Procès Eyraud : la parole est à la défense

Avec nos amis d’@OM_LeReseau et en particulier @suix_le, nous avons décidé de collaborer pour l’écriture d’un dossier consacré à notre président Jacques-Henri Eyraud. En cette période où plus que jamais la vente de l’Olympique de Marseille anime toutes les discussions au sujet du club, nous nous sommes intéressés au bilan du tant décrié président de l’Olympique de Marseille.

Décrié car, à entendre ou lire la majorité des supporteurs, quoi qu’il dise ou fasse, tout est à jeter et on en est à se demander si les gens ne souhaitent pas la vente du club juste pour se débarrasser d’Eyraud. Alors qu’en est-il vraiment et surtout objectivement ?

Je me suis attelé à écrire la partie positive du bilan et @suix_le la partie négative et nous avons tenté d’ouvrir vers l’avenir, car critiquer c’est une chose, mais proposer des solutions en est une autre. Beaucoup critiquent JHE, mais personne ou presque n’est capable de dire par qui il le remplacerait même si pour ces gens, il est évident qu’il faut le remplacer.

À Marseille comme ailleurs rien n’est simple, mais à Marseille en particulier, TOUT est compliqué (il n’y a qu’à regarder l’élection récente de la nouvelle Maire de la ville pour s’en convaincre). Et l’OM ne déroge pas à cette règle. Là où certains clubs ne font pas de vagues, en trois mois de confinement et de période sans foot, le club vit un véritable tsunami médiatique d’articles en tout genre de journalistes (ou pas d’ailleurs), à tel point que même les spécialistes de la géopolitique du Moyen-Orient et/ou ex-otage en viennent à parler du club et surfent sur la déferlante Olympique de Marseille et sa base incroyable de fans à travers le monde.

Et s’il en est un qui fait parler, c’est bien notre président délégué. Arrivé le 17 Octobre 2016, soit il y a bientôt quatre ans, sans faire de bruit et avec sa tête de premier de la classe, il est aujourd’hui l’un des présidents les plus décriés dans l’histoire du club. Je vous propose donc, dans ce qui va suivre de trouver les points positifs dans l’action présidentielle. Sans doute certains auront envie de m’insulter, j’assume tous mes propos et je serai ravi d’échanger avec courtoisie. Je tiens aussi à préciser que je n’apprécie pas particulièrement Jacques-Henri Eyraud pour diverses raisons que @suix_le évoquera sans doute. Je veux sortir de la passion que nous pouvons ressentir lors d’un match de notre OM, et, une fois sorti de la passion, tenter d’analyser les choses objectivement.

Le bilan sportif

Trois saisons et demie à la tête du plus grand club français, quel est le bilan sportif de l’homme sorti d’Harvard et fan de NBA ? Beaucoup disent : « Depuis qu’il est là, aucun résultat, c’est nul et ceci et cela » et je vous épargne le torrent d’insultes qu’il a pu lire ou entendre.

Rappelons – car c’est toujours important de se rappeler d’où l’on vient – que lorsque Franck McCourt rachète l’OM de Margarita Louis Dreyfus, le club est une ruine à tous les niveaux et sort d’une saison où l’équipe professionnelle termine à une piètre treizième place. J’en veux pour preuve la défiance incessante sur la fin, des virages envers l’ancienne direction. L’attente populaire à ce moment-là est donc légitime mais aussi maximale jusqu’au plus haut sommet de la ville, puisque le maire en personne invective Franck McCourt, lors d’une conférence de presse mémorable, en l’incitant à dépenser des sous.

Et dès le départ, Jacques-Henri Eyraud annonce que l’équipe qui arrive s’inscrit dans la durée. Il ne cessera de le marteler, mais manifestement, personne ne l’écoute, ni ne l’entend.

La première demi-saison se termine à une cinquième place inespérée avec les ruines de l’effectif précédent et le retour dès l’hiver de Dimitri Payet, alors à l’époque n°7 au classement du ballon d’or, ce que ne cessera de claironner lors de sa présentation Jacques-Henri Eyraud. La saison suivante, les Olympiens de Garcia finiront quatrième avec un total de points assez ahurissant pour un quatrième, à savoir 77 à un tout petit point de la qualification tant espérée pour la Ligue des Champions. Par ailleurs, comment oublier ce parcours extraordinaire en Ligue Europa, menant les Phocéens jusqu’à la finale de la compétition ?

La saison 2018/2019 est clairement la moins bonne de l’ère Eyraud, puisqu’elle verra le licenciement de l’omnipotent Rudi Garcia, ponctuée par une sixième place synonyme de non-participation à une coupe européenne et surtout ayant des conséquences économiques qui mettront le club dans une certaine difficulté.

