Quelle saison, mes amis ! Une saison au cours de laquelle l’ascenseur émotionnel a fonctionné à un régime digne d’un moteur de Formule 1 surgonflé au-delà des limites légales.
Tout, ils nous auront tout fait ! Des humiliations face au QSG ou Lyon et des rodomontades ridicules qui les ont précédées aux retournements de situation improbables au bout du temps additionnel de matchs qu’on croyait perdus. De l’épidémie de dépressions nerveuses après les camouflets contre Monaco et Rennes à l’extase collective au moment du but de Sakai devant Liepzig, ils nous ont tout fait vivre et ressentir. Honte et fierté, résignation et exaltation. Et on les aime pour ça.
Enfin, pour les bons moments surtout.
Après l’envie de se taillader les veines avec le bord d’un imprimé de certificat de décès au mois de septembre, on est passé en mai à l’optimisme béat (voire aveugle) qui nous fait imaginer notre club vainqueur de l’Europa League, fingers in the nose. Ne nous y trompons pas, ça n’est pas impossible, mais c’est pas gagné d’avance non plus, hein !
Comme l’a démontré l’affluence du match d’hier soir, l‘Europa League est d’ailleurs actuellement considérée à Marseille comme LA compétition européenne qui compte, loin devant la très surfaite Champions League dont le seul intérêt est d’offrir chaque année aux Parisiens une nouvelle occasion de se ridiculiser en Mondiovision.
Et, tant qu’on y est, considérons-nous connement comme un confortable second de L1 Conforama pour conforter notre nouveau statut putatif (non, il ne s’agit pas d’une péripatéticienne chevelue. Inutile de sortir votre carte bancaire, Monsieur T.)*
Non, pour que la saison soit belle, il va falloir la finir en jouant du volant, pas en roue libre !
Vavavoum !
En championnat, cependant, quatre tours nous séparent encore de la ligne d’arrivée. Devant nous – et en occultant le perpétuel champion de droit divin selon la volonté du tout-puissant gazo-dollar – deux concurrents plus légèrement dopés. À savoir, Monaco et sa situation fiscale avantageuse, et l’OLFP, enfant illégitime mais néanmoins chéri de l’arbitrage et des instances footballistiques nationales – comme vient de le démontrer une nouvelle fois la décision incroyable de la commission de discipline.
Légèrement en avance aux points ou simplement au goal-average, ces deux-là ont leur destin en main et ne peuvent être rejoints que sur un faux-pas.
« Y a un moteur qui nous suit ! » @Fernand Senna
Pourtant, comme ils le voient dans leur rétroviseur, le museau du bolide Olympique vient chatouiller de sa moustache leur échappement. Et non, je ne parle pas de pratiques sexuelles impliquant l’extrémité distale de leur tube digestif… quoique, sait-on jamais.
Non, je file simplement la métaphore automobile qui s’impose en cette fin de saison haletante au rythme infernal.
Car hier, considérant cette situation frustrante autant qu’exaltante, j’ai brusquement repensé à un épisode légendaire de la grande histoire des sports mécaniques. Les enfants, sortez vos cahiers et crayons à mine HB. Comment ça, « ça existe même plus » ? P’tits cons de minots, va ! Pour les moins jeunes, souvenez-vous, si Alzheimer vous y autorise encore…
Monaco, 1988.
Cela fait une saison presque entière qu’ Alain Prost et Ayrton Senna, officiellement coéquipiers au sein de l’écurie McLaren, se détestent cordialement. En façade, on se respecte et on est fair-play, mais derrière les apparences deux forts tempéraments se jaugent et se mesurent, attendant d’en découdre.
Bon, un baquet de leader pour deux ! On le joue aux chaises musicales ?
Ayant obtenu la pole position sur un circuit où les dépassements sont quasi-impossibles et extrêmement risqués, le fougueux jeune pilote brésilien est tranquillement en tête de la course depuis une soixantaine de tours. L’expérimenté français au mental d’acier, qui a dû batailler 54 tours pour passer Gerhard Berger et sa Ferrari, sait qu’il ne peut rattraper son retard si son rival se contente de gérer la cadence.
Il décide donc de jouer l’intox’, alignant meilleur temps sur meilleur temps au tour. L’orgueilleux pilote au casque auriverde se laisse prendre au jeu des chronos de prestige et, sous la pluie, accélère aux limites pour répondre aux attaques de son poursuivant. Il repasse très vite devant lui en termes de vitesse au tour.
