André Ayew, exemple des difficultés à passer de Ligue 1 à Premier League
Chaque été, des dizaines de pensionnaires de Ligue 1 traversent la Manche pour réaliser leur rêve anglais. Andre Ayew sera normalement de ce contingent puisque les négociations avec Swansea sont très avancées. Néanmoins, le Ghanéen illustre parfaitement les erreurs commises par les joueurs, entourages et clubs français lors des négociations avec la fameuse « poules aux œufs d’or » comme l’appellent de nombreux directeurs sportifs.
« Presque tous les clubs de Premier League sont intéressés par Andre Ayew depuis deux ans », explique un agent travaillant pour l’une des plus grosses agences du Royaume-Uni. Gilles Grimandi, recruteur d’Arsenal, l’a notamment observé encore et encore, avec une préférence pour le voir au centre du terrain, conformément au souhait du joueur.
Manchester United, Manchester City, Chelsea et surtout Liverpool l’ont placé dans des shortlists. Pourtant, aucun de ces clubs n’a fait une offre ferme. Même topo pour les outsiders de Premier League, Everton et Southampton. Pourquoi alors que ses performances sportives font l’unanimité ou presque ?
« Ça donne l’impression du mec qui ne sait pas gérer sa carrière. Pour reprendre ce qu’on m’a dit à Liverpool : un merdier »
« En Angleterre, il a une sale réputation », poursuit notre interlocuteur. « Liverpool était vraiment intéressé, en même temps que l’Ukrainien Konoplyanka. Sauf que dans les deux cas, c’est un bordel pas possible. Liverpool nous a dit : on aimerait faire Ayew ou lui, mais on s’adresse à qui ? On a été contacté par une dizaine de personnes, jamais les mêmes. C’est ce qui l’a tué. Ça donne l’impression du mec qui ne sait pas gérer sa carrière. Pour reprendre ce qu’on m’a dit à Liverpool : un merdier. »
Ce qui plaisait le plus aux clubs anglais était la polyvalence et la mentalité de leader d’Ayew, toujours présent dans les grands rendez-vous, notamment avec le GhanaRendez-vous à Milan l’été dernier
Il y a un peu plus d’un an, les Ayew signaient avec Comsport, société de Bouna N’Diaye, agent très connu dans le basket (Nicolas Batum, Rudy Gobert, Edwin Jackson, Sandrine Gruda…) et qui est aussi actif dans le foot par le biais de Fitzgérald Thomas, qui a un rapport privilégié avec la famille Ayew.
Auparavant, André avait surtout travaillé avec Étienne Mendy, puis Jean-Pierre Bernès. Son but ? Rejoindre la Premier League, son rêve. C’est ainsi qu’il avait refusé la proposition de l’AC Milan l’été dernier malgré une invitation et un rendez-vous début août en milieu de semaine en Italie.
Suite à une offre d’Arabie saoudite, Vincent Labrune expliquait que « c’est très intéressant pour un temps »
Une seule autre offre était sur la table à l’époque, en provenance d’Arabie saoudite. Ce à quoi Vincent Labrune goûtait puisqu’il expliquait dans un sms que « c’est très intéressant pour un temps ».
Le président de l’OM cherchait à vendre Ayew à tout prix pour éviter un départ libre. Il a donc agité ses réseaux, notamment par le biais de Willie McKay, agent de Barton ou Tyrone Mears et qui était intervenu pour faire transiter Gignac à West Ham dans le passé.
Willie McKay était intervenu un temps sur le dossier Ayew. Pas une bonne idée pour trouver un club en Premier League, personne ou presque ne voulant travailler avec lui désormais (Photo : Daily Mail)Des dizaines d’agents, mandatés ou pas
Problème, l’homme est grillé en Premier League et vient d’ailleurs d’être déclaré en faillite malgré les dizaines de millions entassés (1). Rappelons également que l’Écossais, basé à Monaco, a baigné dans toutes les histoires louches possibles, notamment avec Harry Redknapp à l’époque de Portsmouth.
A Doncaster, où il a une résidence digne d’un château, il avait signé un contrat avec le club où il s’occupait du recrutement – en touchant des billes dessus – pour les sauver d’une descente en D3 en 2011/2012. Il avait alors ramené Pascal Chimbonda, El-Hadji Diouf, Frédéric Piquionne, Lamine Diatta, Mamadou Bagayoko ou Habib Bamogo. Sans succès, les Rovers termineront derniers (2).
Depuis de nombreux mois, Labrune ne veut plus entendre parler de McKay, qui se faisait encore passer l’été dernier pour l’agent de Jordan Ayew dans la presse. Et d’André auprès de certains clubs
Au début des années 2000, McKay était presque une plateforme obligatoire pour transiter de L1 à l’Angleterre. Aujourd’hui, il ne travaille qu’avec des coachs peu scrupuleux de l’éthique : Harry Redknapp, Sam Allardyce ou Steve Bruce. Bizarrement, Andre Ayew n’avait que deux propositions anglaises l’an passé : QPR de Redknapp, Hull de Bruce.
Des liens privilégiés existent avec ces clubs et l’OM grâce à McKay, devenu toutefois persona non grata aux yeux de Labrune qui avait demandé au duo Federico Pastorello et Luka Bascherini (représentants de Patrice Evra notamment) de s’activer pour le Ghanéen.
« Tu me trouves le club et je te signe le mandat »
Une gestion ubuesque semant la cacophonie autour du joueur. Lassé par les agents qu’il considère « responsables » de sa situation, Ayew a continué à foncer tête baissé, bien aidé par son père… Moralité, le tandem a rencontré d’autres agents avec un mot d’ordre : « Tu me trouves le club et je te signe le mandat. » Or, qui prendrait ce risque avec un joueur qui papillonne ici et là, rencontrant Bruno Satin un jour – ce dernier n’a pas pris le dossier -, et cherchant à se rapprocher de Jorge Mendes peu après, tout en étant sous contrat avec Comsport ?
En fin de contrat, sa situation est évidemment intéressante. L’AS Roma a flairé l’opportunité, mais l’odeur de la Premier League est bien trop forte, qu’elle soit au Pays de Galles ou non. Swansea suit Ayew depuis deux ans avec grand intérêt, attendant le bon moment, un peu comme pour Bafetimbi Gomis. Les négociations vont bon train, tandis que West Ham proposait une large part de bonus dans le salaire du joueur, qui ne veut pas entendre parler d’un contrat à moins de 350 000 euros par mois.
L’exemple d’Alou Diarra aurait dû servir de leçon déjà
S’il parvient à ses fins, force est de constater que le milieu ghanéen aurait pu obtenir bien mieux avec plus de patience et de réflexion. Une situation qui rappelle celle d’un ancien Marseillais, Alou Diarra. Ce dernier s’était plaint des méthodes de West Ham et de l’agent qui l’avait emmené là-bas. Or, un certain… Willie McKay était intervenu dans le dossier. Le même que certains clubs français continuent de prendre au sérieux pour transférer des joueurs.
« C’est une preuve de naïveté, de méconnaissance », termine notre témoin. « D’où l’importance d’avoir un entourage stable et professionnel. Les clubs français gagneraient à s’ouvrir davantage, prendre plus d’informations, comme les joueurs. » Même s’il n’y a rien d’infamant à porter le maillot de Swansea, force est de constater qu’avec plus de patience, c’était les portes d’Anfield ou d’un autre club historique qui s’ouvraient pour Ayew.
(1) : L’article du Daily Mail sur sa faillite est ici.
(2) : Voir l’article sur les liens McKay/Doncaster depuis la BBC.