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«JE SUIS ALLÉ OÙ ON ME VOULAIT LE PLUS»
INTRONISÉ HIER, LE NOUVEL ENTRAÎNEUR DE L'OLYMPIQUE DE MARSEILLE RACONTE LES DESSOUS DE SON CHOIX, ALORS QUE SE PROFILE LE CLASSIQUE.
MARSEILLE - La nuit et la fraîcheur sont tombées, et le voilà qui débarque après l'entraînement, dans un survêtement bleu nuit, siglé Olympique de Marseille. Rudi Garcia (52 ans) porte une nouvelle tunique, autant qu'un nouvel espoir, alors qu'il connaîtra demain son premier match avec l'OM, face au PSG, au Parc des Princes.
«Vous avez rencontré pour la première fois Jacques-Henri Eyraud le 26 août, avant même l'annonce de la vente. Par pure politesse ?
Non. J'ai eu beaucoup de respect pour tous ceux qui m'ont approché. J'ai toujours répondu ou fait répondre mes agents. Mais quand c'est l'OM, tu les rencontres. Surtout qu'on savait tous que l'ancienne direction voulait passer la main et qu'il y avait plusieurs projets de reprise. Moi, je vous lisais, je n'en savais alors pas plus. Ce sont les seuls repreneurs potentiels qui m'ont appelé. J'étais curieux. Jacques-Henri m'a expliqué que Frank McCourt n'était pas accompagné par un fonds de pension, qu'il investit sur ses deniers personnels.
Cela vous a rassuré ?
Oui, je pense. J'ai bien aimé le discours franc, honnête, posé de Jacques-Henri. C'est quelqu'un qui me surprend de jour en jour, positivement. Le feeling avec les personnes compte. Avec lui, ça s'est très bien passé. Je l'ai trouvé clair.
Vous a-t-il dit que vous étiez son objectif principal ?
A mon avis, ce sont des bons professionnels, il avait plusieurs possibilités, comme pour le poste de directeur sportif (sourire).
Comment s'est passée votre entrevue avec McCourt ?
Bien. Le premier contact (avec Eyraud) date de la fin août. McCourt, je l'ai vu quand le processus était bien engagé, sur Paris. Et lui aussi, je l'ai trouvé très clair, dynamique, motivé.
Vous avez discuté en anglais ?
Ben oui, il fallait aussi que je sois prêt à entraîner en Angleterre (sourire). Non, je plaisante. Il faut être prêt à entraîner partout aujourd'hui. (Sérieux) Je suis content d'être là. C'est un beau challenge, une nouvelle aventure, avec une direction différente. On ne repart pas de zéro, car on est à l'OM, mais il y a beaucoup à construire, et ça m'a plu. Dans tous les autres clubs, je serais arrivé comme le remplaçant de celui qui a eu des mauvais résultats. Là, ce n'est pas le cas. Le timing est un peu bizarre, mais c'est comme ça. J'ai l'impression que Lille va être confronté au même sujet.
Un Américain, de Boston, qui n'a pas une culture incroyable du ballon rond, cela a dû vous rappeler des souvenirs. McCourt est-il différent de James Palotta, le propriétaire de l'AS Rome ?
Je pense qu'ils se connaissent, mais pas tant que ça. Je ne suis pas certain qu'ils se soient parlé à mon sujet. Ce que je trouve intéressant chez Frank et Jacques-Henri, c'est que ce sont deux personnes qui ont l'humilité de reconnaître qu'ils ne sont pas du milieu. En même temps, ce sont des sportifs. Jacques-Henri a fait de la compétition, en taekwondo. Frank a eu cette grande équipe de baseball. Ce sont des gens qui baignent dans le sport. Le foot restant particulier, ils ont décidé, en toute intelligence, de s'entourer de gens qui ont vraiment de l'expérience dans ce domaine-là. Ils ont un projet à l'international, l'objectif sera de retrouver l'Europe, et la plus grande des Coupes d'Europe, le plus rapidement possible. C'est aussi la qualité des Américains, je l'ai vécu à l'AS Rome. Tout d'un coup, tu deviens un club international, de par les nationalités dans l'effectif et dans les hautes sphères. Ils veulent les meilleurs. Alors je ne suis pas en train de dire que je suis le meilleur. Mais je sais qu'ils veulent les meilleurs dans le marketing, les autres secteurs, un peu partout.
Le fait que McCourt vienne vivre en France, au contraire de Palotta resté à Boston après avoir acheté la Roma, cela compte-t-il pour vous ?
C'est très important, c'est une vraie marque d'investissement. Frank va suivre, il va être là. Je lui ai dit que ce serait important que les joueurs le voient. C'est lui l'actionnaire, celui qui paie. Et ça permet de parler, d'échanger, de se dire directement pourquoi ça va bien ou moins bien, sans personnes interposées.
