Information
Leeds efficacement converti au jeu de de Marcelo Bielsa
Entraîneur de Leeds United depuis juin, Marcelo Bielsa a déjà transformé le jeu du club anglais, qui affronte Swansea mardi soir en Championnat.
Il avait quitté la France par la petite porte. Neuf mois après son limogeage du Losc, où la greffe n'aura jamais pris, Bielsa a rebondi à Leeds, en deuxième division anglaise et en a fait la sensation britannique de ce mois d'août. Autant pour ses résultats prometteurs que pour son jeu, déjà très marqué.
Aimer courir
À l'exception de son expérience lilloise, Marcelo Bielsa a toujours réussi à transmettre son principe-clé, celui qui impulse tous les autres : le goût de l'effort. Que ce soit en phase défensive («Pour moi, défendre, c'est d'abord courir», affirme-t-il, d'où son recours au marquage individuel) ou en phase offensive, une partie du jeu qu'il avoue préférer et beaucoup plus étudier.
Les formations «bielsistes» sont caractérisées par le mouvement, par des courses coordonnées, interdépendantes, et des appels multiples, aboutissant à un jeu finalement plutôt rare en 2018 : pratiqué principalement au sol, à travers des combinaisons en peu de touches, et en même temps capable d'être extrêmement vertical. L'effectif de Leeds a rapidement intégré cette association d'idées. Défensivement, ils réalisent presque systématiquement la course de plus. Offensivement, ils s'interdisent d'être immobiles. En trois journées, ils ont inscrit neuf buts et ont concédé deux. Chacun de leurs matches s'est disputé sur un rythme élevé, imposé à l'adversaire. Au Losc, Marcelo Bielsa n'était jamais parvenu à passer ce cap : faire transparaître sa personnalité dans le jeu de son équipe.
Repartir depuis l'arrière
En termes d'idées de jeu, l'Argentin ne vacille pas. Le plus souvent possible, le ballon doit repartir proprement, au sol, depuis l'arrière. Si le profil de la deuxième division anglaise donne parfois lieu à des séquences très locales (la balle peut rester dans les airs une bonne dizaine de secondes), Leeds détonne déjà par sa volonté de relancer patiemment. Le schéma privilégié jusque-là oscille entre 4-3-3 et 4-2-3-1. En tout cas, il comporte toujours un milieu plus reculé que les autres, chargé d'aider son gardien et ses centraux pour leur éviter l'obligation de sauter les lignes. Leeds ne tente que 67 passes longues par match (22e de Championship).
Bielsa exige autant de Phillips que de ses centraux titulaires, Cooper et Berardi. En particulier ce dernier. Bon relanceur, le Suisse n'hésite pas à avancer balle au pied et à casser les lignes adverses par des passes appuyées au sol. Les éléments offensifs de Leeds décrochent extrêmement rarement pour toucher le ballon ; Bielsa les veut plus haut et en nombre dans le camp adverse.
La distance entre les centraux et les éléments offensifs de Leeds se révèle souvent grande en possession de ballon. Bielsa les éloigne les uns des autres pour étirer le bloc adverse et allonger les temps de passe, un aspect indispensable pour pratiquer l'appui-soutien. Dès qu'un des joueurs reculés (les centraux ou la pointe basse) joue vers l'avant, les partenaires autour du futur porteur de balle se rapprochent de lui pour venir en soutien. Plus le temps de passe est long, plus les soutiens ont le temps de se déplacer et de s'orienter par rapport à l'appui. En Espagne, on appelle ça le troisième homme.
Attaquer en nombre
Leeds répète ces pénétrations à l'intérieur du jeu à l'envi. Ensuite, le soutien doit envoyer le ballon sur une des deux ailes. Survient alors la deuxième idée de jeu immuable chez Bielsa : puisque la plupart des buts viennent des couloirs, il faut s'y rendre en surnombre. Seulement 24% des attaques de Leeds ont lieu dans l'axe (38% à gauche, 38% à droite). En grand fan de Louis van Gaal, dont il adorait l'Ajax dans les années 90, l'Argentine prône la création de triangles sur les flancs.
Les joueurs concernés sont libres d'interpréter l'action comme ils l'entendent, tant qu'ils finissent par centrer. À Marseille, déjà, la majorité des offensives se concluaient par un centre. Leeds en tente 22 par match en ce début de saison (6e en Championship). Ils ne sont pas toujours aériens, sont parfois plus courts, notamment après une incursion d'un joueur aux abords de la surface, mais ils misent tous sur une forte présence dans et autour de la surface adverse. Leeds, comme toutes les équipes de Bielsa par le passé, penche vers l'avant. Seuls les deux centraux et la pointe basse restent constamment en couverture.
Malgré ses 27 ans, Samuel Saiz est la révélation de ce début de saison. Formé au Real Madrid, il a bourlingué, après avoir connu trois sélections chez les U19 espagnols : les réserves de Getafe, Almeria et de l'Atlético Madrid l'ont vu passer, avant qu'il atterrisse à Leeds en 2017. Depuis l'arrivée de Marcelo Bielsa, il survole les rencontres. Aussi vif que créatif, il mélange des qualités de percussion et d'orientation du jeu. En Championship, il est le deuxième joueur à réussir le plus dribbles par match (4) en ce début de saison.
Comme avec Jorge Valdivia ou Dimitri Payet avant lui, Bielsa semble avoir un don pour sublimer les meneurs de jeu, les profils qui ont besoin de toucher le ballon entre les lignes. Et ce pour deux raisons : d'abord, ses mécanismes de relance leur épargnent les décrochages qui limitent leur impact dans les trente derniers mètres. Ensuite, ce déséquilibre vers l'avant assumé, avec au moins cinq joueurs devant le ballon, leur offre d'innombrables solutions de passes.
Déséquilibre et endurance
Lorsque les décisions prises ne sont pas les bonnes, ou lorsque l'exécution technique est défaillante, la fuite en avant permanente de Leeds met en danger son arrière-garde. Les formations de Bielsa font fi du score, quel que soit l'instant du match, et rentrent rarement (pas suffisamment ?) dans le calcul ou la gestion des temps forts et temps faibles. Jusque-là, redoubler d'efforts a permis à Leeds d'éviter une déconvenue.
Ce début d'exercice supersonique de la part de Leeds a le mérite de rappeler une évidence parfois oubliée : Bielsa est un entraîneur spécial, surdoué pour métamorphoser des équipes et les rendre attrayantes en très peu de temps. Les supporters de Marseille s'en souviennent encore. Du onze titulaire, seul Barry Douglas, le latéral gauche, est une recrue.
Néanmoins, le calendrier du Championship, constitué de 46 matchs, sans compter d'éventuels barrages, conjugué à la débauche d'énergie inhérente au projet de jeu séduisant de Bielsa, incite à la prudence. Le technicien argentin aura besoin d'un banc efficace pour viser la montée jusqu'en mai. Mardi dernier, une équipe bis a éliminé Bolton en Coupe de la Ligue anglaise. De quoi rassurer quelque peu sur la largeur de l'effectif fourni à l'ancien sélectionneur du Chili.