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Récit d’une crise de nerfs
Dans le vestiaire des Bleus, l’après-match contre la Suède a donné lieu à des échanges musclés, notamment
entre Laurent Blanc et Hatem Ben Arfa, ainsi qu’entre Alou Diarra et Samir Nasri.
Après la défaite contre la Suède (0-2), mardi soir, les Bleus, qui joueront samedi en quarts de finale contre l’Espagne, ont laissé éclater leur colère dans le vestiaire du stade Olympique de Kiev. Hier, en conférence de presse, ils ont reconnu s’être « envoyé des missiles ». Voici ce qu’ils se sont dit lors de ces quelques minutes où les reproches ont fusé et où les frustrations se sont exprimées avec fracas.
DONETSK – (UKR)
de nos envoyés spéciaux
C’EST ALOU DIARRA qui a allumé la mèche. À peine entré dans le vestiaire du stade Olympique de Kiev, le milieu marseillais, en difficulté contre la Suède (0-2) mais irréprochable dans l’engagement, manifeste sa colère contre certains joueurs à vocation offensive. « Ce n’est pas normal », crie-t-il, très énervé par la défaite et surtout par la manière. Il leur reproche leur attitude sur le terrain, leur désintérêt pour les tâches défensives, un manque de motivation. Les mots employés se font alors plus crus, plus agressifs. « On s’est lancé des missiles », confessera Florent Malouda, hier, en conférence de presse, en tentant de « dépersonnaliser » le débat. Il n’empêche, Samir Nasri se sent visé et demande à Diarra de rester poli, au moins. Mais la tension a grimpé de dix crans en l’espace de quelques secondes.
Assis à sa place, Hatem Ben Arfa, le premier Français remplacé après une heure de jeu, est occupé avec son téléphone. Laurent Blanc le voit, d’abord surpris, puis l’interpelle, irrité : « Hatem, tu n’as qu’à appeler ta famille pendant que tu y es ! » Le milieu offensif français se redresse et réplique aussitôt au sélectionneur. Il lui reproche notamment de l’avoir sorti alors que d’autres joueurs, « plus nuls que moi », sont restés sur le terrain.
Là encore, Nasri se sent concerné alors que Franck Ribéry tente de calmer le jeu. Dans l’énervement, les mots du joueur de Newcastle déferlent comme les attaques suédoises un peu plus tôt devant le but de Lloris, dépassent presque sa pensée et Ben Arfa propose même à Blanc de le renvoyer chez lui s’il ne lui donne pas satisfaction.
Boghossian
critique Mexès
D’une certaine manière, il a traduit le malaise qui s’est saisi d’une partie des internationaux confinés au banc depuis le début de l’Euro ou réduits à un temps de jeu minimal. Certains s’agacent d’une concurrence qu’ils jugent faussée et contestent, en privé, plusieurs choix. Le sélectionneur, hier, l’a admis : « Oui, ça a été chaud. Ça existe toujours dans un vestiaire, et souvent après une défaite. Ça prouve qu’il y a eu une réaction, une action et un peu d’électricité. J’espère qu’il y en aura aussi sur le terrain, contre l’Espagne. » Puis, pour dédramatiser, il a manié l’humour : « Après, on s’est refroidis avec une bonne douche… Ce n’était pas de la cryothérapie, mais on a pris une bonne douche froide. »
Après un réveil sous forme de gueule de bois et une matinée avec leurs compagnes, les Français sont rentrés à Donetsk, hier midi. Florent Malouda, qui avait préféré esquiver les questions dans la zone mixte, à Kiev, pour ne pas susciter de polémiques par des propos qui auraient pu trahir sa pensée de manière un peu trop précise, a, cette fois, accepté de revenir sur les tensions de la veille. « Il faut avoir de vraies discussions entre nous, a-t-il déclaré. Si on ne change pas les choses, l’addition peut être salée. Ce que j’ai vu, quelque part, a réveillé en moi quelques démons. »
Un joueur qui répond avec fermeté à son sélectionneur, par exemple… Mais, cette fois, aucune injure n’a été proférée et aucune expulsion ne sera prononcée. Pas davantage quand Philippe Mexès, critiqué par Alain Boghossian pour son avertissement, rétorqua que s’il avait été mieux protégé par le milieu de terrain, il n’aurait pas eu besoin de faire une faute. « Je parle essentiellement d’attitude, reprend Malouda. Si on avait eu celle des Suédois, on ne se serait pas réveillés avec la même gueule de bois ce matin. »
Juste avant lui, Blanc concédait que des joueurs avaient pu être fâchés contre certains de leurs coéquipiers, habités du sentiment « qu’ils n’avaient peut-être pas tout donné » . Puis il a conclu ce dossier dans une manière de vœu : « Entre eux, les joueurs peuvent se dire les choses. Ça peut être constructif. » On verra ça dans deux jours, en quarts de finale, face aux champions d’Europe et du monde en titre. Pour différentes raisons, la probabilité qu’Hatem Ben Arfa soit titulaire ne paraît pas très élevée.
DAMIEN DEGORRE
et GUILLAUME DUFY