Information
Foot - Série (1/3) - Qatargate; PLATINI À L’ÉLYSÉE , FALLAIT PAS S’INVITER
Le 18 juin 2019, Michel Platini est placé en garde à vue par les policiers de l’Office anticorruption. Au centre de leur enquête, un déjeuner à l’Élysée avec le Président Sarkozy, que l’ancien footballeur affirme avoir lui-même demandé, sans savoir que le futur émir du Qatar ferait aussi partie des convives. La cellule enquête
Le 18 juin 2019, Donald Trump lance sa campagne pour rester à la Maison Blanche, le procès Balkany touche à sa fin et l’AFP annonce le décès du légendaire animateur radio Zappy Max à l’âge de 98 ans. En pénétrant, à 9 heures, dans les locaux de l’Office anticorruption (OCLCIFF) de la police judiciaire, à Nanterre (Hauts-de-Seine), Michel Platini, qui aura 34 ans de moins (64) que Zappy Max trois jours plus tard, ne pense pas qu’il va lui aussi faire les gros titres des journaux.
« Platoche » est tellement décontracté qu’il a envisagé de se rendre à la convocation sans son avocat, maître William Bourdon. L’ancien président de l’UEFA s’attend à devoir simplement répéter aux policiers de l’OCLCIFF ce qu’il a déjà raconté lors d’une première audition, le 14 décembre 2017. À savoir dans quelles circonstances il a donné sa voix au Qatar pour l’attribution de la Coupe du monde 2022, et notamment si le président de la République, Nicolas Sarkozy, aurait pu avoir une influence sur ce choix. Le Parquet national financier (PNF) et les enquêteurs soupçonnent en effet qu’un déjeuner, en présence de Sarkozy, Platini et du futur émir du Qatar, à l’Élysée, le23 novembre 2010, soit neuf jours avant l’attribution du Mondial, a pu donner lieu à un vaste marchandage : les voix de « Platoche » et de quelques fidèles européens contre de nombreux avantages.
Platini a menacé de renoncer à la nationalité française
Dans les mois qui suivront ce déjeuner, le Qatar va notamment racheter le PSG et créer en France la chaîne beIN Sports, alors que le fils de Michel Platini sera embauché comme dirigeant de Burrda, un équipementier sportif filiale du fonds souverain qatarien QSI. Depuis 2016, le PNF a ouvert une enquête préliminaire sur des soupçons de « corruption privée », « association de malfaiteurs », « trafic d’influence et recel de trafic d’influence ».
Entré avec un statut de « témoin » dans les locaux de l’OCLCIFF, Platini pense en ressortir avant le déjeuner. Il va rapidement déchanter. À 9 h 52, il est placé en garde à vue. Il y restera jusqu’à minuit quinze. Il racontera cette expérience presque deux ans plus tard, dans L’Équipe du 27 mai 2021 : « J’ai été placé deux fois en cellule. La première fois, c’était à midi, quand les enquêteurs déjeunaient. Mais je n’étais pas tout seul. Il y avait un autre gars, un Ukrainien. Il m’a reconnu et il a voulu un autographe. On a demandé un papier et un stylo aux enquêteurs qui nous les ont donnés. L’Ukrainien était content, il m’a dit : “Prison en France, mieux que prison Ukraine (rires) !” Pour la deuxième pause des enquêteurs, à 17 heures, je me suis à nouveau retrouvé en cellule, et là, j’étais seul. Je me suis allongé sur le banc et je rigolais. Il doit y avoir des caméras là-dedans, et si les enquêteurs me regardaient, ils devaient penser que j’étais complètement fou ! Les gens pensent ce qu’ils veulent, mais comme je n’ai rien à me reprocher, que j’ai la conscience tranquille, ils peuvent toujours chercher, ils ne trouveront jamais. Je suis et j’ai toujours été incorruptible. »
Devant les enquêteurs de l’OCLCIFF, durant ces quatorze heures et vingt-trois minutes de garde à vue du 18 juin 2019, l’ancien numéro 10 des Bleus n’a cependant pas toujours affiché la même bonhomie. À l’issue de la deuxième audition, achevée à 16 h 50, il répond à une question de son avocat : « Que pensez-vous de tout cela ? », demande simplement maître Bourdon. « J’ai un sentiment de honte, répond Michel Platini. Cela fait quatre ans que je me bats pour restaurer mon image par rapport à cette saloperie de FIFA qui a voulu me tuer professionnellement et humainement. Et quatre ans après, je me retrouve dans un endroit où – même si je suis content de répondre aux questions qui me sont posées – je suis obligé de retirer mes chaussures, d’aller en cellule, pour quelque chose qui me dépasse complètement. » Dans les jours qui suivent, auprès de ses proches, Platini brandit même la menace de renoncer symboliquement à la nationalité française, tant il est outré que lui, le héros de Séville, de l’Euro 84 et de Guadalajara, puisse être soupçonné de corruption, non plus par des magistrats suisses, mais par la justice de son pays.