La saison dernière se termine par une seconde place derrière l’inamovible PSG et donc une qualification pour la prochaine Ligue des Champions. Certes, la saison a été tronquée par la crise sanitaire du Covid-19, mais l’OM n’a volé sa place à personne et possède au moment de l’arrêt six points d’avance sur Rennes, troisième et dix matches restant à jouer.

À l’heure actuelle et avec ce parcours, peut-on affirmer que le bilan est bon ? Non. Les prestations dans les coupes nationales ayant toujours été plus que moyennes, seule l’épopée en Europa League relève le niveau. En championnat, je dirais que c’est mitigé, mais en sachant d’où l’on vient, c’est loin d’être aussi catastrophique que certains veulent nous le faire croire. Trois qualifications européennes sur quatre ans, ce n’est pas assez pour l’OM, mais dans un pays où les places européennes sont chères, c’est loin d’être catastrophique.

Et les jeunes dans tout ça ?

Dès son arrivée, Andoni Zubizarreta s’est attelé à construire les fondations du club, ce que personne en plus de 100 ans d’histoire n’avait jamais fait : restructuration de la cellule de recrutement, mise en place d’un logiciel de suivi des joueurs intéressants à travers différentes caractéristiques, déploiement d’un réseau de scouts à travers tous les continents, construction d’infrastructures dédiées à la formation et aux féminines (OM Campus), restructuration du centre de formation dans sa globalité, déploiement des partenariats avec de nombreux clubs de la région, recrutement de formateurs de talent et d’un responsable du centre de formation renommé ayant fait ses preuves dans plusieurs structures par le passé. Le travail en profondeur de l’ancien directeur sportif pose des bases solides pour l’avenir du club.

Et tous ces efforts depuis maintenant presque quatre ans commencent à porter leurs fruits, puisque des jeunes de la génération 2003 intègrent le groupe et viennent de signer leur premier contrat pro.

Alors, oui certains passent à travers les mailles et préfèrent partir, mais Nasser Larguet, au sujet d’Isaac Lihadji, disait ceci : « C’est décevant et triste, car, quand on forme un jeune, on a toujours envie de le voir grandir au club. N’empêche, Isaac a été formé, et bien formé, au club. C’est ça qu’il faut retenir ! Les dirigeants ont mis ce qu’il faut en termes de structures et de moyens humains pour placer la formation au niveau de ce qui se fait de mieux. Mais, ça passe par un état d’esprit. Ceux qui n’ont pas cet état d’esprit n’ont pas leur place dans notre projet ».

La partie la plus importante du bilan est ici. Le football change. Le monde du football change. Il y a deux façons de répondre à ce changement : soit il ne nous convient pas et on le combat en y résistant coûte que coûte, soit on l’accompagne car on sait que seul dans notre coin, nous ne pourrons pas remporter la bataille face à ce changement qui est souvent guidé par l’argent. Jacques-Henri Eyraud a pris le parti d’engager une profonde mutation du club afin qu’il soit armé pour avoir sa place dans ce football ultra capitaliste.  Ce n’est pas la vision que je partage, mais je ne suis pas président de l’OM, seulement un simple supporteur.

Peut-être que dans dix ou quinze ans on remerciera ce président là, d’avoir essuyé les plâtres et d’avoir – enfin – posé des fondations solides pour le club.

Le bilan social

On reproche souvent à l’OM et ses dirigeants de ne pas ou peu faire dans le domaine social. De peu ou pas s’intégrer comme acteur majeur de la vie sociale de la ville, mais quelles étaient les actions de l’OM avant les arrivées de Franck McCourt et Jacques-Henri Eyraud à la tête du club ?

J’ai cherché… cherché… cherché encore et je n’ai absolument rien trouvé. Alors d’aucuns diront : « oui mais tu comprends, nous on veut un club de foot, pas des mères Teresa ». Certes, mais ceux qui disent ça, étaient sans doute les premiers à sauter sur la direction lorsque l’aide pour les sinistrés de la rue d’Aubagne n’est pas arrivée. Mais finalement, l’OM via OMFondation, (ce qui n’avait jamais été fait) a aidé les sinistrés. Le club a pris la mesure du rôle social qu’il devait jouer dans la vie de la ville. Raison pour laquelle les partenariats signés à travers la région sont peu contraignants pour les clubs qui les signent.

Durant la crise, le club a accueilli à la Commanderie les femmes qui n’avaient nulle part où aller suite à des violences conjugales. Maintenant, on apprend qu’ils vont permettre à quelques enfants de, sans doute passer les meilleures vacances de leur vie grâce à un programme d’accueil d’enfants en difficulté.