Quand a eu lieu le basculement, la décision de rejoindre l'OM ?
J'attendais que l'AS Rome me libère. Cela n'a pas été simple. Ils auraient pu être plus classe, pour parler franchement. Il fallait que beaucoup de choses se mettent en place. Que je puisse emmener les adjoints que je voulais, sachant que ce serait en cours de saison à l'intersaison, j'aurais peut-être emmené plus de monde. Qu'on soit sûrs que l'OM soit repris par Frank McCourt et son équipe. Pour être clair, à cause des expériences vécues pendant l'été, mon premier objectif était devenu de quitter l'AS Rome et d'avoir les mains libres. Aujourd'hui, je ne serais pas à l'OM si la Roma avait accepté un deal financier sur d'autres propositions que j'ai eues avant.
"Mon objectif était de rester dans un championnat européen majeur ou de prendre une sélection nationale capable de gagner le prochain Mondial" C'est-à-dire ?
J'ai eu beaucoup de propositions. Mon objectif était de rester dans un championnat européen majeur ou de prendre une sélection nationale capable de gagner le prochain Mondial.
Comme la Belgique.
Par exemple.
Cela ne s'est pas fait à cause de la Roma ?
Oui, c'était un problème économique. A cause de ces expériences malheureuses, je me suis dit : ``Que ce soit Marseille ou pas, peu importe, il faut que je sorte de la Roma.'' Après, c'est un jeu de négociations. Ils espéraient que j'ai l'offre d'un gros club qui paie autant que chez eux pour me donner une belle poignée de mains. Moi, je n'en faisais pas une question d'argent, mais quand tu as signé un contrat, c'est normal qu'il soit respecté. A l'arrivée, les choses sont simples : je suis parti avec moins de 50% de ce qu'ils me devaient, mais au moins je suis parti. Je voulais absolument retravailler. Je suis resté neuf mois, quasiment jour pour jour, en gestation, pour arriver dans un autre projet. Finalement, c'est en France, mais c'est bien, c'est une nouvelle aventure.
3/4 Rudi Garcia a remporté 3 de ses 4 premiers matches de Championnat avec les équipes qu’il a dirigées dans l’élite. Il a connu la victoire avec Saint-Étienne en 2001 (en duo avec Jean-Guy Wallemme, 1-0 contre le PSG), avec Le Mans en 2007 (1-0 contre Metz) et l’ASRome en 2013 (2-0 contre Livourne).À Lille, il avait commencé par un match nul (0-0 à Nancy). 7 Avec Rudi Garcia aux commandes, Lille a enchaîné 7 victoires en L 1 en inscrivant au moins 3 buts en 2009-2010, réussissant la meilleure série au XXIe siècle parmi l’élite. Opta Vous avez été sollicité par West Ham, en dernière minute. Cela vous a-t-il fait réfléchir ?
Evidemment. J'ai tout étudié. Que ce soit la Premier League, la Liga, la Bundesliga... Je suis allé où on me voulait le plus.
Vous avez rencontré la semaine dernière plusieurs directeurs sportifs, dont Zubizarreta ou Luis Campos. Sans parler de Monchi, que vous connaissez bien.
Oui, pour le Séville FC. Pourquoi je les ai rencontrés? Même si je n'étais pas l'entraîneur de l'OM, même si les dirigeants du club ne m'avaient pas encore choisi, dans leur processus, ils souhaitaient ce type d'entrevue. Ils veulent qu'on travaille tous la main dans la main, qu'il y ait une bonne harmonie. Cela s'est très bien passé avec tous les directeurs sportifs rencontrés. La décision revient Jacques-Henri et Frank, ils sont intelligents, ils voulaient mon avis. Au moment, où j'ai rencontré les gens, cela s'est bien passé. C'est après que j'ai été plus surpris par certaines déclarations (il fait référence à celles de Campos ou de son entourage). Mais ce n'est pas à moi d'en parler, j'ai un match à gérer. Jacques-Henri s'est exprimé là-dessus.
Si on ne perd personne devant, on peut faire mal" "Vous n'étiez pas réticent à collaborer avec Campos, et lui non plus ?
Bien sûr que non.
A l'été 2015, la direction de la Roma vous a imposé des préparateurs physiques américains.
Cela a été une erreur. Aujourd'hui, ça ne passerait plus. Si c'est comme ça, il vaut mieux se quitter. On gagne du temps quand on travaille avec des gens compétents, de confiance. On n'a pas besoin de rétroviseurs. J'ai déjà vu de la qualité dans le staff technique et médical. Il faut les pratiquer. Par exemple, sur Stéphane (Cassard, l'entraîneur des gardiens), je n'ai jamais entendu parler en mal de lui. Je pense que c'est un mec bien, je vais le vérifier moi-même. S'il y a assez de qualités, je ne ferai venir personne.