Les dossiers techniques ne servent à rien
Depuis le début de l’affaire, Michel Platini pense n’être qu’une cible collatérale du PNF. Le nom de l’objectif principal est très vite prononcé par les enquêteurs : « Quels étaient vos liens avec le président de la République, Nicolas Sarkozy, sur la période 2007-2012 ? » Réponse de « Platoche » : « Je le connais depuis trente ans, c’est quelqu’un qui aime le football et donc il me suivait. Je n’ai pas forcément de relations importantes avec monsieur Sarkozy, mais je le connais et je pense qu’il m’aime bien. »
Avant d’être longuement interrogé sur l’attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar, le Lorrain est d’abord questionné sur la façon dont la France a obtenu l’organisation de l’Euro 2016. Lors d’une perquisition chez Sophie Dion, ancienne conseillère sports de Nicolas Sarkozy, les enquêteurs ont trouvé une note adressée au président de la République, dont ils lisent le contenu à Michel Platini : « Lors de la finale de la Ligue des champions à Madrid (le 22 mai 2010, victoire de l’Inter Milan 2-0 contre le Bayern Munich), Michel Platini a pu rencontrer de nouveau deux membres votants, le Hollandais et le Danois, ce qui renforcerait nos chances de succès. Il m’a demandé de vous en informer. »
Question en apparence un peu ingénue des policiers de l’OCLCIFF : « Le vote du pays organisateur de l’Euro 2016 ne doit-il pas être le résultat de l’analyse technique de leur dossier et du respect des garanties demandées et non le fait d’un consensus préétabli entre les membres, rendant le vote à bulletin secret superflu ? » Comme l’avait déjà révélé Mediapart, Michel Platini affranchit sans faux-semblant ses interlocuteurs : « Les gens ne regardent jamais les dossiers techniques, ils font en fonction de leur feeling vis-à-vis du pays concerné. Je pense qu’un vote ne tient pas à grand-chose. À titre d’exemple, l’épouse d’un membre peut vouloir rester un mois à Paris plutôt qu’un mois à Ankara. »
Maintenant qu’ils ont compris les règles du jeu, les enquêteurs peuvent se concentrer sur l’objet principal de cette audition, à savoir pour quelles raisons Michel Platini a-t-il voté pour Qatar 2022 ? Par conviction ou sous influence ? « Je pense qu’il était important de voir la Coupe du monde en Russie, en 2018, et au Qatar, en 2022, parce que ce sont deux parties du monde qui ne l’avaient jamais eue. Il est important pour le développement du football d’aller un peu partout dans le monde », répond le Français comme il l’a déjà énoncé tant de fois depuis que ce vote lui colle au doigt comme une cargaison de sparadraps.
