BIELSA à l’OM, la Vida Loca

Qui est donc l’homme attendu comme le messi par le peuple marseillais ces dernières semaines ? Un névropathe censé remettre de l’ordre dans un club de vacances s’enfonçant inexorablement dans la médiocrité d’une fin de saison sans soleil, entre vieilles poufiasses anisées et jeunes tuant le temps aux dés ?

Un tacticien obsessionnel capable d’ingurgiter plus de matchs de ligue 1 en une journée que José n’en verra de toute sa carrière sur le banc ? Un détecteur et formateur de jeunes pousses qui ont pour nom Batistuta ou Pochettino, Muniain, Rafa Marquez ou Guardado ? Un gestionnaire capable de prendre en charge la croissance d’un club, du centre de formation à l’équipe A en passant par le jardinier ? Un des rares entraineurs à avoir le stade d’une équipe de première division à son nom ? Celui dont Guardiola et Diego Simeone disent qu’il est leur inspiration ?

Marcelo « el loco » Bielsa est tout cela à la fois et est surtout un acharné de travail, au point d’en perdre tout contact avec le monde extérieur. Un homme qui s’engage corps et âme, prêt à mourir sur le banc de touche et qui attend la même chose de ses joueurs sur le terrain.

Retour sur le parcours d’un « mister » de classe mondiale

Bielsa commence sa carrière d’entraineur en prenant en charge les jeunes de Newell’s, son club de quartier à Rosario. Bonne pioche pour un club englué dans l’anonymat du ventre mou depuis des décennies. Il parcourt alors le pays en Fiat 500, des milliers de km. Il s’arrête dans les pueblos de la pampa, convoque le peon du coin qui connaît le mieux le ballon et supervise. Des milliers d’heures. Batistuta sortira de ce trou du cul du monde et en gardera une gratitude éternelle pour Marcelo Bielsa. Puis en devenant DT de l’équipe A il sortira Newell’s de l’anonymat en lui offrant son premier titre de champion depuis des décennies, avec une charnière centrale de 19 ans. Il part ensuite au Mexique en 1993. L’Atlas et Borgetti lui rendent encore grâce. Le club a été refondé autour du principe Bielsa et fonctionne encore de cette façon à ce jour. Puis retour en Argentine à Velez, encore champion. Puis, puis arrive 1998, le passage le plus déterminant de sa carrière, le plus prestigieux. Il prend la direction de la seleccion argentine en remplacement du médiocre Passarella. C’est la dernière fois que l’Argentine verra de près un coach compétent. Pour Bielsa, l’aventure se finira dans l’amertume. Il a fait de cette équipe un commando de tueurs talentueux et prestigieux, adhérant à ses idées : Ayala, Simeone, Veron, Batistuta, Ortega et Crespo. Mais cela ne fonctionne pas, l’Argentine quitte le mondial 2002 au stade des poules sur un malentendu. Bielsa et l’Argentine sont traumatisés. Encore aujourd’hui personne n’est capable d’expliquer l’écherc dans le groupe de la mort de 2002. Il quitte la sélection en 2004 et n’entrainera plus jusqu’au Chili en 2007. Un Chili devenu à nouveau séduisant sous sa houlette. Fâché avec les grands clubs chiliens, il démissionne après la coupe du monde. C’est sa marque de fabrique, si il n’y a pas adhésion il s’en va. Le schéma se reproduira à Bilbao, un match de légende où il sort Manchester United, « un régal de football » pour Xavi et une embrouille autour de la rénovation du stade … Démission.
Cet homme là aura t-il les coudées franches pour nettoyer les écuries de la Commanderie ? Ce qui est certain, c’est qu’il s’en ira si il ne peut mener sa mission.

Le Travail à l’entrainement

De France on convoque la référence Vahid pour définir la méthode Bielsa. Mais si Vahid a eu un comportement de sergent dans la légion étrangère, El Loco était son adjudant lors de son stage commando dans l’infanterie de marine. Il en a vomi. Marcelo Bielsa est différent. Pour lui le football est avant tout une affaire éthique. Un attaquant qui ne va pas chercher un centre dans la surface a violé sa mère car « il tue ses coéquipiers, son entraineur, le club, l’argent que le club dépense, et les supporters ». Et cela, ce n’est pas acceptable, donc on va répéter 200 fois le geste à l’entrainement si il le faut, jusqu’à en vomir. Si le joueur ne comprend toujours pas, et montre quelques faiblesses au niveau de l’éthique, les poings ou la réserve sont là pour l’attendrir quel que soit son statut. Llorente peut en témoigner.

3-4-3 ?

Le 3-4-3 il n’en fait pas une religion, on l’a vu en 433 et sauter à l’élastique dans le Vercors. Non ce que Bielsa exige de son équipe c’est un peu ce que Van Gaal inculquait à l’Ajax : récupérer le ballon haut (la meilleure défense), étirer le jeu, des ailiers qui centrent, des milieux qui prennent l’intervalle, qui travaillent, de la vivacité devant. C’est surtout le sacro saint principe du déplacement sans ballon : trois solutions minimum doivent être offertes au porteur du ballon. Pour y arriver ? Du travail et encore du travail. Ce qui fait la spécificité de Bielsa c’est sa capacité à absorber toujours plus de ballon, de situations concrètes, de scénarios de match. Guardiola sur le point de prendre les rênes de la Massia viendra le voir à Rosario comme d’autres montent à Canossa. Ils parleront ballon des nuits entières. Guardiola ne manquera jamais de l’en remercier. Simeone gardera de Bielsa son exigence, son goût pour le travail, l’intransigeance de la méthode.

Bielsa est un homme de mission qui n’entrainera probablement jamais de clubs prestigieux (sauf si un Barça dans le caca venait à lui faire une proposition qui ne se refuse pas).
Bielsa à l’OM aujourd’hui c’est inespéré …

Inespéré certes, mais gage de réussite ? Rien n’est moins sûr.
A priori, l’avantage majeur de la venue du technicien argentin est le fait qu’il veut avoir la main sur tous les secteurs. Ce qui signifie deux choses : professionnalisme à tous les étages et, espérons le, départ ou en tout cas mise à l’écart de José Anigo.
Les doutes tiennent plus à l’application de la méthode Bielsa avec une contingent important de joueurs français élevés au caprice et au non goût du travail. Trop longtemps habitués à être idolâtrés avec 2 passements de jambes réussis et une coupe de cheveux un peu originale, le retour sur terre risque d’être violent pour certains. On imagine déjà, rigolards mais circonspects, Thauvin se cogner 3h de centres non stop.
Les joueurs adhéreront-ils ? Ils n’auront pas le choix au départ mais la saison avançant, les risques de voir une fracture se créer n’est pas utopique, comme d’ailleurs cela s’est passé dans certains des précédents clubs de Bielsa (ex : Llorente à Bilbao).
L’OM franchira néanmoins un cap évident avec l’arrivée d’un tel personnage. La réussite n’est de toute façon jamais acquise en football, et mieux vaut viser très haut pour finir un peu plus bas qu’espéré plutôt que de recruter Elie Baup.

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Article lu 5730 fois, écrit le par nemenems Cet article a été posté dans Edito et taggé , , , , , , , . Sauvegarder le lien.

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