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Portugal-France : un quart de finale qui fait monter l'excitation
Alors que leur Euro manque d'étincelles et d'ampleur jusque-là, mais pas de solidité, les Bleus disputent, vendredi (21 heures), à Hambourg, un quart de finale haut perché face au Portugal de Cristiano Ronaldo, qui fera toute la différence dans la perception de leur parcours atypique.
C'est une manière que la victoire peut justifier, une manière assise sur la force défensive et le contrôle, mais traversée de peu d'émotions véritables. C'est la manière des Bleus, jusque-là, dans une compétition qui les voit afficher des limites qu'on leur connaît peu, le reste du temps : depuis la demi-finale de l'Euro 2016 face à l'Allemagne à Marseille (2-0), ils n'ont gagné que trois matches dans un Euro, trois fois 1-0, trois fois grâce à un but contre son camp (Allemagne 2021, Autriche et Belgique 2024), ce qui n'est pas énorme, quand même.
Quitter la compétition, vendredi à Hambourg, sans dévier de ses forces et sans s'écarter de cette faiblesse offensive, serait une façon de partir sans laisser de traces. S'il n'est pas facile de faire complètement exister cet Euro dans un contexte politique français inédit et grave, à un moment de l'année qui aurait dû être réservé aux congés payés et à l'Euro, au bonheur des terrasses et au Tour de France, la vie ordinaire de juillet, en somme, c'est aussi parce que cette équipe de France n'a fait décoller personne et n'a pas décollé elle-même.
Mais ce quart de finale face au Portugal, qui fait monter l'excitation et l'attente de plusieurs crans, est une éternelle démarcation. En cas de qualification, Didier Deschamps sera tranquille jusqu'en 2026, assuré d'avoir passé 14 ans à la tête des Bleus, avec une quatrième demi-finale en cinq grandes compétitions, ce qui pose un football et un sélectionneur. Dans le cas contraire, sa tranquillité des jours à venir sera un peu plus incertaine.
Un rendez-vous avec l'histoire
Mais, alors que l'on sent poindre un « nous contre les autres » du meilleur aloi, historiquement, il ne faut jamais mésestimer la construction d'une force, ce ciment social et technique qui permet à une équipe de rester debout dans les moments de tempête, très indépendamment de sa note artistique. On répète depuis le premier jour que la France défend assez bien pour aller loin. On se demande depuis le premier jour si elle attaque assez bien pour cela. Elle n'est pas assez intense, elle ne revient pas par vagues, elle a une main de fer plutôt que le pied soyeux, mais à la vérité, elle souffre bien plus d'être inefficace que de n'être pas empanachée.
On dirait qu'avec nos amis portugais, en dépit des onze victoires françaises sur les douze derniers matches, les comptes sont revenus à zéro. Que la finale de 2016, ce coup de poignard d'Eder au coeur d'un été qui semblait irrésistible, aura été une manière pour le foot portugais de faire payer aux Bleus le bonheur fou de la chevauchée de Jean Tigana, à Marseille, en 1984 (3-2 a.p.) ou du penalty doré de Zinédine Zidane en 2000, à Bruxelles (2-1, but en or). Après les retrouvailles quasi amicales de 2021 à Budapest (2-2), l'affaire qui nous occupe vendredi est un rendez-vous d'un autre genre, ainsi qu'un rendez-vous avec l'histoire, puisqu'il faudra faire en sorte que CR7 dispute le dernier match de sa carrière dans un Euro.
Les Bleus sont la preuve que tout le monde a besoin d'un but dans la vie, surtout si c'est un but dans le jeu, pas un penalty, pas un but contre son camp, cette transformation en petits morceaux de bonheur d'un tir manqué, même pas cadré, ou d'un centre qui visait quelqu'un d'autre.
Ils forment une équipe à traction arrière et où l'attraction était ailleurs, avant. Antoine Griezmann ne peut pas enchaîner ainsi les matches crépusculaires dans des zones qu'il vit comme un exil et avec une statistique offensive, deux buts sur ses 32 dernières sélections, qui dit si mal le joueur formidable qu'il a été.
Créer enfin un souvenir heureux et se donner un élan soudain
Kylian Mbappé, un but en huit matches à l'Euro, ne peut pas rester ce joueur masqué qu'on reconnaît mal. Bien sûr, ils ne sont pas très aidés par les voisins, à partir du moment où le joueur offensif le plus tranchant depuis le début de l'Euro, Bradley Barcola, est resté sur le banc trois matches sur quatre. Mais au milieu du gué, tous les sélectionneurs du monde sont réticents à transformer l'expression de leur équipe, et si ce Portugal à multiples facettes possède de formidables joueurs de football, il a remporté la seule compétition de son histoire, en 2016, un été où il l'avait très peu montré.
En ces temps où l'on mesure les limites des injonctions et de la supériorité morale, il subsiste toujours un écart entre la version idéalisée de l'équipe de France et le football de sélection réel, qui abandonne aux clubs le meilleur de l'expression collective : si l'on était sûr que la moitié des quarts de finalistes jouent mieux au football que les Bleus, depuis le début de la compétition, cela se saurait, en dehors de l'Espagne, bien sûr, depuis qu'elle s'est libérée de Luis Enrique.
Mais assez solide pour tenter de contrôler quelques formidables joueurs offensifs et des créateurs rares, l'équipe de France a besoin d'un match dont le pays reparle le lendemain sans soupirer, d'un souvenir heureux, d'un élan soudain, et d'une qualification pour une demi-finale face à l'Allemagne ou l'Espagne qui bouleverserait, au moins pour le foot, ces premiers jours de juillet et les feraient ressembler à l'été.