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"Ici, on me demande de jouer un rôle" (L'Equipe, Melissande Gomez, 21/02)
Joey Barton, le milieu de l'OM qui évolue en L1 depuis 3 mois, raconte le choc des cultures et son adaptation au foot français.
Hier midi, après l'entraînement, Joey Barton déjeune à la cantine du centre d'entraînement, comme presque tous les joueurs. En français, il salue les salariés du club, un par un. En anglais, où il est quand même plus à l'aise, il répond aux questions sur sa découverte du foot hexagonal. Et à 3 jours du choc face au PSG en championnat, le joueur prêté par les QPR assure croire encore au titre de champion.
- Ce match contre le PSG, ça représente quoi pour vous ?
JB : A la minute où je suis arrivé ici, on m'en a parlé. On est juste derrière au classement, on arrive à la fin février et c'est maintenant qu'un championnat se gagne ou se perd.
- Vous pensez vraiment pouvoir encore gagner le championnat ?
Pourquoi pas ? on est les outsiders mais ça nous va bien. Personne ne s'attend à ce qu'on gagne, alors que pour Paris, ne pas être champion serait une catastrophe.
- Avec tout cet argent, le PSG est-il devenu un très grand club ?
Ca dépend de ce qu'on juge. Si la réussite, c'est de gagner des trophées, alors cet argent va évidemment les aider. Mais si la réussite, c'est de former des jeunes joueurs, comme l'a fait Manchester United à une époque avec Beckham, Giggs, Scholes et Gary Neville... Cela dit, pour un fan du PSG, j'imagine quand même que c'est une super période.
- Vous n'avez jamais affronté Ibrahimovic...
J'aime le personnage. C'est un joueur incroyable. Il dit souvent que les gens qui parlent de lui en ont peur, et je ne voudrais pas qu'il ait une impression erronée. Je n'ai pas peur, mais c'est un joueur fantastique.
- Et David Beckham ? On vous en a beaucoup parlé, ces jours-ci...
C'est une marque importante. C'est aussi un super ambassadeur pour le foot anglais. Après, ce n'est peut-être plus le même athlète qu'il y a 5 ans, parce que, sans vouloir manquer de respect à la MLS, ce n'est pas tout à fait le même niveau.
- C'est un joueur que vous admirez ?
Ses pantalons en cuir, ses chaussures fashion, ses mèches blondes... Non, ce n'est pas trop mon style. Après, c'est probablement le meilleur centreur que l'Angleterre ait jamais connu.
- Vous avez découvert le jeu de l'OM, maintenant. L'adaptation a-t-elle été difficile ?
Chaque jour, je continue à apprendre. Ici, on me demande de jouer un rôle qui n'est pas naturel pour moi.
- C'est-à-dire ?
Moi, je suis un milieu à l'anglaise. On attaque, on défend, on attaque, on défend. Ici, le coach veut que les 2 milieux aient une grosse responsabilité défensive. Donc, je dois défendre beaucoup +. Tant que l'équipe gagne, tant que le coach est content de moi, ça me suffit. Je suis assez vieux et assez sage pour savoir comment je joue.
- Contre Nancy, par exemple, vous n'avez pas été bon.
Avant l'expulsion, je vivais un véritable cauchemar ! J'essayais, mais ça ne voulait pas. Ce soir-là, je n'ai pas réussi une passe. J'ai été nul, c'est tout. Je sais qu'on dit que je suis moins bon en ce moment. Mais je ne sais pas ce que les gens attendaient. Vous vous attendiez à ce que je fasse 10 passements de jambes et que je marque de 35 mètres ? Vous vous êtes trompés de joueur.
- Vous n'étiez pas habitué à défendre comme ça ?
En France, c'est presque comme s'il y avait une "unité défensive" dans l'équipe. En Angleterre, les entraîneurs te demandent de marquer. Ici, de ne pas prendre de but. J'ai l'impression de découvrir un nouveau sport !
- La culture est à ce point différente, alors ?