Les auditions de proches de l’ancien président de l’UEFA laissent penser que ce souci d’universalisme n’aurait pas toujours été sa préoccupation principale, loin de là. Au début, « Michel Platini avait une sorte de mépris pour la candidature du Qatar qu’il trouvait loufoque, et d’ailleurs, ça l’était pour n’importe qui. Il disait qu’ils n’avaient même pas d’équipe de foot », témoigne William Gaillard, qui faisait partie de la garde rapprochée du Français à l’UEFA. Une aversion confirmée par un encore plus proche de Platini, celui qui fut son conseiller et son ombre pendant huit ans (2007-2015), un autre Français, Kevin Lamour : « Je me souviens que lors d’un petit déjeuner à Johannesbourg, au Sandton Tower, pendant la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud, Michel Platini nous avait annoncé que “si c’était Russie-Qatar, c’était la fin de la FIFA en termes d’image.” »
Amené à réagir à cette dernière déclaration, Platini en profite pour tailler un short à son ancien conseiller : « Je l’ai pris comme assistant en Suisse et il est resté avec moi pendant huit ans et il m’a lamentablement laissé tomber comme une merde le jour où j’ai été convoqué par la justice suisse, une personne que je considérais comme mon fils. » Puis le patron qui s’est senti trahi (1) répond au fond de la question de manière plus évasive : « Je ne sais pas quand j’ai fait mon choix définitif pour le Qatar, mais je suis quelqu’un qui est fait comme mon président, Sepp Blatter, je pense à voix haute, pour tester les gens autour de moi. »
Pour les enquêteurs, Lamour tente donc de reconstituer par quel cheminement l’homme qui trouvait la candidature du Qatar « loufoque » et dangereuse pour l’image de la FIFA a bien pu changer aussi radicalement d’avis en maximum six mois. Lamour dégaine une première date : « Le 4 octobre 2010, lors d’un déplacement en Biélorussie, à l’occasion d’une séance du comité exécutif de l’UEFA, alors que nous étions partis marcher ensemble, Michel Platini me dit que Marios Lefkaritis aimerait qu’il vote pour le Qatar mais il ne m’a pas alors précisé pour quelles raisons, et s’il allait le faire. » Lefkaritis est un personnage controversé du football continental. Indéboulonnable président de la Fédération chypriote, c’est aussi un homme d’affaires spécialisé dans les hydrocarbures. Selon plusieurs médias, anglais et chypriote, le groupe Lefkaritis aurait vendu, quelques mois après l’attribution du Mondial 2022 au Qatar, un terrain à un fonds souverain de Doha pour 32 M € (2).
Les enquêteurs demandent donc à Lamour quelle pourrait être l’influence de Lefkaritis auprès de Platini. « Ils sont amis et ils sont déjà partis en week-end en couples, répond l’ancien conseiller. Et, par ailleurs, Marios était le président de la commission des finances de l’UEFA et à l’époque, il suffisait de la double signature de ce président et de Jean-Paul Turrian (le conseiller financier de Platini à l’UEFA) pour fixer la rémunération du président. »
Toujours d’après Lamour, une autre date jalonne le revirement pro-qatarien de Platini : « Le 20 octobre 2010, un dîner était prévu entre Michel Platini et Tamim ben Hamad Al-Thani qui n’était pas encore l’émir du Qatar, à l’hôtel la Réserve à Bellevue, près de Genève. Je l’ai su car j’avais accès à son calendrier, mais je ne sais pas si ce dîner a eu lieu. » Lamour est en revanche certain d’avoir assisté, le lendemain, à la présentation quasi officielle de la candidature qatarienne à Michel Platini. Le futur émir n’est pas là (parce qu’il a déjà largement vu Platini la veille ?), remplacé par son frère Mohammed. « À l’issue de la présentation, Platini leur a laissé entendre qu’il pourrait voter pour le Qatar mais en leur disant que si jamais le Qatar gagnait, il militerait pour que la Coupe ait lieu pas seulement au Qatar mais dans toute la région du Golfe, comme un grand symbole, et aussi qu’il faudrait vraisemblablement changer le calendrier. »
Un mois et deux jours avant le déjeuner à l’Élysée, Michel Platini n’écarte donc plus totalement l’idée de voter pour l’émirat. Uniquement sous l’influence de Lefkaritis et des frères Al-Thani ? Ce n’est pas la conviction de Sunil Gulati, alors président du comité de candidature des États-Unis à l’organisation de la Coupe du monde 2022, et donc grand rival des Qatariens. Celui qui se présente comme un « admirateur » du joueur Platini se souvient d’un rendez-vous qu’il a eu avec son héros de jeunesse, dans les tout derniers jours du mois de septembre 2010. Gulati demande alors à Platini de soutenir la candidature des États-Unis. Il raconte la suite aux enquêteurs français, en visioconférence depuis New York : « Michel Platini m’a répondu qu’il ne pouvait pas faire une telle déclaration car monsieur Sarkozy lui avait demandé de soutenir la candidature du Qatar. »
Deux versions pour une invitation
D’après Gulati, le travail de sape de Nicolas Sarkozy auprès de Michel Platini aurait donc débuté avant même le déjeuner à l’Élysée. Reste à savoir quelle influence ont eue ces agapes présidentielles sur la décision finale d’un « Platoche » longtemps indécis. Sur les circonstances dans lesquelles le déjeuner a été organisé au palais présidentiel, le Lorrain a toujours été très clair au moins sur un point : il ne savait pas que des dignitaires qatariens, dont le futur émir, Tamim ben Hamad Al-Thani, seraient également présents autour de la table. « Il s’agit d’un déjeuner où je ne me sentais pas à l’aise parce que dans le cadre de mon activité de président de l’UEFA, cela prêtait à confusion, des problèmes d’éthique notamment », reconnaît Platini. Il n’y a en revanche aucune ambiguïté du côté de Claude Guéant, alors secrétaire général de l’Élysée : « Le déjeuner avait clairement pour objet de faire en sorte que les Qatariens puissent parler avec Michel Platini et lui exposer les atouts de leur candidature », a affirmé aux enquêteurs celui qui était alors le plus proche collaborateur de Nicolas Sarkozy.
