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Samir Nasri, sa retraite à Dubaï et ses étranges visiteurs marseillais
Le nom de l'ancien joueur de l'OM et de Manchester City apparaît, selon nos informations, dans deux procédures liées à des trafiquants de drogue. Il les a côtoyés dans l'émirat, nouvel eldorado des narcos français, où il a pris sa retraite il y a deux ans.
Février 2021. Hafnaoui Kattoum, dit « tif », est coincé. Placé sous contrôle judiciaire après avoir été mis en examen pour trafic de stupéfiants, importation et détention d'armes, le jeune Marseillais alors âgé de 30 ans a dû se domicilier à Avignon (Vaucluse), loin de la cité des Flamants dont il dirigerait une partie du trafic de stupéfiants selon la justice. Toutes les semaines, il doit pointer au commissariat de la cité des Papes. La journée, il est censé surveiller la cuisson des frites et du poulet de l'enseigne Chicken Run du centre-ville. Le contrat de travail signé avec le fast-food lui a permis d'obtenir une remise en liberté provisoire assortie d'un contrôle judiciaire.
En réalité, le jeune homme passe le plus clair de son temps chez ses parents à Marseille ou chez sa copine en périphérie de la cité phocéenne. Il n'a jamais mis un pied dans les cuisines du restaurant avignonnais. Et ne sort pas beaucoup, par crainte d'être pris dans une fusillade, comme son neveu ou nombre de ses connaissances. Alors que le printemps n'arrive pas encore à Marseille, en février 2021 donc, il franchit en voiture la frontière espagnole, un vrai faux passeport en poche - un titre officiel avec sa photo mais émis au nom de quelqu'un d'autre. Direction : l'aéroport de Barcelone. Là, il s'envole vers Dubaï.
Une cavale ? Un séjour destiné à blanchir de l'argent gagné illégalement ? L'émirat, comme un reportage de « l'Obs » l'a montré récemment, est un eldorado pour les narcotrafiquants français qui y trouvent à la fois un refuge et une terre d'investissement peu regardante sur l'origine des fonds. Non, rétorque le Marseillais. Une manière de se mettre au vert, et surtout de prendre des vacances.
« C'est vrai que je suis parti à Dubaï mais je n'étais pas avec des gens du banditisme, j'étais avec un joueur de foot, Samir Nasri, qui m'a montré des choses que je ne verrai jamais dans ma vie : des yachts, Los Angeles, Las Vegas », expliquera Hafnaoui Kattoum, quelques mois après son séjour dans l'émirat puis aux Etats-Unis, alors qu'il est mis en examen et incarcéré cette fois dans une affaire de tentative d'assassinat. Son ADN a, entre-temps, été retrouvé sur un casque et une cagoule abandonnés près d'un pistolet-mitrailleur après un guet-apens raté dans le Var. Il avait été surpris, quasiment en flagrant délit, alors qu'il était en embuscade pour tuer un homme déjà lourdement handicapé après un premier règlement de compte loupé.
« Il n'y a rien à faire à Dubaï à part profiter »
Mais ça, Kattoum ne le sait pas encore quand il s'envole pour Dubaï. Alors, il profite. Avec l'ancien joueur de foot originaire de Marseille, aujourd'hui consultant pour Canal+, il découvre l'émirat, ses malls climatisés, ses excursions en quad dans le désert et ses piscines nichées sur les toits des hôtels. Les deux hommes fréquentent aussi un stand de tir. Puis ils partent ensuite aux Etats-Unis, Samir Nasri y fête sa retraite qui sera ensuite officialisée en septembre 2021.
« Si je suis parti à Dubaï à ce moment-là, c'est parce que je suis ami avec Samir Nasri et qu'il me disait souvent de le rejoindre à Dubaï, parce que sinon je passe mon temps assis chez moi à ne rien faire à la maison, justifie encore Hafnaoui Kattoum. Il voulait que je vienne à Dubaï pour passer des vacances, il n'y a rien à faire à Dubaï à part profiter. »
Plongée à Dubaï, base-arrière et paradis des narcotrafiquants français Rien n'a été reproché à l'ancien footballeur marseillais au cours de l'instruction, mais l'évocation de son nom, d'abord dans la procédure puis lors du procès d'Hafnaoui Kattoum qui s'est tenu à Marseille début 2023, étonne. Qu'est-ce qui lie les deux hommes ? Ils auraient noué des liens étant jeunes, et ceux-ci ont perduré malgré les trajectoires différentes. Après Marseille, les deux hommes se sont donc retrouvés à Dubaï, où dans les chichas de la marina, se croisent joueurs de foot, narcotrafiquants, et influenceurs/influenceuses. Leur proximité est telle, que lorsque la petite amie de Kattoum se rend à Dubaï, elle rend visite à la famille de Samir Nasri les bras chargés de cadeaux.