On a appris également que les dirigeants avaient décidé d’eux-mêmes de baisser leur rémunération durant la crise sanitaire afin d’en faire bénéficier les salariés du club les moins bien lotis. C’est sans doute peu, mais ce geste démontre tout de même, malgré tout ce qu’on peut reprocher à Jacques-Henri Eyraud, une certaine générosité et une vraie prise de conscience dans l’action sociale que doit avoir le club qui reste encore le seul vecteur d’intégration dans une ville si multiculturelle et si cosmopolite.

Que vous soyez, Comorien, Français, Algérien, Marocain, Tunisien, Espagnol, Italien,… quelle que soit votre couleur de peau, vos origines, votre histoire ou votre religion, finalement quand vous rentrez dans les tribunes de stade, vous êtes marseillais. Vous vous sentez marseillais. Vous êtes prêt à tout pour ces couleurs et cet écusson. Et on ne peut pas dire qu’Eyraud n’a pas compris et tenu compte de cet aspect-là du club, et j’en veux pour preuve le tifo fêtant les 120 ans du club et le prix Philippe Seguin décerné récemment à l’Olympique de Marseille pour deux de ses actions sociales : #OMVolontariat qui permet à chaque collaborateur du club de s’impliquer auprès d’une association et FC La Castellane, un club de quartier créé par l’OM pour aider les jeunes à la pratique du football et les accompagner socialement.

Le bilan économique

Il est temps de m’attaquer à la dernière partie de mon plaidoyer en faveur de la direction actuelle et je vous avoue que cet aspect n’est vraiment pas le plus facile à défendre. D’ailleurs, nombreux seront ceux à me dire qu’il est indéfendable sans une once de mauvaise foi, voire carrément de mensonges. Et pourtant… vous allez voir que tout n’est pas aussi dramatique qu’on veut bien vous le faire croire.

Avant toute chose, sachez qu’il est très compliqué de se procurer les chiffres exacts et de nombreuses données sont uniquement estimatives. De fait, dans une estimation on peut mettre un peu ce qu’on veut. Par exemple, beaucoup nous ont claironné que le partenariat avec Uber Eat était moins lucratif que le précédent avec Orange. En ce qui me concerne, je ne dispose d’aucun chiffre, mais j’imagine mal un homme comme Jacques-Henri Eyraud signer un contrat qui rapporte moins que le précédent. Je peux me tromper bien sûr, mais c’est ma conviction.

Passons au bilan à proprement parler. Tout d’abord, il était prévu que durant les trois premières années, le club serait en phase d’investissements lourds et conséquents. On parle aujourd’hui dans la presse d’un déficit d’environ 130 M d’euros. C’est évidemment énorme et c’est à mettre au passif de Jacques-Henri Eyraud. Mais ceux-ci ne sont que des chiffres en comptabilité bilantielle. La réalité, c’est que l’OM afin de revenir doucement mais sûrement vers un équilibre entrées/sorties doit vendre des actifs. Mais ça veut dire aussi que l’OM n’a aucune dette. Le club ne doit rien à personne et nous avons un actionnaire qui fait face et qui dispose de solides garanties financières.

Or, le club n’a jamais été aussi riche en matière d’actifs, qu’ils soient immobiliers avec la commanderie et OM Campus ou mobiliers avec la valeur marchande des joueurs sous contrat. Ce qui, en clair signifie que l’OM va devoir se mettre enfin à bien vendre.

Mais concrètement si demain le club vend deux joueurs à forte valeur marchande comme Sanson et Duje Caleta-Car par exemple, il y a fort à parier, qu’il pourra même dégager de ces ventes une enveloppe achat. Toute la difficulté maintenant est de savoir vendre, qui vendre et à un prix qui soit si possible au-dessus de la valeur du marché.

Beaucoup vont me dire : « Oui mais Ludo, une année de Ligue des Champions on va se débarrasser de nos meilleurs éléments… » et je leur répondrai que justement toute la complexité du football professionnel actuel est de savoir acheter et vendre au bon moment et au bon prix. Par exemple, si on avait vendu Thauvin il y a deux saisons, certains clubs étaient prêts à mettre beaucoup d’argent pour s’attacher les services du joueur auréolé de son titre de Champion du monde. On aurait entendu la majorité s’élever d’une seule voix : « ouais on vend notre meilleur joueur ». L’année suivante, tu ne l’as pas vendu, mais tu as fait la saison sans lui, car il s’est blessé lors de la préparation. Le club aurait-il été dans la même difficulté financière avec la vente de Thauvin ? Je vous laisse répondre à cette question,  j’ai mon opinion.

