Information
Beye affiche ses ambitions comme entraîneur : « Je me sens prêt à aller en Ligue 1 »
L'ancien défenseur Habib Beye, qui a annoncé son départ du Red Star cette semaine, évoque ses objectifs, son projet de jeu et assume ses prises de position sociétales.
Au lendemain de l'officialisation de la fin de son aventure avec le Red Star, Habib Beye (46 ans) est revenu longuement sur ses premières années en tant qu'entraîneur et ses projets. L'ancien défenseur affiche ses ambitions à court terme. Cette prise de parole est celle d'un homme qui assume son image, ses sorties et ses objectifs élevés.
« En février 2021, avant d'embrasser cette carrière, vous évoquiez dans nos colonnes votre "obsession" de devenir entraîneur. Dans quel domaine avez-vous le plus évolué depuis ?
Je suis devenu un réel manager. Le métier de footballeur t'amène à être autocentré. Quand tu deviens entraîneur, il faut te centrer sur les autres, prendre soin de 26 joueurs et de ton staff. J'ai appris dans ma gestion humaine. Ma plus grande fierté, elle est là, dans ces messages de remerciement de mes joueurs. Quand tu as des joueurs qui affichent cette reconnaissance. T'as tout gagné. Hier (mercredi), quand je leur ai annoncé, j'ai vacillé. Humainement, ça a été incroyable. Il y a ça et la fierté de se dire qu'aujourd'hui, on a un club historique, qui n'a rien à faire en National, en Ligue 2.
Dans ce contexte, qu'est-ce qui vous a conduit à ne pas vous lancer dans un nouveau cycle au Red Star ?
En fait, quand tu as l'impression d'avoir tout fait, mis toute ton énergie pour amener un club à remplir l'objectif fixé et que derrière tu te poses la question : "Est-ce que j'aurai toujours les ressources nécessaires pour partir sur un nouveau cycle avec l'ambition que j'ai ?"
Et votre réponse est donc non ?
La réponse est non parce que je le dis : j'ai une ambition qui est très élevée et à partir d'un moment, tu te poses la question de te dire combien de temps il me faudra pour aller là où je veux être.
Mais qu'est-ce qui vous fait dire que vous êtes prêt pour la Ligue 1 ?
La chronologie de ce qu'on a vécu avec le Red Star, sa progression, les objectifs qui m'ont été fixés. Les gens disent : "Je n'ai pas d'expérience." Beaucoup des nouveaux entraîneurs n'en ont pas beaucoup non plus. Mais bizarrement, j'ai l'impression que cette question-là, on se la pose beaucoup avec moi. (Rires.) Et je sais pourquoi vous vous la posez.
Pourquoi ?
Parce que je suis consultant Canal+ et que les gens font toujours un rapport entre "OK, c'était un homme de télé, qui a pris une équipe de National et l'a fait monter. Mais il ferait mieux d'aller faire deux piges en L2 pour aller en L1." Aujourd'hui, je l'assume, je suis prêt à aller en L1 et je l'ai démontré dans mon travail.
« Quand tu as une identité, tu ne dois pas la lâcher »
Il y a trois ans, vous aviez conclu l'interview par : "Mon objectif, c'est de faire du Habib Beye." C'est quoi, aujourd'hui, "faire du Habib Beye" dans le jeu ?
Je suis à contre-courant du joueur que j'étais puisque j'aime le football offensif. Je n'ai pas envie de me placer dans une case d'entraîneur de position, de transitions... Les meilleures équipes au monde aujourd'hui, elles maîtrisent tout. Aujourd'hui, tu dois être en capacité d'évaluer ton effectif, de savoir quel jeu tu vas avoir avec celui-ci. Et après, quand tu as une idée et une identité, tu ne dois pas la lâcher. J'ai joué en 3-2-5 une grande partie de la saison. J'ai dirigé 62 matches avec mon équipe, on a marqué plus de 150 buts. Ça vous donne une idée de notre projet.
Pensez-vous que l'image que vous renvoyez peut vous fermer des portes ? Par rapport à votre liberté de parole, à votre personnalité, votre ego ?
Je ne sais pas. Je n'espère pas. Parce qu'en fait, l'ego n'est pas une maladie. La liberté de parole n'en est pas une non plus. Mon métier m'a amené à prendre des positions, sur des sujets parfois très sensibles. Il est difficile aujourd'hui d'avoir un avis tranché sans être perçu comme un donneur de leçons.
Vous faites référence à votre prise de position sur le ramadan...
Quand je m'exprime sur le ramadan ou le carême, c'est quelque chose de vécu. J'avais 19 joueurs qui pratiquaient une religion dans mon groupe. Je ne parle pas de choses que je ne vis pas. Et au moment où il m'a été posé la question, je ne me dis pas : "Ça va m'exposer médiatiquement, politiquement." Je le fais parce que c'est un sujet vécu, et pour accompagner mes joueurs dans ce qu'ils vivent. Parce que certains ont été stigmatisés, et ça me dérange vraiment.
Mais les dirigeants du foot français sont-ils prêts à avoir un entraîneur aussi engagé ?