« Tif » n'a pas donné d'éléments plus précisen interrogatoire. Lors des débats, ces liens ont été évoqués, ils n'ont pas été niés par le prévenu. Contacté par « l'Obs », Samir Nasri a d'abord accepté de s'expliquer sur cette relation, puis ne nous a jamais rappelé malgré plusieurs relances.
Dans le « top 25 » des plus gros trafiquants français
Les liens de l'ex-joueur de l'OM avec un autre membre du narco-banditisme marseillais, Hakim Berrebouh, ont également été évoqués à l'occasion du procès de Hafnaoui Kattoum. Cette fois il ne s'agit plus d'un lieutenant, mais d'un « boss » dans le paysage criminel français.Berrebouh, dont la stature de colosse lui vaut les surnoms de « Baleine » ou encore « Marcassin » dans le milieu, est en effet considéré par la justice française comme l'un des principaux trafiquants français, après avoir été à la tête du trafic de stupéfiants de la cité des Flamants.
Berrebouh était à ce titre classé dans le « top 25 » des plus gros trafiquants français réalisé par l'Ofast, l'Office français de lutte contre le trafic de drogue, avant d'être arrêté à Dubaï en février 2021... quelques jours après l'arrivée de Kattoum dans l'émirat.
De Dubaï à Marseille, « Marcassin », un trafiquant au coeur d'une sanglante guerre des clans A Dubaï, où Hakim Berrebouh était venu se réfugier après avoir été victime d'une tentative d'assassinat à Marseille, il a également fréquenté Samir Nasri. Lui non plus ne s'en est pas caché après son extradition vers la France fin 2021. Ainsi, on peut lire dans le jugement qui a finalement condamné Hafnaoui Kattoum à neuf ans de prison pour la tentative d'assassinat avortée :
« Hakim Berrebouh, désormais incarcéré en France, a fait valoir sa proximité avec Samir Nasri. Lors d'un débat relatif à la prolongation de la détention provisoire d'Hakim Berrebouh, les conseils de ce dernier avaient produit une promesse de cautionnement à hauteur de 150 000 euros émanant de Samir Nasri. Hakim Berrebouh avait fait état à cette occasion de la grande proximité qui le liait à Samir Nasri, précisant que ce dernier était le parrain de sa dernière fille. »
Dubaï : quatre hommes supectés de narcotrafic par la France remis en liberté après leur arrestation Là encore, quelle est la nature des liens qui unissent « Marcassin » et Samir Nasri ? Ce dernier ne nous a pas répondu non plus sur ce point. « On ne sait pas où s'arrêtent les amitiés et les intérêts partagés », analyse une source judiciaire. « On ne sait pas non plus dans quelle mesure ceux qui ont acquis une notoriété sont dupes ou non de cet entourage ancré dans le trafic et la criminalité. » Cette question a déjà animé à plusieurs reprises la Jirs, la juridiction spécialisée de Marseille chargée de traiter le crime organisé. Au mois de mars dernier par exemple, se tenait le procès de l'assassinat de l'ancien producteur du rappeur Jul, Karim Tir, ancien trafiquant de drogue. Que savait le chanteur ? Il n'est pas venu témoigner à l'audience.
L'avocat marseillais d'Hafnaoui Kattoum et Hakim Berrebouh, M Karim Bouguessa, nous a dans un premier temps indiqué qu'il n'existait aucun lien entre l'ancien joueur de football et ses clients. Puis il n'a plus donné suite à nos sollicitations. Leur avocat parisien, Me Amar Bouaou, n'a pas donné suite à nos appels.
Le Nouvel Observateur
par Bibpanda » 02 Mar 2012, 17:47 
