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PARCOURS; "Plus qu'une étape un tournant"; Reconverti avec succès au poste de latéral droit, Bouna Sarr n'a jamais été aussi proche des Bleus. Entretien
À26 ans, Bouna Sarr est enfin épanoui. Dans l'attente de la liste de Didier Deschamps (lire encadré), le Franco-Sénégalo-Guinéen se concentre sur l'OM, où il revit depuis la saison dernière dans un nouveau rôle.
Que retenez-vous de la défaite contre le PSG ?
Il y a toujours de la déception quand on perd ce type de match, surtout quand on joue chez nous. On veut répondre aux attentes des supporters, leur faire plaisir. Ils sont indulgents avec nous car ils savent que c'est costaud en face. On aurait quand même voulu obtenir un résultat. L'entrée de Mbappé a changé les choses, c'est comme ça.
Vous parliez de l'indulgence des supporters. On a même l'impression que la défaite contre le PSG est devenue une fatalité. C'était le sens du discours du président à la fin ("Première mi-temps exceptionnelle", "On a rivalisé"), or ce n'est pas dans l'habitude de l'OM de se satisfaire d'une défaite...
Ce n'est pas une fatalité. Il faut juste être conscient que le PSG est aujourd'hui la meilleure équipe de France. On est réaliste, mais on ne commence pas le match en se disant qu'il faut bien jouer, on le commence avec la volonté de gagner. On a montré de bonnes choses, même si ce n'était pas parfait. On n'a pas à rougir.
Comment expliquez-vous la différence d'implication entre les matches de la Lazio et du PSG ?
C'est une bonne question. On touche à l'aspect humain. Quand on joue contre ce genre d'équipe dans ce genre de confrontation, on n'a pas besoin d'aller chercher la motivation. L'enjeu nous pousse davantage, le public aussi.
Oui, mais la réception de la Lazio (1-3) était aussi essentielle pour l'avenir européen...
C'est sûr. Ce sont des choses difficiles à expliquer. On se fait les reproches à la fin du match, on se dit qu'on aurait dû mettre plus d'implication. Mais entre se dire les choses et les faire, il y a un monde. Le match est passé, tu ne peux pas revenir sur ton engagement. Ce sont des choses dont il faut se servir, c'est une erreur, le manque d'implication, qu'on va encore reproduire. Mais ce n'est pas volontaire, c'est plus inconscient.
L'OM a enregistré sa 6e défaite après 14 journées. L'an dernier, il a fallu attendre le 42e match. Faut-il s'en inquiéter ?
C'est inquiétant en Ligue Europa car nos chances sont compromises ; il nous reste trois matches, ça va être compliqué car on n'a pas notre destin entre nos mains. Ça l'est moins en championnat ; l'an dernier, à la même époque, on n'avait pas énormément de points en plus.
Revenons au problème d'avant-centre. Selon vous, l'OM doit-il recruter en janvier ?
L'an dernier, on a réussi à le faire. On n'avait pas forcément d'attaquant attitré, "Mitro" et Valère se sont partagé le nombre de matches et quand ils ne marquaient pas, d'autres joueurs faisaient la différence. Les gens en parlent plus cette saison car on manque d'efficacité. Ça se voit davantage. Mais on garde confiance en nos attaquants, ce n'est pas évident pour eux. Ils bossent bien, mais ils ne sont pas forcément récompensés. On sait qu'à Marseille, quand un attaquant ne marque pas, il est vite pointé du doigt. Je ne suis pas là pour dire qu'il nous faut un attaquant plus efficace, ce n'est pas mon rôle. Si le club veut renforcer l'équipe, c'est à lui de prendre la décision. On fait avec ce qu'il y a aujourd'hui.
Mais quand Payet joue en faux 9, ça devient problématique pour marquer des buts...
C'est plus compliqué, c'est vrai. Mais c'est déjà arrivé de voir des équipes avec des faux 9, l'Espagne jouait bien avec Fabregas en attaque. C'est aussi à nous de nous adapter aux joueurs dans notre équipe. Quand le coach met Dim' (Payet) en faux numéro 9, il faut peut-être centrer différemment, en retrait, au sol, dans des zones différentes... Sur ce match, c'est difficile car on ne l'a pas forcément travaillé. C'était un coup de poker du coach. Ce n'était pas une mauvaise idée, ça a même marché pendant 60 minutes.
C'est votre 4e saison à Marseille. Quel regard portez-vous sur votre parcours ?