Prost ralentit alors l’allure, faisant mine de laisser la victoire au carioca et de se contenter de la seconde place. Mais déjà Senna, sorti de sa concentration parfaite, a commencé à commettre quelques inhabituelles fautes de pilotage. Et au 67e tour arrive ce qui devait arriver : il percute le rail au virage du Portier et doit abandonner le podium à ses concurrents et la victoire au Français.
Ça ne vous fait penser à rien ? Bien sûr, mon analogie marchait mieux avant que Monaco (bien que géographiquement cohérents avec cette histoire et partageant les couleurs des bolides anglais) ne soient assez naïfs pour perdre des points faciles et se retrouvent mêlés à la lutte entre nous et nos ennemis héréditaires, les Lyonnais. Mais bon, vous voyez où je veux en venir avec ma métaphore boiteuse sur trois pattes au lieu de deux. J’aurais mieux fait de partir sur « Le lièvre et la tortue », tiens !
Marseille, vingt ans plus tard.
Lors de la réception de l’OL, nos joueurs ont raté le match le plus… Non, je peux pas ! Ca fait trop mal d’y repenser. Quelqu’un a un certificat de décès avec un bord bien coupant ?
Pour ne pas avoir constamment envie d’en finir avec les souffrances inhérentes à la vie de supporter de l’OM, je préfère continuer à parler mécanique. Je recommence donc. Pouf pouf pouf ! (Non, je n’appelle pas trois cagoles vénales, Monsieur T.*, rangez votre carte, vous allez finir par vous la faire voler. J’imite juste très bien le bruit de la gomme).
En freinant au pire moment, juste avant l’arrêt aux stands, les Olympiens ont laissé la voie vers le podium libre pour leurs rivaux lyonnais. Dans le même tour (comprenez : nantis du même nombre de points), ceux-ci ont désormais leur destin (et le notre) en mains. Alors rêvons un pneu…
La mécanique marseillaise est peut-être un peu inférieure, la faute à quelques pièces d’occasion qui nuisent à l’équilibre du chassis. Mais le maître pilote / metteur au point Garcia a su trouver la configuration et les réglages optimaux pour tirer les meilleures performances de son attelage. Malgré un peu de casse à répétition, jusqu’ici le bolide soutient le train d’enfer en tête de la course.
Bah, avec des pièces Mitro ou Sertic, elle va marcher beaucoup moins bien, forcément !
Leurs adversaires ont quant à eux su trouver un nouvel élan et, aidés par des commissaires de course qui font mine de ne pas voir quelques fautes de conduite – quand ils ne déversent pas carrément de l’huile sur la piste avant le passage des ciels et blancs – sont solidement installés devant.
Alors qu’ils viennent de signer un bon chrono au virage de la Moutarde, l’OM réplique par une performance encore supérieure à la chicane du Perd-le-Nord. Derrière, se profile la menace de voir les Phocéens venir chercher une prestigieuse récompense dans leur propre paddock. Piqué au vif Jean-Twitte Hélas, le patron de l’écurie, harangue Peps G, leur pilote , dont le sang ne fait qu’un tour. Au ralenti, forcément, il est Lyonnais ! Il réinjecte un peu de Fékir dans le carburateur de sa machine et enfonce le champignon.
L’OM reste à distance prudente pendant qu’ils franchissent à pleins gaz la ligne droite du Canari mais demeure en embuscade, négociant proprement le passage des tribunes de la Douceur Angevine. Les Rhodaniens dévorent la courbe de l’Andouillette quand les Phocéens mordent dans celle de la Salade. Bon appétit si vous êtes à table, Mesdames et Messieurs.
Nos analystes pronostiquent qu’à ce rythme, la décision ne peut se faire que sur un dépassement dans le dernier tour, devant les caméras multiplexées de Canal +, la palette décomplexée de Doucet et les yeux exorbités de la France du football toute entière.
Eh ! On avait dit un tour d’honneur, pas un doigt !
Bon, après il faut que l’analogie s’arrête là. Parce qu’en 1988, à la fin, c’est Senna qui est sacré champion. Alors pas de blagues, hein…
Forza O.M.
* lire ici.
Belle analogie avec la F1. Cela dit notre moteur montre quelques ratés et dégage de la fumée blanche. Gare à la casse avant le drapeau à damier !