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Yahiaoui: "J’assume mes erreurs"
L’ancien espoir du centre de formation de l’OM, sans club, se livre enfin. Retour sur un parcours semé d’embûches
Mercredi 11 août, Oslo. Amputée
des "putschistes de Knysna",
l’équipe de France version Laurent
Blanc s’incline en Norvège (2-1).
Une rencontre qui marque le retour en
force de la "génération 87", celle qui fut
sacrée championne d’Europe des
moins de 17 ans en 2004. L’espace
d’une vingtaine de minutes, Samir
Nasri, Hatem Ben Arfa, Jérémy Ménez
et Karim Benzema évoluent de nouveau
ensemble sous le maillot tricolore.
"Quel plaisir de les voir là! Et dire
que normalement, je suis positionné juste
derrière eux..."
À cette simple pensée, son regard pétille,
s’enflamme. Lui? C’est Ahmed Yahiaoui,
capitaine des champions d’Europe
2004. L’adolescent fougueux que
l’on avait rencontré cette année-là, sur
les terrains de la Commanderie, a laissé
place à un jeune homme serein mais
marqué par les turpitudes d’un milieu
qui ne l’a pas épargné.
Pour beaucoup, Yahiaoui est une comète
dans le ciel du football français.
Un gamin plein de promesses, destiné
au plus grand avenir. Mais au talent gâché
par un côté ingérable. "Il faut arrêter
avec cette réputation qui me colle à
la peau, lâche-t-il. J’ai pu lire et entendre
plein de choses sur moi, mais c’est
n’importe quoi ! Je ne suis pas celui que
l’on a dépeint."
Emmuré dans un silence, l’enfant de
Félix-Pyat a laissé dire, laissé faire. Persuadé
d’être dans la vérité. Sa vérité.
"Vous savez, au contraire de Samir
(Nasri), mon ami du centre de formation
à l’OM, je ne bénéficiais pas d’un
entourage familial solide. Je n’avais pas
de grand frère, pas de cousin. Mon père,
qui n’y connaissait pas grand-chose,
était là pour moi même s’il parlait mal
français. Mais il est subitement décédé
en 2005. Ce fut un choc terrible pour
moi, que je n’arrivais pas trop à maîtriser".
Ahmed Yahiaoui ouvre son coeur.
L’émotion prend le pas au fur et à mesure
qu’il déroule le fil d’une carrière
partie tout droit dans un mur.
"J’ai fait des conneries, des erreurs,
dans l e p a s s é . J e l e s assume
aujourd’hui. Mon plus grand tort, c’est
d’avoir été une grande gueule. Quand
tu as 17ans et que tu l’ouvres car tu penses
que tu as raison, tu te fais écraser.
C’est ce qui m’est arrivé. Pour faire ça, il
faut être déjà très costaud, ou s’appeler
Zidane. Moi, je n’avais rien prouvé.
Mais, surtout, j’ai ensuite été très mal
conseillé..."
Car Ahmed était avant tout un
joueur ambitieux. Trop, sans doute. Là
où d’autres se contentent de peu, lui
voulait grimper le plus vite possible.
"Mais ce n’était pas de la prétention,
coupe-t-il. J’ai toujours été un bosseur,
je connaissais mes qualités. Mais, à
l’OM, les dirigeants n’étaient pas clairs
avec moi. Dans les bureaux, c’était : ’Ahmed,
on compte sur toi’, puis je lisais le
contraire dans la presse le lendemain...
Moi, je voulais juste qu’on me laisse ma
chance". Par manque de patience et en
offrant sa confiance à des oreilles mal
intentionnées, Yahiaoui est allé au
clash.
"Chelsea me voulait, se souvient-il.
Moi, je suis Marseillais jusqu’au fond
de mes tripes et mon souhait était de rester
à l’OM, de réussir dans mon club de
coeur. Je n’avais peut-être pas le niveau,
mais alors, qu’on me le dise ! Après une
saison en CFA, j’avais envie de passer à
autre chose. Mais rien ne changeait, des
joueurs arrivaient à mon poste, et
d’autres, moins bons, me passaient devant.
Alors, entre s’entraîner à l’OM et
jouer avec la réserve, ou s’entraîner à
Chelsea sous les ordres de Mourinho,
avec des joueurs de classe mondiale, et
jouer avec la réserve, le choix est vite
fait !"
Sa décision, Ahmed la paiera cher.
Lancé dans un bras de fer, il n’ira jamais
à Chelsea - qui se rabattra sur le
Havrais... Lassana Diarra ! - et se forge
une réputation qu’il traîne encore
aujourd’hui comme un boulet,
d’autant qu’il n’a jamais rien tenté
pour la démentir. "Des gens qui me
connaissent depuis que j’ai 9 ans ont
tout à coup décrété que j’avais des problèmes
de comportement... J’ai toujours
fait ce qu’on m’a demandé, je n’ai jamais
raté le moindre entraînement. J’ai
même été interne au centre de formation
alors que j’habitais juste à côté
pour ne me consacrer qu’au foot. Après,
oui, il y a eu un rapport de force quand
ça n’allait plus. On aurait dû m’expliquer
dans un bureau que je faisais une
connerie. Au lieu de ça, on m’a laissé faire
en traînant mon nom dans la boue,
en colportant n’importe quoi."
Le mal est fait. Quand il décide de résilier
son contrat qui le liait pendant
5 ans à l’OM, Ahmed se rend compte
que sa réputation le précède partout
en France. Dévoué à des conseillers
peu scrupuleux (lire par ailleurs), il
prend les mauvaises directions, n’est jamais
au bon endroit au bon moment.
Une véritable spirale négative qui finit
par le sortir du monde pro.
"J’ai fait mon autocritique et j’assume
mes erreurs, avoue-t-il. Le milieu du
foot m’a dégoûté au point où pendant
6mois, je ne pouvais même plus regarder
un rectangle vert... Mais ce sport,
c’est ma vie. Je ne sais faire que ça, jouer
au foot. Je suis conscient de mes qualités
et voir mes potes réussir, ça me redonne
de l’envie. Je suis conscient que je vais
devoir passer par la toute petite porte
pour revenir. J’ai su arrondir les angles
concernant mon caractère, j’ai retenu
les leçons. Je me sens prêt à revenir".
Tout seul, Ahmed s’entraîne pour
garder la forme. "Le Parc Borély, c’est
mon meilleur ami !", glisse-t-il, l’oeil
rieur. Alors que les propositions arrivent,
lui préfère prendre son temps.
Car, à 23 ans, il sait qu’il n’a plus le
droit à l’erreur. Déjà...
La Provence