Frank McCourt nous a prévenus, il ne sera pas interventionniste sur les choix sportifs...
(Il coupe, tout sourire) Alors je vous arrête tout de suite. Avec moi, il peut être interventionniste, ça ne changera rien (à son travail), ou alors ça ne durera pas longtemps.
Ce discours sur l'année de transition vous plaît-il ?
Non. Mais en même temps, c'est un peu vrai. Mais on va aller chercher une transition ``plus'' plutôt qu'une transition ``moins''. La saison est loin d'être terminée. On n'en a disputé qu'un tiers, on a peutêtre les moyens de revenir en première partie de tableau, et l'objectif fantastique de cette année serait d'accrocher une Ligue Europa. Les Coupes vont être aussi importantes. Mais cette saison doit aussi servir à préparer la suivante.
Vous aviez fondé un conseil des sages à Lille. Dans ce groupe-là, qui seront vos relais ?
Vous les connaissez. J'ai vu un Bafé (Gomis) sur le terrain qui est un compétiteur fou, emmène tout le monde derrière lui. Un Lassana (Diarra) avec toute son expérience. Mais j'espère en découvrir, au-delà de Rod (Fanni), qui est un peu chez lui. Même un Rolando. Ce qui est intéressant est de découvrir au jour le jour ceux qui vont avoir de l'influence sur les autres. Après, il y a des images qui parlent, même quand tu regardes un match en plan large à la télé : Lassana discute beaucoup sur le terrain, c'est vachement précieux pour les jeunes autour. L'avantage, quand un coach arrive, est que tout est remis à plat. Ça crée de l'émulation.
Et sur le terrain ?
Je vois un potentiel offensif reconnu. Si on ne perd personne devant, on peut faire mal. C'est aussi une formation qui a besoin de quelques clés pour être plus solide, en termes de bloc équipe.
Vous allez laisser le capitanat à Diarra? Je ne sais pas, honnêtement. Vous connaissez bien William Vainqueur.
William, je l'ai eu six mois à Rome, avec lui, tu peux aller à la guerre, il a un gros potentiel. Cela fait ch... qu'il soit blessé. Celui que je connais le mieux, c'est Yohann Pelé, du Mans, en 2007-2008. Je l'ai quitté grand espoir du football français. Il a eu une grande traversée du désert. Maintenant, il a une belle opportunité. Il doit croquer dedans à pleines dents, rattraper le temps perdu. Je lui ai dit. »
UNE PREMIÈRE JOURNÉE MARATHON
MARSEILLE - Une trentaine de supporters ont escorté son taxi avec des chants à la gloire de l'OM. Rudi Garcia a passé les grilles de la Commanderie hier, à 9 heures. L'effervescence était moindre qu'en juin 2014, à l'arrivée de Marcelo Bielsa. Le nouvel entraîneur de l'OM a pu faire la tournée du centre d'entraînement, du secteur administratif au médical en passant par la formation. « Tu es obligé de faire en une journée ce que tu ferais plutôt en trois jours voire une semaine, explique le technicien. Je suis allé voir un bout d'entraînement au centre de formation et j'ai salué Jean-Luc Cassini (le directeur). » Sur son chemin, il a croisé certains joueurs en soins comme Rémy Cabella, forfait pour le Classique, tout comme William Vainqueur. L'ancien entraîneur de l'AS Rome a pu aussi discuter avec certains anciens membres du staff de Franck Passi, comme les deux Thomas, Benedet et Fernandez : « Je ne sais pas ce qu'ils vont faire, je ne les connais pas, mais s'ils peuvent rester au club, je serai satisfait.
Moi, j'arrive avec deux adjoints (Claude Fichaux et Frédéric Bompard), je ne voyais pas l'utilité d'en ajouter plus. » Pour sa présentation à la presse vers 13 heures, il y a avait la foule des grands jours. Garcia est arrivé à pied, accompagné de son président, Jacques-Henri Eyraud. En retrait, ses agents suivaient, ainsi que des membres d'Image 7, la boîte de communication choisie par Frank McCourt, le nouveau propriétaire. Une bouteille à la main, Garcia a posé pour les photographes à l'extérieur des bâtiments. « Je ne vous fais pas de la pub pour de l'eau minérale », a-t-il précisé dans un sourire. Après les exercices médiatiques, Garcia a pu se présenter à son groupe. La première séance, à huis clos, n'a pas été trop poussée : «On a surtout fait du travail tactique.» Vers 19 h 15, l'entraîneur marseillais, survêtement du club sur le dos, est revenu vers les bâtiments pour ses dernières obligations médiatiques. La journée a été harassante. V. G., M. Gr.