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Les défis qui attendent Rudi Garcia à l'OM
Des résultats irréguliers, une communication brouillée et des choix parfois incompris : l'entraîneur marseillais traverse sa période la plus difficile depuis qu'il est à l'OM. Il doit vite retrouver la bonne formule.
Si l'AS Rome est connue pour son climat instable, ses supporters et ses médias exigeants, l'OM n'est pas mal non plus de ce côté-là. Depuis qu'il a signé à Marseille à l'automne 2016, Rudi Garcia vit sa période la plus délicate sur la durée. L'entraîneur a connu des tempêtes, notamment en début de saison dernière, où des banderoles vindicatives avaient été sorties contre lui et ses dirigeants. Cela n'avait pas duré bien longtemps au fil d'une saison terminée avec une finale de C3 et une quatrième place en Championnat. L'exigence est bien plus élevée désormais.
Mais les résultats ne suivent pas pour l'instant et la forme est souvent désastreuse. Les Marseillais sont déjà éliminés de la Ligue Europa avec quatre défaites et ils en ont concédé six en L1, dont cinq en encaissant au moins trois buts, la dernière à Nantes (2-3, mercredi). Dans ce contexte, le match reporté contre Saint-Étienne dimanche peut être vu comme une bénédiction, tout comme les trois points seulement qui séparent l'OM du podium. Rien n'est irrémédiable mais Garcia doit surmonter les turbulences.
Ressouder un collectif en morceau
Rudi Garcia a déjà endossé tous les costumes : bon ou mauvais flic. Mais les problèmes de l'OM restent les mêmes : trop de buts encaissés, trop de légèreté défensive, pas assez de solidarité entre les lignes. On lui prête la réputation de toujours charger publiquement ses joueurs après une défaite. C'est faux si l'on se souvient de son discours après quelques sorties de route mémorables, notamment à Monaco en août 2017 (1-6), où il avait assumé ses erreurs. D'une manière générale, il a même plutôt tendance à protéger ses hommes devant les médias, quitte à pratiquer parfois la langue de bois ou à pointer du doigt les éléments contraires, au hasard l'arbitrage, par exemple. En privé, en revanche, Garcia n'a jamais ménagé ses hommes. Et Dimitri Payet, qui le trouvait dur à Lille, est servi à Marseille. En public, il met moins de filtres en ce moment.
Si son discours devient plus offensif aujourd'hui, c'est peut-être aussi car il ressent le besoin de se protéger dans une période compliquée pour lui. «Palme de la stupidité», «Certains nous ont mis dedans», «On se demande à quoi ça sert de préparer nos matches». À Nantes, mercredi, dans des proportions encore plus importantes qu'à Francfort (0-4), Garcia a frappé fort devant la presse. Dans le vestiaire de la Beaujoire aussi, où il a dit en substance à ses hommes que leur prestation avait été inacceptable, que certains s'étaient cachés et n'avaient pas respecté les consignes. Jeudi à la Commanderie, il a remis une couche sur l'importance du collectif, soulignant que beaucoup se retranchaient derrière des erreurs individuelles pour ne pas faire les efforts. Un discours visant à ressouder un collectif en morceaux par rapport à la saison dernière.
La méthode musclée n'est pas nouvelle et peine à porter ses fruits. Après Montpellier (0-3, le 4 novembre), les joueurs avaient été convoqués à la Commanderie le lendemain matin, après quelques heures de sommeil, pour une séance vidéo de deux heures, où ils avaient notamment revu en intégralité leur deuxième période, un supplice absolu. D'autres débriefings ont été corsés, comme celui qui a suivi la première défaite de la saison à Nîmes (1-3, le 19 août), où il avait pointé du doigt des attitudes déjà déplaisantes et encore récurrentes, notamment le repli défensif de ses attaquants. Dans son management, il n'a pas hésité à sortir certains titulaires de son onze de départ, comme Jordan Amavi, qui n'a pourtant pas de véritable doublure. Il ne s'est pas embarrassé des statuts non plus puisque Thauvin, à Monaco, ou encore Payet, à Nantes, ont effectué des tours sur le banc eux aussi. En privé, il se dit prêt à continuer à ne pas faire de cadeaux. C'est louable, même si ce n'est pas une réussite pour l'instant.
Rassurer ses cadres
À l'image de sa composition d'équipe à Francfort (0-4), où les bannis ont été envoyés au casse-pipe, sa gestion des hommes a de quoi faire parler, c'est certain. Surtout que les résultats ne lui donnent pas raison pour l'instant. Le désarroi de ceux qui ont été déclassés se fait plus audible, ce qui est naturel. Ils n'ont eu besoin de personne pour se mettre en difficulté mais Garcia a perdu ses deux avants-centres, au fil d'un turnover qui a fini par devenir contre-productif. Kostas Mitroglou et Valère Germain sont aujourd'hui au fond du gouffre moralement. Conscient de ces dégâts, le technicien semble vouloir revenir à une sorte de continuité aujourd'hui puisque l'ancien Monégasque vient d'être aligné trois fois d'affilée. Mais n'est-ce pas trop tard ?
Payet, lui, était sur le banc mercredi à Nantes. Et il n'était pas ravi du tout, ce que l'on peut comprendre. Le capitaine marseillais l'a expliqué en zone mixte par une volonté de son entraîneur de le faire souffler, mais il ne semblait pas convaincu et nous non plus. Le Réunionnais fait partie de la garde rapprochée du technicien mais l'arrivée de Strootman, identifié comme le nouveau chouchou de Garcia, ou la gestion de Thauvin, que son entraîneur ne cesse de complimenter, ont semblé impacter son moral. Des états d'âme personnels, beaucoup en ont cette saison, pour diverses raisons, même Luiz Gustavo, contrarié d'être aligné en défense, ce qui n'est plus le cas. Parmi les cadres, le discours de Garcia passe-t-il encore ? Oui, même si son image s'est écornée, comme auprès de Steve Mandanda. Et le gardien, qui s'est un peu mis en retrait, reste quand même un poids lourd du vestiaire, où son avis compte.
Lutter contre une image écornée
À force d'enchaîner les lourdes défaites, l'entraîneur marseillais a aussi perdu du crédit auprès du grand public, même si les réseaux sociaux, plus véhéments que le Vélodrome, ne sont pas tout le temps une juste photographie de la réalité. Mais dans les discussions avec certains supporters, l'exaspération est palpable, devant la faiblesse du fonds de jeu de l'équipe, un mercato décevant et une communication jugée parfois à côté de la plaque. Alors que son président, Jacques-Henri Eyraud, est bien silencieux dans cette période difficile, Garcia, qui vient de prolonger jusqu'en 2021, se retrouve seul en première ligne. Lui qui aime les défis compliqués, le voilà servi.