseillaise. Il en a aussi profité pour défendre son bilan personnel, malgré des prestations décevantes. Steve Mandanda (OM) : «Je ne suis pas fini !»
Le gardien marseillais est revenu sur la délicate première partie de saison marseillaise. Il en a aussi profité pour défendre son bilan personnel, malgré des prestations décevantes. De notre envoyé spécial
François Verdenet MARSEILLE – Alors que l’attaquant italien Mario Balotelli aimante la presse au centre Robert-Louis-Dreyfus pour sa présentation marseillaise, Steve Mandanda a fixé rendez-vous au Sofitel Vieux-Port, en ce mercredi après-midi, pour plus de tranquillité. Il est 14 heures. Un bonnet bien enfoncé sur les oreilles, très détendu, le gardien phocéen de trente-trois ans brave le vent glacial pour une rapide séance photos, avec la Canebière en arrière-plan. Le soleil perce les nuages le temps d’un clic-clac lumineux. Un signe du destin, comme si la grisaille avait aussi tendance à se dissiper sur l’OM après la dernière victoire, dimanche, à Caen (1-0). L’interview se poursuivra au chaud, autour d’un café, pour la première longue confession du champion du monde depuis son titre à Moscou et la première partie de saison houleuse de son club.
LE DÉBUT DE SAISON DE L’OM
« On n’est pas largués »
« Avant de recevoir Lille (ce soir), Marseille est-il toujours en crise à la septième place de la Ligue 1 ? Le mot est fort. Mais il revient facilement autour de l’OM. Ce n’est pas la meilleure première partie de saison que j’aie connue depuis que je suis là, mais il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. Ça va un petit peu mieux depuis trois matches dans les résultats, avec la dernière victoire à Caen, et dans le contenu face à Monaco (1-1) et à Saint-Étienne, malgré la défaite qui est cruelle (1-2). Ces rencontres portent des signes de redressement.
Mais le bilan intermédiaire n’est guère reluisant. Nous sommes en janvier et l’OM n’a plus que le Championnat à jouer… Nos éliminations dans les trois Coupes font désordre. C’est ça qui noircit le paysage. On n’a pas été à la hauteur. C’est clair. On a même été honteux en Ligue Europa, avec un seul point en six matches, et en Coupe de France en s’inclinant contre une N 2 (Andrézieux, 1-2) en trente-deuxièmes de finale. Ces éliminations ne sont pas dignes de l’OM. Mais quand on regarde le Championnat, avec un match en retard face à Bordeaux à domicile (le 5 février), rien n’est perdu. On n’est pas largués. On n’est pas où on devrait être mais il reste quand même pas mal de matches (18). Si on gagne face à Lille, qu’on enchaîne face à Bordeaux, on peut revenir à trois points du LOSC. L’OM reviendrait alors dans les clous. L’objectif principal reste accessible. Nous sommes toujours en course pour le podium.
Et si vous n’accrochez pas les trois premières places en fin de saison… Cette saison sera un échec.
L’OM n’a plus disputé la Ligue des champions depuis la campagne 2013-2014. Cette compétition vous manque-t-elle ? Ça fait trop longtemps pour un club comme l’OM. Marseille ne peut pas passer encore une saison sans C 1. Nous devons tout faire pour aller chercher cette deuxième ou troisième place. Sincèrement, j’y crois. Le groupe aussi. Il y a du mieux dans tous les domaines sur les derniers matches. Ce n’est pas encore un football fabuleux, mais on a déjà montré autre chose dans l’état d’esprit, la solidarité ou la combativité. On a corrigé le tir dans pas mal de secteurs. La victoire à Caen a été laborieuse mais nous sommes allés la chercher. Une équipe qui souffre et qui n’est pas dans son meilleur état a souvent besoin de passer par ce genre de match pour regagner de la confiance et se redresser. Ces victoires à la sueur font du bien. On arrache les points un à un, dans le combat. Il y a deux-trois semaines, on aurait peut-être perdu à Caen ou on se serait fait égaliser. Là, on a tenu dans la douleur. Il y a aussi le côté rassurant de ne pas prendre de but. C’est important pour moi.
