C'était très bizarre. Revenir avec mon père, pour un match avec autant de suspense m'a donné des frissons, avec cette musique. Quand je jouais, je m'y étais habitué, même si je ressentais quelque chose d'encore différent. Être en tribune est un régal ; être sur le terrain, c'est inexplicable.
Redevient-on supporter quand on ne porte plus ce maillot ? Ou est-ce difficile parce qu'on a vécu des choses de l'intérieur ?
J'ai toujours été supporter, je le resterai. L'OM sera à vie dans mon coeur. J'ai suivi l'équipe, regardé presque tous les matches, je ne voulais pas qu'elle perde.
Qu'avez-vous pensé de l'OM cette saison ?
Ils ont fait une très belle saison. Dommage qu'il y ait une période de flottement au moment où ils ne se qualifient pas contre Feyenoord. Mais la saison est plus que réussie, la 2e place est méritée. On peut dire ce qu'on veut, l'OM a été 2e dix-neuf fois. Je me suis régalé, ça jouait vraiment bien.
Vous seriez-vous plu dans cette équipe ?
J'aurais kiffé jouer dans une équipe comme celle-là, j'aurais pu me régaler. Je me serais bien fondu dans la masse. Je regarde un peu les réseaux sociaux. À l'époque de Garcia et Villas-Boas, les gens avaient une vision bizarre des milieux de terrain. Moi, j'étais "M. passe en retrait". Ça me faisait rire. Cette année, ce n'était pas toujours du jeu vertical, et on n'entend plus les mêmes critiques. Ce que je faisais avant, les milieux l'ont fait pas mal. Parfois, quand tu n'as pas la solution devant, tu ressors, c'est la base.
Comment avez-vous vécu OM-Strasbourg ?
Je suis un fan du multiplex, je n'ai pas regardé que ce match. J'ai regardé le début ; on sentait qu'ils étaient au-dessus, déterminés. Quand Lens marque, j'étais content. C'était mérité. D'autant qu'il y avait penalty derrière. Même à travers l'iPad, je sentais l'ambiance. La saison prochaine va être importante. On va voir le mercato. "Bouba" était la pièce maîtresse de l'équipe, il a apporté un tel équilibre. Il va falloir le remplacer. On va voir si William (Saliba) va revenir. Je leur souhaite de faire une belle saison. J'espère que ça va le faire en Ligue des champions.
Vous attendiez-vous au départ de Kamara ?
Bien sûr. On se parle tous les jours. Même sans ça, je savais qu'il ne resterait pas. Les gens ont du mal à comprendre que parfois on arrive à la fin d'un cycle. Pour notre vie d'homme et de famille, parfois ça fait du bien de partir. Ce départ va lui faire du bien. Il va changer de pays. Il m'a dit qu'il parlait un peu mieux anglais qu'avant ; à l'époque, c'était un peu compliqué. Steven Gerrard l'aime beaucoup, Aston Villa est en train de faire un bon mercato.
La destination en elle-même ne vous surprend-elle pas ?
Pas du tout. Tous les clubs se valent. Avant que j'y aille, personne ne connaissait Sassuolo. Tout le monde me voyait finir dans l'anonymat. Au final, j'ai fait les choses bien. La Premier League est très suivie, le niveau est très relevé. Les gens pensent peut-être qu'il méritait mieux. Mais on ne sait pas tout ce qui s'est passé à côté. Je lui souhaite le meilleur. "Bouba", c'est comme mon frère.
Il a quitté l'OM sans prolonger, contrairement à vous...
J'ai vu tout ce qui a été dit sur ça. Ça ne me regarde pas. Je suis au courant du dossier. Ce qui n'est pas beau, c'est qu'on a entendu pas mal de choses après. "Bouba" aime l'OM, sa ville. Il aurait aimé faire les choses un peu mieux. Mais parfois on ne peut pas.
Ça vous a fait quoi de le voir en équipe de France ?
J'ai ressenti de la fierté. J'avais les frissons. Ça faisait longtemps que je trouvais qu'il n'en était pas loin, je lui en parlais. Contre la Croatie, ça a été compliqué ; il a été très bon contre l'Autriche. Nous, les milieux, on dépend beaucoup de l'équipe. Si elle est dans un bon mood, on va être top. Beaucoup de joueurs étaient fatigués.
