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Payet, le passeur partout
Le numéro 10 marseillais réussit une saison majuscule, rampe de lancement de son équipe dans le système Sampaoli, qu’il rend redoutable. Pierre Menjot
Quatre ans après, l’OM et Dimitri Payet revivent le bonheur d’une épopée européenne. Après avoir terminé la première en pleurs, sorti blessé à une cuisse en finale de Ligue Europa (perdue 0-3 face à l’Atlético de Madrid), le Réunionnais espère cette fois une conclusion heureuse, alors que Marseille se rend à Rotterdam, en demi-finales aller de Ligue Europa Conférence (C4), aujourd’hui. Et il y met du sien.
En cinq matches dans cette nouvelle compétition, le milieu de l’OM a inscrit 3 buts (dont un sublime face au PAOK au tour précédent) et donné autant de passes décisives. Toujours brillant sur coups de pied arrêtés (4 de ses 12 offrandes cette saison sur corner), Payet est aussi redevenu, à 35 ans, le passeur en chef de l’OM.
Plus libre sur le terrain
Une zone dessinant un « 8 » qui couvre toute la largeur du terrain, entre 40 et 20 mètres du but adverse : voilà à quoi ressemble la « heatmap » de Payet cette saison, son terrain d’expression. Un vrai changement par rapport aux années précédentes, où le milieu de terrain évoluait surtout dans les couloirs, en particulier côté gauche. Avec Jorge Sampaoli, l’international français (38 sélections, 8 buts) a retrouvé une certaine liberté dans un système où tout est plutôt réglé par ailleurs (lire plus bas).
Au-delà de son poste au coup d’envoi (faux numéro 9 en début de saison en l’absence d’Arkadiusz Milik, ailier gauche ou derrière l’attaquant le plus souvent depuis), le numéro 10 peut dézoner à sa guise. Ses mouvements impliquent des permutations, en largeur (avec Cengiz Ünder ou Mattéo Guendouzi qui se recentre s’il part côté droit, par exemple) comme en profondeur s’il redescend chercher le ballon (Guendouzi, Gerson…). Ce côté électron libre lui permet de se placer entre les lignes, d’échappaer au marquage et d’apporter ses qualités dès que le jeu le demande, ce qui ne serait pas le cas s’il était cantonné à un couloir.
Rampe de lancement ou déclencheur
Passeur hors pair, Payet a un double rôle à l’OM. Le premier, très bas sur le terrain, pourrait presque se comparer à celui du « quarterback » de football américain. Il correspond aux phases de transition, quand son équipe récupère un ballon et se projette, ou, parfois, à une phase de construction où il descend proche de ses défenseurs pour lancer une attaque.
Dès lors, il profite des appels en profondeur de ses attaquants (Milik, Ünder, Bamba Dieng…) pour délivrer des passes dans le dos des défenseurs adverses, le plus souvent par-dessus, parfois à ras de terre, faisant toujours admirer sa qualité de passe. S’il est sous la pression du marquage, ce qui arrive souvent, le Réunionnais opère souvent avec de longues transversales, d’un côté à l’autre du terrain, qui peuvent amener un déséquilibre à défaut de créer tout de suite une opportunité.
L’autre rôle de Payet est plus celui de créateur d’occasions. Il n’est évidemment pas le seul à l’OM, mais il peut, d’un coup de patte, tout accélérer. C’est le cas de sa passe laser décisive à Gerson face au PAOK au Vélodrome (2-1, le 7 avril), laquelle élimine tout le bloc grec. De son petit ballon glissé à Pape Gueye à Karabagh (pour le 1-0 ; score final : 3-0, le 24 février).
Ou, plus récemment, de sa louche de l’extérieur du pied par-dessus la défense nantaise pour Gerson, dans un fauteuil pour donner une passe décisive à Amine Harit (3-2, le 20 avril). En Ligue 1, il est le joueur qui déclenche le plus d’actions amenant à un tir (6,55 en 90 minutes de moyenne [*]) et délivre le plus de passes clés par match (3,2 par match, comme le Rennais Benjamin Bourigeaud).
Outre sa qualité technique – également visible dans ses centres dangereux –, c’est ici la vision du jeu de l’ancien Stéphanois qui parle. Sans cesse dans l’observation de ses coéquipiers et des adversaires, il semble avoir un temps d’avance dans chacun de ses choix.
Au service du système Sampaoli
Jorge Sampaoli affirmait en février qu’il « aimerait aligner dix milieux de terrain et un gardien, pour avoir dix joueurs qui savent manier le ballon et trouver leurs partenaires ». Voilà pour la philosophie générale, mais l’Argentin ne demande pas la même chose à tous ses milieux, au contraire. Il y a ceux au rôle hybride (Boubacar Kamara sentinelle-stoppeur, Valentin Rongier milieu-latéral droit), les garants de l’équilibre (Guendouzi, Gerson, Gueye), les plus offensifs (Ünder quand il joue plus bas, Harit). Payet, lui, apparaît inclassable.
L’essentiel pour lui est de se démarquer, obtenir les ballons et lancer les attaques, comme expliqué. Ses coéquipiers effectuent les mouvements demandés par leur entraîneur – attaquants qui prennent la profondeur, latéraux prêts à plonger dans les couloirs, milieux en position de relayeur – et l’homme au chignon observe. Une exception qui permet au système Sampaoli d’être efficace.
[*] D’après le site whoscored.com
L'Equipe SAS