An 2014, le Nouvel Évangile I

Juju terminait son café trop chaud à petites gorgées prudentes. Il n’était pas réellement en retard, mais pas question de traîner s’il voulait arriver à l’heure à la Commanderie pour la conf’ et avoir une place assise bien située. C’est que depuis l’arrivée du « Loco », l’ambiance des conférences de presse à l’OM avait radicalement changé…

Bizarre, vous avez dit bizarre?

Et d’abord, en fréquentation. Au début de la saison, bien sûr, c’était prévisible. La curiosité, l’attrait de la nouveauté, on voulait voir la bête. Mais ensuite, l’attitude incongrue du technicien, l’étrangeté de son discours et les succès de son équipe avaient encore amplifié le phénomène. Désormais, les causeries du Maître étaient des happenings courus où tout journaliste sportif se devait d’être vu. Bizarre !

Juju, qui trouvait « bizarre » tout ce qui sortait de sa routine et qu’il n’appréhendait pas totalement, se trouvait en conséquence souvent naufragé au milieu d’une mer de « bizarreries », et l’OM de cette année n’était pas la moindre d’entre elles.

Succession

Au temps béni des cannelloni

Du temps de son pote Josélie, il n’y avait rien d’étrange et il était dans l’entourage de son club comme un poisson dans l’eau. Tout le monde était détendu, rigolait. Aux entraînements on buvait l’apéro pendant que les minots jouaient au tennis-ballon, avant une petite partie de Perudo puis un bon repas de pâtes en « famille ». Les avant-matches n’intéressaient personne.

Pour les conférences d’après-match, on connaissait les codes :

– si on avait gagné en jouant mal, on savait que « seuls les trois points comptent » (tiens, Lolo à Paris, il connaît ses classiques, lui, il l’utilise encore celle-là).

– si on avait perdu en jouant mal, on préparait la tirade sur les arbitres, la fatigue, le terrain.

– si on avait bien joué…. bah non, ça n’arrivait jamais !

C’était une belle mécanique bien huilée, sans surprise, sans bizarrerie. C’était le bon temps.

El Loco motive…

Mais cette saison, c’était… ben, bizarre. On ne pouvait plus assister aux entraînements ni approcher les joueurs ou le staff. On n’était plus chez soi. Et puis, les joueurs avaient commencé à changer. Dès les matchs de préparation, on ne les reconnaissait plus. L’année dernière, ils couraient partout comme des poulets décapités en essayant de pousser le ballon vers les cages adverses, ou en le passant aux copains dans le dos, comme tous les joueurs de Ligue 1. On perdait, et en sortant du terrain tout le monde avait la banane, parce que même si leur prestation valait un zéro, leur salaire en comptait quatre ou cinq. Il n’y avait que les supporters, ces couillons qui payaient pour aller voir les matchs, pour faire la gueule.

Dédé et Steve, des gamins épatants, affichaient une belle santé, avec de bonnes joues. Maintenant ils avaient maigri, ça faisait peine à voir. Et pouf, voilà que tous se mettaient à jouer à une touche de balle dans la course des coéquipiers, à produire du jeu. À se jeter sur les ballons et les adversaires comme des morts de faim. Et vu comme ils maigrissaient, c’était à se demander si on les nourrissait suffisamment. Alors que le gros bœuf argentin, lui… Il y aurait eu de quoi les rassasier. Manger sa chair, boire son sang, ça leur aurait profité, tiens !

C’était pourtant les mêmes petits gars que la saison dernière, à quelques exceptions près. Mais tous avaient brusquement changé d’attitude, ils étaient, comment dire, plus motivés et impliqués… zélés, quoi. Tous avaient un air sérieux, pénétré, comme s’ils avaient entrevu de nouveaux horizons, un idéal. Une autre façon d’envisager le football et le monde.

À croire que l’Argentin était une espèce de gourou et qu’il les avait tous endoctrinés. Une sorte de dérive sectaire ? Juju était inquiet.

Bvitruve

Marchands du Temple : les quarante voleurs l’ont dans l’Ali-Baba.

Même le Vélodrome s’était fait tout beau pour le nouveau staff. Bon, OK, il y avait six mille places inutilisables parce qu’on n’y voyait rien (10 % du total, quand même, hein). Et la pelouse avait été installée à la va-vite, bien trop tard avant les premiers matchs, d’où la multiplication des escalopes, à défaut des pains. Entre la charge de deux troupeaux de rugbymen et la venue de l’équipe nationale, on devrait même la refaire à neuf. On aurait alors l’idée lumineuse de lui payer des séances de bronzage pour qu’elle ait l’air en bonne santé.

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En plus, pas moyen de mettre la main sur l’or du « Naming ». On avait tout essayé : « Sésame, ouvre-toi », « Orange, ouvre toi », « Allianz, ouvre-toi » et bien d’autres plus exotiques ; la caverne au trésor refusait de s’offrir.

Mais bon, on allait trouver un terrain d’entente – et de foot, accessoirement – après les marchandages d’usage, avec une location à prix d’amis : les gens d’Arema sont hommes d’affaires, ils connaissent la musique et sont ouverts à la négociation.

Mais voilà que les dirigeants du club se mettaient au diapason de l’entraîneur : droits dans leurs bottes, inflexibles, voire butés. L’OM refusait d’être offert en sacrifice aux édiles de la mairie et leurs partenaires du privé et renversait la table des négociations. Les affairistes et leur petit business étaient chassés du Saint des Saints. La fin d’une épique époque ?

Juju connaissait tout un aréopage qui n’allait pas apprécier de ne plus tondre la laine sur le dos de cette brebis égarée.

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À suivre ici : http://www.omlive.com/edito/an-2014-le-nouvel-evangile-ii

 

Écrit par Selfmade footix

 

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A propos de selfmade footix


Artiste sur le terrain, viril mais correct dans la vie. Ou le contraire, ça dépend. Amoureux de la vie, de l'amour, du beau jeu et de l'amour du beau jeu. Accro aux parenthèses et autres digressions. Loisir : Lapins crétins spotting sur les pelouses de France et de Navarre.
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2 Réponses pour An 2014, le Nouvel Évangile I

  1. Pingback: An 2014, le Nouvel Évangile II | OMlive.com

  2. Superbe travail de Selfmade footix. Vous pourrez apprécier la suite la semaine prochaine. 😉