Quel bilan dressez-vous de votre 2e saison à Sassuolo ?
Individuellement, j'ai réussi ma meilleure saison, au même niveau que ma première avec l'OM, en 2016-17. Sans être prétentieux, je me suis trouvé performant. J'ai répondu présent dans les gros matches, ce qui me manquait. J'ai peut-être franchi un cap. J'ai 24 ans, c'était ma sixième saison en pro, je commence à être expérimenté. Sur le plan collectif, je suis un peu moins satisfait. Vu notre équipe, il y avait beaucoup mieux à faire. On a perdu trop de points contre les équipes un peu moins huppées. À Sassuolo, on n'est pas là pour jouer la coupe d'Europe tous les ans ; l'objectif, c'est de finir le plus haut possible. On méritait de finir un peu mieux.
Au rayon des bons moments, il y a ce but au Juventus Stadium et cette célébration à la Cristiano Ronaldo, non ?
(Rire) La rencontre était dure. En fin de match, l'instinct me pousse à tenter quelque chose. J'ai encore des jambes, je tente ce ballon piqué intuitivement. Ma célébration ? Un moment de kif, pas vraiment prémédité. J'ai entendu quelques insultes des tifosi de la Juve. On est aussi allé gagner deux fois à San Siro, contre l'AC Milan et l'Inter, les deux derniers champions. Quand tu arrives dans ce stade, tu ressens quelque chose. À part la Roma et Naples, on a battu tous les gros. C'est aussi pour cela qu'on a fait beaucoup parler de nous.
Vous vous épanouissez toujours à Sassuolo ?
Oui. On a connu des moments compliqués, on a été dans le dur. Mais quand tu passes par Marseille, tu es préparé à tout. Il y a tellement de pression. L'année dernière, c'était ma première saison, j'étais encore un peu attaché à l'OM. Aujourd'hui, j'ai un peu plus de recul. Je me sens bien à Sassuolo.
Regrettez-vous de ne pas avoir été plus décisif (2 buts, 2 passes décisives) ?
Je le regrettais l'an dernier, j'étais encore dans cette optique. J'ai complètement changé. Je suis réaliste par rapport à mon poste. J'ai compris qu'il valait mieux avoir de vraies stats pour mon poste. Marquer contre la Juve est un kif ; faire une passe décisive, un plaisir. Mais je ne me dis plus que je dois améliorer mes stats. Si je suis l'un des meilleurs de Serie A à mon poste, c'est déjà une réussite.
Comment en êtes-vous arrivé à cette prise de conscience ?
À travers des discussions avec mon frère, mon père ou mon agent. Parfois, ça me gonflait. Je me suis rendu compte que j'étais fou de penser ainsi, ça ne sert à rien. Les stats sont importantes, mais je me dis qu'il ne faut pas voir que ça. On attend autre chose de moi. J'ai totalement changé ma mentalité.
Vous êtes dans le viseur de la Roma, la Lazio et la Fiorentina. Est-ce le moment de partir ?
Honnêtement, je me pose cette question. Je suis épanoui à Sassuolo, je parle italien, ça change tout pour la vie au quotidien. Je me sens comme à Marseille. Est-ce le bon moment ? Je ne sais pas. On va voir. Pas mal de clubs font connaître leur intérêt. Sassuolo est demandeur, il aime bien faire des plus-values. On va voir ce que j'ai. Concernant les clubs que vous évoquez, il n'y a rien de sérieux ni de concret. Quand il y aura du concret, je me poserai pour y réfléchir.
Avez-vous déconseillé à Scamacca d'aller au PSG ?
(Rire) Quand l'info est sortie, je lui ai écrit. Je lui ai déconseillé d'y aller mais en rigolant ! Qui je suis pour lui déconseiller ? Pour moi qui suis marseillais, Paris, ça ne me fait pas trop rêver. Mais pour un joueur comme Gianluca qui monte en puissance, ça fait rêver de se dire qu'il va peut-être jouer avec Mbappé, Neymar et Messi. Il doit se poser la question. En janvier, il m'avait dit qu'il préférerait rester en Italie. Entre les joueurs du club, les moyens, le confort, beaucoup d'étrangers rêvent d'aller à Paris.
La Provence