Que ce soit mon niveau, mon temps de jeu et ma cote auprès des supporters, j'ai eu une progression au fil des années. J'ai réussi à prendre mes aises dans ce club à partir de la saison dernière, à la mi-saison. Il a fallu du temps, on ne va pas se mentir, mais je me sens pleinement épanoui, intégré dans le projet, je continue à apprendre et à progresser. Je suis content de ce qui m'arrive, mais ce n'est pas une fin en soi. J'ai envie que ça continue à aller dans le bon sens.
Qui sont les coaches qui ont compté ?
Ceux qui m'ont le plus apporté sont Franck Passi et Rudi Garcia. Quand j'étais dans la difficulté, Franck a toujours gardé confiance en moi, il m'a toujours poussé, m'a beaucoup aidé. Ça m'arrive d'échanger avec lui, pas forcément ces derniers temps. Je connais bien son fils, je l'ai croisé cet été en vacances. J'ai une certaine affection pour lui car c'est une bonne personne. Pour Rudi Garcia, il a donné un second souffle à ma carrière. Quelque part, il a été visionnaire. Quand il a fait le parallèle avec Alessandro Florenzi, je ne le connaissais pas forcément... J'ai dû m'y intéresser, regarder son profil sur internet, observer des matches de la Roma. Dans le profil technique et athlétique, je me suis dit que le coach ne se trompait pas... Il y a de belles choses à vivre !
Ce replacement est donc une étape majeure ?
C'est plus qu'une étape, c'est un tournant. Ça m'offre des possibilités que je n'aurais pas eues en restant à mon ancien poste. Si j'étais resté milieu offensif, je ne serais peut-être plus à Marseille aujourd'hui. Je l'ai accepté, j'y prends du plaisir, c'est mon nouveau poste.
Que vous a dit votre entourage à l'époque ?
Quand j'en ai parlé à mes parents, ils m'ont dit de jouer le jeu, de voir ce que cela pouvait donner. Mon agent (Patrick Mendy) aussi. Ça leur faisait bizarre car ils m'ont toujours vu attaquer, ils ont dû s'y faire autant que moi. Je voulais voir les six premiers mois, jusqu'en janvier, si j'allais avoir du temps de jeu, si je m'en sortais sur le terrain. Je pense que j'ai montré des choses intéressantes dans l'ensemble. Avec le temps, ça paye.
Et vous progressez...Je le sens. Les gens ont gardé l'image d'un joueur offensif ; l'an dernier, c'était dur pour eux de concevoir que je puisse défendre, mais j'ai réalisé des matches très solides défensivement. Le changement était trop récent. Aujourd'hui, on me voit comme un défenseur contre-attaquant.
Votre match à Nice est-il une référence ?
J'en reviens à ce que je disais. Les gens ont été marqués car c'était visible, du tacle qu'on peut remplacer par un but, à la passe décisive pour Morgan (Sanson) dans la foulée... Tant mieux. Après, c'est sûrement un match référence sur cette saison. Mais l'an dernier, j'avais été très bon contre Monaco ou contre Salzbourg au Vélodrome... Aujourd'hui, ça marque plus les gens.
Comment expliquez-vous votre importance et votre rôle dans le vestiaire ?
Ça vient de ma personnalité, je suis très sociable, je m'entends avec toutes les générations. J'ai 26 ans, je suis dans cet entre-deux où je m'entends aussi bien avec les jeunes qu'avec les anciens. Je suis quelqu'un de très déconneur, qui aime bien chambrer et accepte d'être chambré. Je suis bien aimé par rapport à mon parcours aussi, je suis un battant et je me suis toujours battu à l'OM. Quand on est respecté en dehors du terrain, c'est qu'on arrive à se faire respecter sur le terrain.
Donnez-vous des conseils aux jeunes ?
Bien sûr. Dans le vestiaire, sur ma gauche, j'ai Christopher Rocchia. Ça me rappelle un peu quand j'étais plus jeune. C'est à peu près à cet âge-là que j'ai signé pro. C'est là que tu fais tes premiers matches, que tu es impatient de jouer, que tu ronges ton frein... Je l'aide à être patient, à travailler dur et à lui faire comprendre que son heure viendra s'il est persévérant.
Racontez-nous votre relation avec Gustavo...
C'est un feeling naturel. J'apprends beaucoup avec lui, aussi bien en dehors que sur le terrain. Il me conseille énormément. Dans la vie, il faut s'inspirer des meilleurs, des plus expérimentés. Je suis content d'être ami avec Luiz et de côtoyer un joueur comme lui. Il me tire vers le haut.
La Provence