La relation avec les supporters
« Ils ne doivent pas jouer
contre leur camp »
En onze saisons à l’OM, avez-vous connu pire situation dans les relations avec vos supporters ? Il y a eu plus compliqué. J’ai traversé des moments encore plus difficiles, comme la dernière année avec Didier Deschamps (à l’automne 2011). Il y a eu un passage également très tendu à la fin de Michel. On avait eu droit à la “visite” des supporters à l’aéroport après un match (en avril 2016 après une défaite à Bastia, 1-2). Ces situations sont désagréables. Mais c’est Marseille. Je peux comprendre la frustration, la tristesse ou la colère des supporters. Mais ils ne doivent pas jouer contre leur camp. Ce qui est fait est fait. On ne peut pas revenir là-dessus. On essaye de changer et on a besoin d’eux. On doit retrouver un état d’esprit positif dans l’effectif comme dans les tribunes. Tout le monde doit tirer dans le même sens. C’est comme ça qu’on remontera tous ensemble la pente. Si on accroche le podium, nous aurons malgré tout fait une meilleure saison que la précédente. Si ce n’est pas le cas, ça voudra dire qu’on s’est plantés. Là, on pourra alors tirer des conclusions.
On vous a vu monter au front après le match de Monaco face aux tribunes du Vélodrome. Vous étiez devant avec Luiz Gustavo. Les deux leaders de l’OM étaient-ils là en première ligne ? Nous avons le plus d’expérience avec Luiz Gustavo et aussi Kevin Strootman. Moi, j’ai celle de l’OM, mon vécu ici. Luiz Gustavo a connu des grands clubs et Kevin a vécu des situations semblables à la Roma, un club qui ressemble à l’OM. Il fallait prendre ses responsabilités. C’était un moment compliqué. Certains de mes partenaires sont rentrés directement aux vestiaires. On a rappelé alors tout le groupe car il était important d’y aller tous ensemble, de montrer qu’on était toujours unis.
Qu’avez-vous dit aux supporters ? Qu’on comprenait leur frustration, leur déception. C’est normal vu les résultats. Mais je leur ai dit qu’on avait besoin d’eux. Même si on ne le méritait pas à certains moments, il faut qu’ils soient derrière nous pour atteindre l’objectif. Et pas contre nous.
Pensez-vous qu’ils vont parfois trop loin ? Cette pression à Marseille n’est pas simple. Il ne faut pas perdre ses moyens. Mais on sait à quoi s’attendre ici. On connaît l’exigence, le rôle et l’importance des supporters. Marseille, ça peut monter très haut dans les tours, dans le positif – et là c’est incomparable et exceptionnel – comme aller très loin dans le négatif. Et là, il faut avoir le cuir dur. C’est ce qui fait à la fois la beauté et la folie de nos supporters.
Son rôle
« J’attends quelquefois
plus de respect et de considération »
Vous n’avez plus le brassard depuis une saison et demie et votre retour de Crystal Palace en 2017. Mais avez-vous encore cette âme de capitaine ? Ça m’a affecté, sur le coup. Ce rôle me tenait à cœur. Mais c’est passé. La saison dernière, j’ai pris un peu de recul pour laisser plus d’espace aux autres. Cette situation m’a permis, sans être égoïste, de plus me concentrer sur moi. Mais on s’est aussi servi de ça pour me critiquer, pour dire que j’étais moins impliqué. Cela n’a jamais été la cause de contre-performances. J’ai toujours l’OM en moi ! J’ai montré que j’étais prêt à beaucoup de choses pour l’OM. J’aime ce club. J’adore cette ville. Je l’ai encore plus compris quand j’étais à Crystal Palace (2016-2017). Après, ce que je n’accepte pas non plus, c’est qu’on remette en cause mon professionnalisme. C’est comme ces histoires de poids. C’est gratuit ! Mais je sais d’où ça vient… Il n’y a qu’une personne qui me connaît parfaitement : c’est moi. Je sais qui je suis. Je sais me gérer. Je suis un grand garçon. J’attends quelquefois plus de respect et de considération. Certains ont la mémoire courte. Tout ce que vous avez fait avant est parfois vite balayé. Mais c’est le foot, et aussi le monde d’aujourd’hui. On vit dans l’instantané des performances. Comme je suis un peu moins performant en cette première partie de saison, je sens que des regards sont différents. J’entends des critiques plus piquantes. Jusqu’à présent, je n’étais pas forcément sifflé. Je le suis un peu plus… C’est l’être humain. Mais je dure depuis onze saisons à l’OM, avec presque cinquante matches de moyenne par an. Ce n’est pas donné à tout le monde.