Complètement. La mentalité, aussi. En France, quand tu travailles dur, ça sous-entend que tu n'as pas de talent. Ils ne croient pas au travail, aux efforts. Je ne comprends pas ça. Le nombre de discussions que j'ai eues à ce sujet ! Les joueurs français, ils n'aiment pas bosser ! Ils n'aiment pas se salir. Si tu te fais mal à l'entraînement, pour eux ça veut dire que tu n'as pas de talent. Mais si tu as du talent et qu'en + tu bosses dur, tu deviendras encore meilleur, non ? Moi, de toute façon, je n'ai pas de talent, alors il faut bien que je bosse !
- Ils sont un peu trop faciles donc ?
Je ne sais pas. Mais j'ai l'impression qu'il faut qu'ils soient en colère pour se bouger vraiment. C'est pareil avec vos équipes nationales, en rugby, en foot. Si on leur dit : vous êtes nuls, vous êtes des tocards, alors ils vont faire un super match. Alors, je suppose qu'il faut essayer de les énerver un peu.
- C'est pour ça, que vous vous accrochez parfois, comme mardi à l'entraînement avec Kassim Abdallah ?
Mais j'ai vu ça au moins 10 fois cette saison à l'entraînement et c'est la 1ere fois que je suis impliqué ! Tout est réglé, on en a parlé après. Il m'a dit qu'il n'était pas content que je lui mette un coup, je lui ai dit que j'étais désolé, et voilà.
- Que pensez-vous de la L1, après + de 10 saisons en Premier League ?
Le niveau est vraiment meilleur que ce que je ne croyais. Il y a des équipes faibles, mais comme partout. Je pense que le foot français n'a pas la réputation qu'il mérite. Les joueurs sont moins techniques, sans doute. Mais c'est dur à chaque match, parce que quand vous jouez une équipe du bas de tableau, souvent, la pelouse est pourrie. Et ça équilibre.
- Vous n'étiez pas habitué à ça...
En Angleterre, il ya une récompense chaque saison pour la meilleure pelouse. Là, le pire, c'était Bastia. Mais je comprends, en même temps. Si je suis dirigeant de Bastia et que j'ai 500 000 €, je préfère les mettre dans un joueur plutôt que dans une nouvelle pelouse...
- Vous avez été expulsé contre Nancy, averti à nouveau contre Valenciennes. Les arbitres sont + sévères, ou vous êtes trop agressif ?
Disons qu'il faut s'adapter. Mais je plains les arbitres ! Ce n'est pas facile pour eux quand, sur le moindre petit contact, le joueur tombe et se met à faire 12 tours sur lui-même en hurlant. Samedi dernier, après 5 minutes, je fais un tacle, je prends le ballon et Le Tallec arrive en retard, me marche sur la cheville et commence à se rouler par terre. J'avais mal, un trou dans la chaussette, et lui se roulait par terre ! Moi, si je fais la même faute, je fais quoi ? Je me jette par terre et je me mets à pleurer comme une petite fille ? Je préfère encore prendre le carton jaune !
- Vous êtes prêté jusqu'à la fin de la saison par QPR. Avez-vous discuté avec les dirigeants de l'OM pour la suite ?
J'ai parlé à des gens ici, oui. Et, apparemment, ils veulent que je reste. Mais ce n'est pas si évident que ça. Le manager de QPR a changé et j'ai de bonnes relations avec celui qui vient d'arriver (Harry Redknapp). Lui aimerait me faire revenir. Mais je ne me vois pas y retourner. Moi, j'ai envie de rester ici. Marseille m'a soutenu quand j'étais suspendu, donc s'ils veulent que je reste, ce sera ma priorité. Si ce n'est pas possible financièrement, ou s'ils préfèrent prendre quelqu'un d'autre, on verra. J'ai d'autres options.
- Vous dites aussi que la Premier League vous manque.
Je suis honnête, c'est tout. C'est comme si j'avais été 10 ans avec une fille et qu'on se séparait, elle me manquerait. Même si c'était une chieuse et si elle m'avait causé pas mal de problèmes !