Sur le point de savoir qui a invité qui, Michel Platini a en revanche présenté deux versions successives. « Sophie Dion, responsable des sports à l’Élysée, me demande de venir déjeuner avec le président de la République quand j’aurai le temps. On a trouvé une date et je suis venu », déclare-t-il en juillet 2014 au magazine de France 2, Complément d’enquête, diffusé en novembre suivant. Trois ans plus tard, alors que Michel Platini est entendu pour la première fois par les policiers, c’est au contraire lui qui affirme avoir pris l’initiative. « C’est moi qui avais appelé Sophie Dion pour prendre rendez-vous avec Nicolas Sarkozy afin de lui annoncer pour qui j’allais voter , c’est-à-dire pour le Qatar. Depuis, Platini n’a plus démordu de cette version. Elle a le mérite de minimiser l’influence élyséenne. Il le répète lors de sa garde à vue à l’OCLCIFF : « Moi, j’ai dit que j’allais voter pour le Qatar et la Russie. Après, Nicolas Sarkozy a pu profiter de mon vote pour faire le barbot auprès de qui il voulait… Pour les besoins de la France, j’espère. »
Dans la liste de ces « besoins », peut-être pas pour la France, en tout cas pour Paris, figure en tête de gondole le PSG, dont le président de la République est un grand supporter. Quelques mois après le déjeuner élyséen, le club de la capitale, alors en pleine déroute sportive et financière, est racheté à 70 % par le fonds souverain Qatar Sports Investments (QSI). Pas grâce à Platini, si l’on en croit ses déclarations aux enquêteurs : « Je me souviens que, alors que je me trouvais au Qatar, j’ai demandé une fois à l’émir du Qatar pourquoi il rachetait le PSG, il m’a répondu que c’était parce que Nicolas Sarkozy le souhaitait. En tant que président de l’UEFA, sachant qu’un État allait devenir propriétaire d’un club, ça allait fausser l’équilibre. Même si ce n’est pas mon problème, je lui ai dit que ce n’était pas bien. » Question des enquêteurs : « Que vous a répondu l’émir du Qatar ? » Michel Platini répond: « Je pense qu’il s’en foutait. »
Les enquêteurs insistent : le déjeuner de l’Élysée n’a-t-il pas été l’occasion « de conclure un marché donnant-donnant », à savoir que la France permettrait à Michel Platini de rester président de l’UEFA, au Qatar d’être le premier pays arabe à organiser une Coupe du monde de football, en échange de quoi l’émirat investirait en France, notamment au travers du rachat du PSG ? Michel Platini : « Que le club du PSG soit en déficit, je m’en moque. Qu’il y ait une affaire de rachat, je m’en moque. Par contre, j’avais sollicité ce rendez-vous avec le Président pour lui dire mes intentions de vote. Ce n’est pas un déjeuner pour me dire pour qui je devais voter, mais c’était moi qui avais sollicité une rencontre pour lui dire pour qui j’allais voter. »
Blatter accuse Platini d’avoir changé la donne
Les enquêteurs soupçonnent alors une autre forme d’intérêt, beaucoup plus personnelle, celle d’un père pour son fils. Laurent Platini, l’aîné des deux enfants de l’ancien footballeur, est en effet embauché fin 2011 par Burrda, un équipementier sportif créé par l’État du Qatar. Dans de nombreuses interviews comme en garde à vue, Michel Platini a toujours nié être intervenu pour que son fils obtienne ce poste. Mais une page de notes manuscrites saisie lors d’une perquisition dans les bureaux parisiens du fonds d’investissement américain Colony Capital, en juin 2019, laisse penser aux enquêteurs que l’embauche de Laurent Platini pourrait avoir fait partie du deal négocié à l’Élysée.
