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À 72 jours du Mondial, le Qatar a passé un premier test grandeur nature
Le stade Lusail, qui accueillera la finale le 18 décembre, a été inauguré vendredi soir. « Le Figaro » y était.
FOOTBALL Jour d'inauguration, jour de test, jour de fête à Lusail, à une quinzaine de kilomètres au sud du centre de Doha. Vendredi soir, les Saoudiens d'al-Hilal donnaient la réplique aux Égyptiens de Zamalek au stade Lusail, théâtre de dix matchs de la Coupe du monde 2022 au Qatar (20 novembre- 18 décembre) dont la finale. Les premiers nommés l'ont emporté aux tirs au but (1-1, 4-1 tab), empochant 1,5 million de dollars au passage, contre 1 million pour les perdants.
Mais ce sont surtout les organisateurs qataris qui sortent vainqueurs. Si cette enceinte de 80 000 places, achevée fin 2021, avait déjà accueilli un match du championnat local en août dernier entre al-Arabi et al-Rayyan (2-1) devant 20 000 personnes, cette « Lusail Super Cup » faisait office de test grandeur nature à 72 jours du début du Mondial. La vraie inauguration. Le PDG de Qatar 2022, Nasser al-Khater, avait ainsi déclaré quelques jours avant qu'il n'y avait « pas de meilleur moyen de tester la pleine capacité du stade Lusail qu'en accueillant deux des plus grands clubs de la région » .
Les portes ouvrent plus de quatre heures avant le coup d'envoi, prévu à 21 heures, après une (très) chaude journée (36 degrés au thermomètre, 42 en température ressentie ; humidité étouffante). Si certains ont pris le parti de garer leur véhicule dans les plus lointains parkings, situés à 3 km de l'entrée, en étant quitte pour une bonne petite trotte, taxis, bus et surtout le métro devaient servir à acheminer la foule vers ce stade au « design inspiré du jeu d'ombre et de lumière qui caractérise la lanterne «fanar» » , comme le décrivent les organisateurs, évoquant « une forme et une façade qui font écho aux motifs décoratifs complexes des bols et autres récipients caractéristiques de l'âge d'or de l'art et de l'artisanat dans le monde arabe et islamique » . Cette cuvette monumentale flambant neuve se dresse au milieu d'une ville qui l'est tout autant, avec de nombreux bâtiments et routes encore en travaux.
Ni cigarettes, ni alcool
Si le tram n'est pas encore en service, le métro, neuf également, a annoncé un record à 97 000 usagers vendredi. Malgré cet afflux massif, la foule a globalement été dirigée dans le calme, à grand renfort de volontaires, fans saoudiens et égyptiens se mêlant dans la bonne humeur aux curieux locaux venus voir de leurs propres yeux cet outil estimé à 700 Meuros. Quelques musiciens pour mettre de l'ambiance, un artiste occupé à réaliser un tag, des vendeurs de drapeaux aux couleurs des deux clubs. Ambiance sympathique et festive, sans heurt ni débordement. Quelques malaises, un peu de tension ici et là, mais rien qu'on ne verrait pas n'importe où...
Plus étonnant pour les yeux occidentaux, l'interdiction d'avoir des cigarettes sur soi. Elles sont saisies à l'entrée. Il faudra s'y faire. Pour l'alcool aussi. Évidemment, on n'en trouve pas dans le stade. Ni aux alentours. Ce sujet est largement revenu jeudi en conférence de presse. Cinq questions posées sur ce thème. Pour peu de réponses. Un mur. « Il n'y aura rien de différent par rapport aux autres Coupes du monde. Il y a un malentendu à ce propos » , assurent les organisateurs, maniant à merveille la langue de bois et évoquant « une exception au sujet de l'achat et de la consommation d'alcool » par rapport aux coutumes locales habituelles et promettant que « les détails seront expliqués plus tard » . Flou artistique étonnant à deux mois du Mondial...
Toujours est-il que les spectateurs, annoncés au nombre de 77 575 mais qu'on évaluera plutôt entre 60 000 à 65 000, pouvaient ensuite découvrir les couloirs immaculés de ce stade fonctionnel, sans chichi dans ses entrailles, bien indiqué, avec de nombreux points de vente pour les rafraîchissements et encas. Les vendeurs et vendeuses devront toutefois accélérer le mouvement lors de la Coupe du monde, tant ils ont semblé « se noyer » face à quelques commandes, comme s'en agaçaient certains clients impatients. Tout le monde a toutefois retrouvé le sourire une fois entré dans les tribunes climatisées du stade. Température idéale par rapport à la fournaise ambiante. Père de ce système de climatisation, Saud Abdulaziz Abdul Ghani, surnommé « D r Cool », affirme que les stades du Mondial sont alimentés à 100 % en énergie solaire par une gigantesque centrale solaire à une trentaine de kilomètres de Doha, à al-Kharsaah. Une clim 100 % verte ? C'est la promesse de vente...
19 h 45, concert de la star égyptienne Amr Diab en lever de rideau. Puis place au jeu, les premiers joueurs faisant leur entrée sur la pelouse à 45 minutes du coup d'envoi. Une fois les deux équipes en place pour l'échauffement, le speaker pouvait égrainer les noms des joueurs sous les vivats de la foule. Plusieurs noms connus en Europe, dont le Franco-Malien Moussa Marega, ancien de Porto. Plus nombreux, plus actifs, avec un kop bruyant derrière un but, les supporteurs de Zamalek se faisaient entendre. Joli tifo dans leur virage, alors que les plus fervents fans saoudiens n'avaient droit qu'à un quart de virage, la scène où s'est produit Amr Diab occupant les sièges derrière l'autre but.
Feu d'artifice
Le match ? Plutôt de bonne facture, dominé par les Saoudiens qui ont ouvert le score sur un superbe lob de l'ancien de Manchester United Odion Ighalo (18 e ). Ayant égalisé grâce au dénommé « Zizo » (33 e ), les doubles champions d'Égypte se battaient comme de beaux diables, à l'image de l'excellent Emam Ashour, résistant aux assauts de leurs adversaires jusqu'au bout (1-1), pour finalement s'incliner aux tirs au but (4-1). Dans les tribunes, le public familial et bon enfant a poussé ses protégés. Il n'était pas rare de voir des fans des deux camps converser, s'amuser ou même poser bras dessous bras dessous pour une photo souvenir.
Place à la remise de la coupe et à un feu d'artifice en guise de point final d'une soirée sans fausse note, devant un public désormais clairsemé. « À seulement 72 jours du coup d'envoi, le Qatar est prêt à accueillir une version unique du Mondial », pouvait marteler Nasser al-Khater. Unique, parce que la première Coupe du monde organisée dans le monde arabe. Parce que jouée en hiver. Parce que seulement 75 km séparent les stades les plus éloignés. Unique aussi en raison des polémiques : des droits humains en passant par les ouvriers qui ont laissé leur vie sur les chantiers (6 500 ?) ou les questions environnementales. Unique, c'est le terme juste. En attendant, le test est réussi.
Le Figaro