“Un successeur ? Il faudra venir me déloger
Contre Lille, vous disputerez votre 505e match sous le maillot marseillais. Que représente ce record ? Sans trop m’avancer, je pense que ce chiffre sera difficile à battre. Ce record représente beaucoup pour moi. 505 matches à l’OM, onze ans dans ce grand club, ça vaut presque un titre. Et j’espère que ce n’est pas fini.
Durer à l’OM, c’est quoi ? (Il sourit.) C’est résister aux crises ! Encore plus à un poste particulier et exposé comme le mien. Gardien, on peut encore moins se cacher. Ça passe aussi par une remise en cause permanente.
Peut-on encore progresser à votre âge ? Progresser, c’est justement encore durer. C’est aussi garder le même niveau de performance.
On entend que vos dirigeants chercheraient déjà votre successeur. Avez-vous l’impression d’être toujours considéré à votre juste valeur à l’OM ? Je l’ai lu. Ça fait partie du jeu. Mais il faudra venir me déloger. Je suis encore loin d’arrêter. J’ai un contrat jusqu’en juin 2020. Je sais bien que le plus gros de ma carrière est derrière moi. Mais je ne suis pas fini !
Garcia, Balo et les Bleus
« Mario est “OM-compatible” »
Quelle relation entretenez-vous avec votre entraîneur, Rudi Garcia ? On a appris à se connaître. L’un et l’autre, nous nous sommes rapprochés. Il y a eu peut-être des incompréhensions à un moment, mais nous avons eu une belle et bonne discussion cette saison. Notre relation n’a fait que se renforcer, encore plus dans ces moments difficiles. Nous sommes devenus de plus en plus proches. Il existe une véritable relation de confiance entre nous deux mais aussi avec l’ensemble du groupe. Je peux vous certifier qu’on ne va pas le lâcher.
Les supporters réclament pourtant sa tête… On est derrière lui. Il est derrière nous. On est solidaires des deux côtés. Le coach ne lâche rien. Il cherche des solutions. Ça a fonctionné sur le dernier match à Caen. Il a encore un impact sur l’équipe. Il travaille dans l’intérêt du club.
Et l’arrivée de Mario Balotelli va vous aider offensivement. C’est une vraie valeur ajoutée. Il a des références internationales. C’est un plus indéniable.
Qu’est-ce qu’il peut apporter à l’OM ? Déjà, par son profil, son type de jeu, sa capacité à enflammer un match sur une action, sa folie, Mario est “OM-compatible”. Il possède un gros caractère, un état d’esprit qui colle bien à Marseille. Il impressionne aussi. Il pèse sur une défense. Après, c’est une analyse. Tout est question de terrain. C’est là qu’on l’attend. La saison passée, il avait marqué deux fois contre nous avec Nice. À l’aller et au retour. Mais on avait gagné les deux matches (4-2, 2-1).
Votre après-Coupe du monde a-t-il été facile à digérer ? On a vécu quelque chose de fabuleux, d’indéfinissable et d’exceptionnel. Ce titre vient valider toute une carrière, aussi en équipe de France, où je suis depuis 2008. Il y a fatalement une petite décompression derrière. Mais je ne me regarde pas tous les matins dans la glace en me disant que je suis champion du monde ! Ce titre fait partie de moi. On ne me l’enlèvera jamais. Je connais toute sa valeur, même si je sais aussi que je n’ai fait qu’un match sur sept en Russie (face au Danemark, 0-0). Je suis numéro 2 mais je sais aussi mon importance dans le groupe. J’ai également les Bleus en moi. Tant que je jouerai, je postulerai à l’équipe de France. »
L'Equipe