Ce document révélé par Mediapart est intitulé « Nasser 28.4.11 ». Il y est notamment écrit « 70/30 % - Laurent Platini back of salary (150 000 euros, à vérifier !!) » Le 28 avril 2011, Sébastien Bazin, l’ancien président de Colony Europe, encore à l’époque président du PSG, avait rencontré à Miami Nasser al-Khelaïfi, son futur successeur qatarien à la tête du club parisien. Le rachat de 70 % du PSG a été annoncé publiquement trois jours plus tard. Et Laurent Platini fut donc embauché par Burrda à la fin de la même année, pour un salaire qui n’a jamais été communiqué. S’il n’est pas à exclure, loin de là, que les Qatariens ont voulu récompenser Michel Platini en embauchant son fils, aucun élément ne permet d’établir à ce jour que Michel Platini aurait été demandeur de cette faveur.
Seule certitude : les Qatariens possèdent toutes les raisons d’être satisfaits du soutien du Français. À en croire Sepp Blatter, à l’époque président de la FIFA, c’est son homologue de l’UEFA qui a tout fait basculer. Avec sa voix mais aussi celles de trois alliés européens qu’il identifie comme « le Turc (Senes Erzik), le Chypriote (Marios Lefkaritis) et l’Espagnol (Angel Maria Villar Llona). » Pour Blatter, « l’intervention du président de la République auprès de Michel Platini a fait pencher la balance du côté du Qatar, alors qu’on avait un consensus qui devait aller aux États-Unis. Le Qatar a gagné 14 à 8. Si l’on change les quatre voix européennes de Michel Platini, les USA ont gagné 12 à 10. »
Michel Platini s’insurge contre cette vision de l’histoire : « Blatter raconte des conneries. Quand il dit qu’il y avait un consensus préétabli, ce n’est pas vrai. Quand il dit que j’ai changé cinq voix (en fait quatre), ce n’est pas vrai. Tout ça parce qu’il n’a pas supporté que l’on n’ait pas suivi son choix des États-Unis. »
Peu après minuit trente, Michel Platini ressort libre de sa garde à vue. Dans la lumière crue des caméras de télévision qui l’attendent devant les locaux de l’OCLCIFF, « Platoche » s’efforce de donner le change mais ses traits sont tirés. « Entrer comme auditeur libre (sic), se retrouver en garde à vue et provoquer un tel vacarme, ça ne fait évidemment pas plaisir. C’est beaucoup de bruit pour rien. Je ne comprends toujours pas ce que je fais dans cette histoire », déclare l’ancien convive de l’Élysée.
Trois ans et trois mois plus tard, aucune poursuite n’a été engagée dans ce dossier. Aucune personne n’est donc, à ce stade, incriminée. Aux policiers qui lui ont demandé si Michel Platini pouvait être « corrompu », son ancien conseiller à l’UEFA, William Gaillard, a répondu ceci : « De ce que je connais de Michel Platini… Je n’ai jamais dit à ma femme : “Tu sais, Michel Platini, il est corrompu.” Vous me demandez si Michel Platini aime le pouvoir, il y a pris goût. Je pense que si quelqu’un venait avec un gros paquet d’argent, il dirait non. Mais je pense qu’il pourrait être influent de manière indirecte. Tutoyer le président de la République, cela a dû être plaisant. » Ça l’est sûrement beaucoup moins depuis ce déjeuner en forme de traquenard du 23 novembre 2010.
(1) Kevin Lamour a expliqué aux enquêteurs qu’il avait quitté l’UEFA, en septembre 2015, à la suite d’une « longue série de déceptions » de la part de Michel Platini. (2) Marios Lefkaritis a déclaré au Sunday Times que son vote pour 2022 « n’avait jamais été influencé par des considérations commerciales. »
L'Equipe