Il y a un dirigeant qui peut se dire aussi : "Ce garçon a une intelligence sur ce sujet qui me plaît." Parce qu'on voit que ça devient un problème, alors que ça ne devrait pas l'être. Nous, je le répète, on l'a géré parfaitement bien au Red Star et pendant cette période-là, on n'a eu aucun problème de performance, aucun problème entre nos joueurs. Et justement, je l'ai expliqué, ça a créé une cohésion incroyable, toutes religions confondues. On essaie de mettre les gens dans des cases actuellement dans la société d'aujourd'hui. Et je serai toujours celui qui défendra cette logique de continuer à unir et pas à diviser.
Vous évoquiez tout à l'heure votre ambition. Ça veut dire quoi "aller plus haut" ?
À partir du moment où tu veux aller au plus haut niveau, tu ne te fixes pas de limites. Je n'ai pas dit à mes conseillers : "Messieurs, en dessous du top 10, vous ne me parlez pas de ce qu'il se passe." Ça n'aurait pas de sens. On ne va pas se poser question de savoir si c'est le 15e, le 14e, le 8e ou le 3e qui vient vous solliciter. Tout est une question de projet.
Mais vous n'avez pas de doute sur le fait qu'un club de L1 vous fasse une offre ?
Je ne me pose pas la question. Je me dis que le travail qu'on a fait là depuis trois ans nous a déjà amené à avoir des sollicitations.
Aviez-vous été surpris par l'intérêt de l'OL cet hiver ?
On a travaillé pour avoir ce type de sollicitations. Il faut comprendre une chose, c'est que ce n'est pas moi qui vais toquer à la porte de John Textor pour dire : "Je te plais, est-ce que tu peux t'intéresser à moi ?" Il y a quelqu'un qui a regardé le travail que je faisais dans mon club et qui s'est dit : "Ben tiens, pourquoi pas, on va écouter ses idées."
Et Rennes, à la même période, à quel point est-ce que ça a été sérieux ?
(Sourire.) Déjà, le secret a été bien gardé et ça, c'était important pour nous, par respect. Ça s'est très bien passé. Ils savaient que j'étais un entraîneur sous contrat. Et il se trouve que, à un moment donné, ils ont fait un choix différent (Julien Stéphan).
Quand on voit ses deux adjoints - Pierre Sage (OL) et Sébastien Bichard (Clermont) - devenir des entraîneurs de L1, est-ce frustrant ou valorisant ?
Hyper valorisant ! Parce que je pars du principe qu'il ne faut surtout pas être envieux du destin des autres. Les deux étaient identifiés comme de très bons techniciens. L'idée, c'est toujours d'avoir une structure autour de soi, avec les meilleurs. C'est hyper challengeant et d'une richesse incroyable. Les gens doivent comprendre que depuis maintenant cinq ans, j'ai construit un système autour de moi avec beaucoup de gens compétents. Ma réussite, je le sais, passe par ce collectif.
Avez-vous été surpris de cette seconde partie de saison de Pierre Sage ?
Il m'a surpris sur sa capacité d'adaptation très rapide au très haut niveau. Quand il arrive à Lyon, il identifie très très vite le problème de confiance et fait en sorte que cette équipe ne se concentre que sur la performance et oublie tout ce qu'il y avait en coulisses. Avant même de penser à mettre sa patte sur le football que lui aime voir. Pierre est très riche dans sa culture footballistique, a une vision du foot qui peut parfois paraître complexe mais il a cette faculté à la retranscrire sur le terrain de façon très simple. Et a une adhésion des joueurs qui se fait en un instant. Moi, il m'a apporté beaucoup de structuration dans ce qu'on a mis en place parce que j'avais beaucoup d'idées et je pense qu'il est arrivé à formaliser un petit peu tout ça. Sébastien (Bichard) ? Ça a été une symbiose rare dans une vie professionnelle. C'est un fou de travail, constamment dans la recherche, dans le développement de nouvelles méthodologies. Et quand deux fous de travail se rencontrent... (Rires.)
Vous allez nécessairement arrêter votre rôle de consultant. Avez-vous peur de l'effet boomerang et de critiques vives à votre égard sur votre travail d'entraîneur ?
J'ai passé dix ans incroyables dans la famille de Canal+. Je me suis nourri en tant qu'entraîneur à ce poste. En tant que consultant, je devais garder ma liberté d'expression. Je ne me suis jamais dit : "Surtout ne dis pas ça parce qu'après, toi, tu vas y aller, on va te le reprocher."
Des critiques ont été entendues ces dernières semaines sur vos appels du pied répétés à l'égard de l'OM...
Si des gens pensent que je me place à l'OM, allez-y, dites-le. (Rires.) Ça ne me dérange pas du tout. Mais heureusement que si demain l'OM se manifeste, j'irais. C'est le club qui m'a le plus donné d'émotions, depuis mon enfance. J'en ai été le capitaine. Si l'OM m'appelle, mais j'y vais en courant ! Je n'ai aucun problème à le dire.
Ce serait donc un échec de ne jamais entraîner l'OM ?
Non, parce que ça voudrait dire que la rencontre n'a jamais eu lieu. Moi, aujourd'hui, je ne vous dis pas que là, j'ai la volonté demain matin d'appeler Medhi (Benatia, conseiller sportif de l'OM), que je connais très bien, et lui dire : "Prends-moi s'il te plaît !" Ce n'est pas ça la vie. (Sourire.) Si un jour il y a une rencontre, s'il y a une volonté du club, et si un jour on doit travailler ensemble, génial ! »