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Équipe de France : un leadership partagé entre six joueurs
Le leadership, en équipe de France, est partagé entre six joueurs, avec des responsabilités bien définies.
Il a souvent été écrit, à juste titre, que cette équipe de France manquait de leaders ces dernières saisons, que le patron, c'était Didier Deschamps. Le sélectionneur est toujours le boss, le «mister», l'autorité des Bleus, mais il s'est aussi trouvé de vrais relais dans le vestiaire, des joueurs dont la voix est écoutée par les autres. Hugo Lloris, Raphaël Varane, Blaise Matuidi, Paul Pogba, Antoine Griezmann et Steve Mandanda forment ce cercle des tauliers. S'ils ont pu émerger et s'imposer comme de vrais leaders d'équipe, ils le doivent aussi en grande partie à la confiance que leur a toujours maintenue Deschamps, alors qu'ils ont tous été, à un moment ou à un autre de leur carrière internationale, sinon contestés au moins remis en question.
Ces six-là n'ont cependant ni la même antériorité, ni la même manière de s'imposer aux autres. Lloris (31 ans), le capitaine, apparaît comme le sage, ce qu'il a toujours été d'ailleurs. «En fait, Hugo n'a pas vraiment changé, explique Matuidi. C'est sa grande force. Il a une grande assurance. Il parle peu mais quand il le fait, ses mots sont très importants. Il est écouté.» Depuis le début du rassemblement, le gardien aux 103 sélections ne s'est exprimé qu'une fois, véritablement, au sortir de France - États-Unis (1-1, le 9 juin), pour réclamer publiquement un peu plus de travail défensif aux attaquants. Il n'a pas eu trop besoin de se répéter même si, en interne, il a su se faire comprendre également. Mais Lloris n'est pas du genre à prendre la parole devant le groupe ou à le motiver avant un match.
Ce rôle est davantage dévolu à Paul Pogba. Depuis l'entrée dans la phase à élimination directe, le milieu de terrain de Manchester United (25 ans) s'exprime systématiquement devant ses coéquipiers, dans le vestiaire. Son message est le même : «Je ne veux pas rentrer à la maison», mais la tonalité, l'intensité, l'émotion qu'il véhicule se diffusent chez tous ses coéquipiers. «Paul a toujours eu le talent, ce côté bon vivant, mais là où il a changé un peu, c'est au niveau du groupe, poursuit Matuidi. Il est devenu un vrai leader, un vrai patron. C'est un exemple. Il est hyper écouté.» Adil Rami développe : «Il trouve toujours les mots justes, sur la mentalité, le sacrifice, les efforts.»
En fait, la dimension prise par Pogba a surpris jusqu'au staff, qui ne s'attendait pas forcément à ça. Lors de son point presse, le 2 juillet, Guy Stephan confirmait que Raphaël Varane avait «pris du poids dans l'équipe» et ajoutait, sans même y avoir été poussé : «Paul aussi.» Il n'est pas anodin que l'adjoint du sélectionneur associe ces deux-là. Tous les deux de la génération 1993, ils ont connu leur première sélection en A le même jour, contre la Géorgie (3-1), le 22 mars 2013, ont éveillé le même enthousiasme et provoqué des critiques comparables. Aujourd'hui, ce sont ces deux-là, avec Blaise Matuidi (31 ans), qui prennent la parole pendant les échauffements et entraînent leurs partenaires à quelques minutes du coup d'envoi, chacun dans son style.
Celui de Varane est peut-être moins exubérant, mais ses mots portent autant. Trois jours après la victoire sur l'Australie (2-1, le 16 juin), il avait d'ailleurs peu goûté que certains déplorent alors un manque d'envergure. «C'est vous qui le dites, avait-il répliqué. Ma personnalité ne peut pas plaire à tout le monde. Mais voilà, il existe différents types de leaders et de façons d'être. À Madrid, on a le meilleur exemple avec Zidane. Un leader n'a pas toujours besoin de chercher la lumière ou de parler fort.» Trois semaines et des prestations toujours plus impressionnantes plus tard, le défenseur central du Real avait rangé tout le monde à son opinion. Comme Lloris, il donne l'exemple sur le terrain, mais il n'hésite pas non plus à glisser quelques conseils aux autres, à les prendre à part, à rassurer les moins expérimentés. «Rafa, c'est un patron, il l'a toujours été, il l'a dans le sang», assure Pogba.
La semaine dernière, Varane revenait sur la question du leadership en sélection et l'imageait : «Oui, il y a différents types de leaders. Paul, c'est le feu, et moi, c'est plutôt l'eau.» Il a tout de même mis un peu de sirop dans l'eau. «Oui, "Raph" a évolué, convient Matuidi. Il a pris de l'envergure. Il s'extériorise beaucoup plus, communique beaucoup plus.»Le milieu de la Juventus Turin se situerait entre les deux. Son expérience (il dispute son quatrième grand tournoi international) lui donne un crédit auprès des autres. Bien sûr, comme il le dit lui-même, Matuidi ne va pas apprendre à dribbler à Mbappé, mais il peut parfois, par un petit mot bien senti, remettre en place les plus jeunes qui s'égareraient. Il suffit de se rappeler la façon dont son visage s'est crispé et son regard est devenu noir, lors de l'un de ses points presse à Istra, quand une voix lointaine l'avait interrompu, jusqu'à ce qu'il réalise que c'était Rami qui faisait une blague, pour l'imaginer face à des coéquipiers qui n'agiraient pas pour le bien commun.
Matuidi n'est pas le seul garant de l'unité du groupe. Steve Mandanda, le doyen, se pose là également. Le deuxième gardien des Bleus est l'autre joueur, avec Pogba, à prendre parfois la parole devant le vestiaire. Il l'a fait, notamment, avant le quart de finale contre l'Uruguay (2-0, le 6 juillet), avec des mots qui ont imprégné l'esprit de ses partenaires. Le Marseillais de trente-trois ans aime aussi se mélanger avec les plus jeunes, écouter leur musique, danser avec eux. Il est le symbole de ce mélange générationnel réussi.
Enfin, il y a Antoine Griezmann, qui réfute l'étiquette de leader. En coulisse, il a raison. Sur le terrain, en revanche, il est bien le guide de cette équipe de transition, celui qui recadre Lucas Hernandez parce qu'il monte à 4-2 contre l'Argentine ou à 2-0 contre l'Uruguay, ou celui qui replace Pogba défensivement. «Je vois des choses sur le terrain, explique-t-il. J'essaye de le dire, de faire apprendre. Ce sont des petites astuces que je donne.» Et visiblement, il est écouté, au même titre que les cinq autres.