Saga Mbia, épisode 2 : Stéphane, star peu académique

L’adolescent Stéphane Mbia intègre à peine la célèbre Kadji Sport Academies, fameux centre de formation où est passé un certain Samuel Eto’o. Comme on l’a vu dans le premier épisode, Stéphane est armé d’une indéfectible confiance en lui qui tutoie l’arrogance. Une assurance censée le propulser parmi les étoiles camerounaises qui ont brillé au mondial américain de 1994

Me voilà donc au centre de formation. J’ai fini par suivre ces adultes qui venaient me superviser quand je jouais sur les terrains vagues. Maman n’a pas été facile à convaincre. Elle ne voulait pas qu’on lui prenne son « César » à elle. surtout que Douala, ça fait loin de Yaoundé. J’ai dû la rassurer: « ne te fais pas de souci pour moi, maman. Je n’échouerai pas. Ma détermination est impétueuse comme la Sanaga ».
Au Cameroun, tout le monde connaît l’histoire de ce fleuve « dont l’onde hurle éperduement » après que Nyambé, le créateur de toutes choses, aient condamné les Hommes à connaître la maladie, la vieillesse et la mort du fait de leur insubordination.
Maman n’accepta pas sans me faire faire une promesse: « je veux bien mais à condition que les esprits veillent sur toi. Promets-moi que tu iras voir le marabout au moindre problème ».

Je me sentais bien à l’académie.Je me sentais bien à l’académie. Ici tout est fait pour ne penser qu’au foot et on s’entraîne sérieusement tous les jours.
Lors des oppositions, j’ai eu du mal à répondre quand on me demandait quel poste je voulais jouer. Dans les matches de quartier, j’étais partout: devant, au milieu, en attaque. Alors j’ai réfléchi. Le mieux pour être devant ET derrière, c’est d’être au milieu. L’idée a germé. Je voulais être au centre de tout. Descendre, récupérer le ballon, repartir avec, distribuer le jeu, marquer des buts. Tout passerait par moi. Je serai Platini ou rien.
Les formateurs avaient du mal à l’accepter. L’un d’eux excédé finit par me dire: « tu es milieu défensif, tu vas la lâcher cette balle? ». Je n’ai jamais compris cette remarque. Droit dans les yeux, je répondis: « Mais coach, ce n’est pas moi qui aime trop le ballon. C’est le ballon qui m’aime ».
Mon interlocuteur eut le visage figé, essayant de déterminer si c’était une blague ou pas. Pourtant, je ne plaisante jamais quand il s’agit de foot.

D’abord de constitution frêle, je m’endurcis petit-à-petit pour résister aux duels âpres que m’imposaient les autres pensionnaires de l’académie. Conjugué à une technique au-dessus de la moyenne, je compris que mon destin ne m’échapperait pas.
Très tôt, mes performances me valurent d’être appelés dans les sélections internationales de jeunes, cela jusqu’aux lionceaux indomptables, les Espoirs camerounais. Lors des championnats du monde des – de 17 ans, je marque même d’une superbe reprise de volée le but du 5 à 5 alors que nous étions menés 5 à 0 par les Portugais.
Au retour dans le bus, je feuillette un France Football laissé là par un de mes camarades. Un dossier est consacré aux salaires des plus grands footballeurs. Zidane, Beckham, Ronaldo, Vieri, et ces chiffres faramineux accolés à leurs noms… A leur vue, je suis pris d’une sensation d’ivresse: la tête me tourne, les zéros tournoient autour de moi. Alors on peut gagner autant d’argent avec le foot?

A mon retour à l’académie, je demande à voir le directeur du centre. Je suis l’un de ses joyaux, il me reçoit donc assez rapidement. A peine assis, j’entame les yeux dans les yeux, la conversation: « Président, je suis le meilleur élément de la Kadji et vous le savez. Alors je veux être payé pour mes prestations ».
Je le vois sourire: « mais enfin Stéphane, les pensionnaires ne sont pas payés ici. Notre boulot c’est de te former pour que tu puisses mener la carrière à laquelle tu aspires. De l’argent, tu en gagneras plus tard. Et sûrement beaucoup en plus ».
Je n’en démords pas: « moi c’est maintenant que je veux gagner de l’argent. Je suis bon, il est normal que je sois payé ».
La discussion a duré près de 3 heures. Je ne lâchais pas du regard le directeur qui semblait exténué. Il avait le pouce et l’index enfoncés dans les coins des yeux, des deux côtés de la cloison nasale. Il finit par dire: « Putain, tu me fatigues Stéphane. J’ai mal à la tête à cause de toi. »
Il avait compris que je ne jouais pas. Je ne plaisante jamais quand il s’agit de foot.
Il enchaîne: « De toute façon, tu ne vas pas rester ici. Le Stade Rennais t’a supervisé plusieurs fois et te veulent à tous prix. C’est une belle opportunité pour toi. »

Je n’étais pas très enthousiaste pour y aller. J’aurais préféré Manchester United. Quand j’ai dit ça au directeur, j’ai cru qu’il allait s’évanouir. Finalement, il a su trouver les mots pour me convaincre en me disant que la Bretagne, c’était quand même plus près de l’Angleterre que le Cameroun.

Je préfère ça.

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A propos de sillicate


Habite En Yourte ! Son Amour Laisse Univoquement Transi, Passant Ostensiblement Tout Obstacle. Caractère Amer Voir Acariâtre. Une Nouvelle Enquête Bientôt Intériorisera Nos Obsessions Utéro-Zygotiques Enflammées ?
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