Les achats sont toujours un pari sur l’avenir avec en gage de réussite uniquement le passé. Prenons Ocampos par exemple. Combien étions-nous à vouloir l’écarteler ? Combien étions-nous même à dire 15 Millions (si c’est le vrai prix, aucune certitude) c’est bien vendu ? Et combien sommes-nous à regretter son départ parce que cette saison, il est encore plus fort ?

Allez, un autre : Caleta-Car. Quand on l’a vu débarquer et après quelques matches on a tous pensé : on a payé ça combien déjà ? 19 Millions. Quoi ? tout ça ?!!! Mais il est fou cet Eyraud ! Mais si on le revend 50/60 en première league qui se souviendra son prix ? Je ne vais pas tous vous les énumérer. Le fait est que l’actif joueur est quelque chose de très fluctuant, que c’est vraiment le plus compliqué à gérer et normalement c’est le boulot du directeur sportif… Malheureusement, l’erreur d’Eyraud aura été de confier ce job à son entraîneur de l’époque, à savoir Rudi Garcia et qu’il a vidé les caisses. Ça reste la responsabilité du président en définitive. Mais je vous rappelle que lors de la signature de Strootman, nombreux étaient ceux qui disaient que c’était super… sur le papier.

Quoi qu’il en soit, ce bilan catastrophique dans les chiffres ne le sera réellement qu’à l’issue de l’exercice comptable 2020/2021. Eyraud a donc une année pour retrouver une peu d’équilibre. Il faut donc vendre (et bien vendre) et acheter (et bien acheter), mais en ce qui me concerne je fais confiance à AVB pour cet aspect-là du mercato.

Certains vilipendent aussi les salaires monstrueux versés aux joueurs. Mais pour attirer un bon joueur, voire un très bon joueur, l’amour du maillot et le prestige du club ne suffisent plus. La seule chose qui l’intéresse vraiment, c’est le chèque à la fin du mois et parfois le projet sportif. Eyraud a pris des risques, il les paie aujourd’hui, mais avait-il vraiment le choix ? Et d’ailleurs il est en train de revoir sa copie.

Bien sûr l’OM est un club de stars et comme l’a très bien dit Mourad Boudjelal, l’une des façons d’exploiter au mieux la marque OM c’est avec une figure de proue, un peu comme Beckham lors des début du PSG. Une star que la planète football entière connaît et va te permettre de franchir un cap. Mais sur le long terme ? McCourt n’a pas les moyens du Qatar. Espérons que M. Boudjelal les aura, si c’est lui qui venait à présider aux destinées du club. C’est tellement facile de parler après et avec des « si », on mettrait Paris en bouteille.

Dernier élément à mettre à l’actif de la direction, ils ont récupéré, au prix de très longues tractations, l’exploitation du Vélodrome. Ce ne fut pas une mince affaire ! La Covid est passée par là entre-temps et ce qui devait être une vraie source de revenus complémentaires devient un boulet, mais on ne peut pas imputer la Covid à Jacques-Henri Eyraud tout de même ! De nombreux spectacles et concerts devaient avoir lieu et ont été annulés. Le match le plus lucratif de la saison devait avoir lieu et il n’a pas eu lieu. L’impact de la Covid dans le bilan actuel est forcément à prendre en considération.

Et le fait d’avoir obtenu la gestion du stade est peut-être un premier pas vers l’acquisition, car je ne cesse de le répéter, aucun grand club en Europe de nos jours, ne possède pas son stade. Si jamais l’OM pouvait acquérir le Vélodrome, cela serait encore de l’actif immobilier à mettre en plus dans le club et cela augmenterait sa valeur marchande. Quitte à payer un loyer à la ville à fonds perdus, autant payer un emprunt à la banque avec une case amortissement et une case bénéfice dans le bilan comptable de l’opération.

Voilà, j’en ai terminé de mon plaidoyer en faveur de la direction actuelle. Tout est loin d’être rose, mais tout n’est pas sombre non plus comme on peut l’entendre dans la bouche de certains. J’ai évidemment simplifié les choses volontairement car la réalité est complexe et me ferait écrire un livre. J’en reste là et passe le témoin à l’avocat général @suis_le dont le son mélodieux de son discours ravira peut-être plus vos oreilles.

Mais comme un juré d’assises, condamnez sur des faits et non sur des on-dit et ne soyez pas trop sévères dans la sentence car pour rappel, Franck McCourt a déjà investi dans les 350 Millions d’Euros dans le club et ça serait bien d’en être un peu reconnaissants.

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A propos de Tacle Glacé


Supporteur de l'OM depuis sa naissance et même avant j'étais un spermatozoïde engagé !
Article lu 2690 fois, écrit le par Tacle Glacé Cet article a été posté dans Dossier et taggé , , , . Sauvegarder le lien.

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