Quatre ans après sa prise de fonction, l’homme fait l’unanimité contre lui. Il est quasiment impossible aujourd’hui de trouver un supporter qui prend sa défense. Ce n’est pas en raison de la versatilité des supporters ou de leur capacité à se lasser très rapidement. C’est pour des raisons très concrètes, très factuelles, que le discours du Président délégué est devenu inaudible, irritant, insupportable.
C’est parce que JHE a multiplié les erreurs dans chaque domaine majeur qu’il a perdu toute crédibilité. C’est parce que l’homme qui a déclaré « Dire, c’est faire rire, faire, c’est faire taire » a beaucoup dit et très mal fait qu’il est devenu la cible de toutes les moqueries et qu’il cristallise toutes les colères des amoureux du club.
LES ERREURS DANS LA COMMUNICATION
La 1ère chose que l’on fait en tant que Président délégué d’un club qui vient d’être racheté, c’est une conférence de presse.
Et comme dans tout discours, c’est la 1ère phrase qui entraîne et conditionne le reste. Malheureusement et même si ce n’est pas uniquement de son fait, JHE se trompe dans le choix des mots. Durant ses 4 années de présidence, il traînera comme un boulet le fameux « OM Champions Project » qu’il ne parviendra jamais à faire oublier même si, depuis déjà de nombreux mois voire années, on ne l’entend plus parler que du « Projet »
Un ancien Directeur de la Communication qui ne mesure pas l’importance du poids des mots, à Marseille qui plus est, cela sème d’emblée le doute. Si l’on excepte la partie des supporters toujours prompte à croire en tous les mirages, la majorité est alors sceptique, mesurant les conséquences d’un éventuel échec et les inévitables moqueries qui s’abattront sur le club et surtout sur ses supporters.
Malheureusement pour ces derniers, l’homme ne va pas s’arrêter en si bon chemin. Même si là encore il n’est souvent que le relais des envolées lyriques du propriétaire dont il porte la parole, il ne saura à aucun moment servir de pondérateur à celle-ci.
C’est l’époque du « on va concurrencer Paris », « on veut lutter tous les ans pour le titre de Champion de France » couronnée, lors de la prise de fonction de Rudi Garcia, par cette sortie légendaire de Franck Mc Court : « ce qui m’a convaincu chez lui, c’est quand il m’a dit que son objectif est de remporter la Ligue des Champions »
Certes ce type de discours, cette grande ambition affichée, claironnée est typiquement américaine. Elle fait partie du folklore. Mais le problème n’est pas là. Il repose sur le fait qu’Eyraud, sans doute bercé trop près des murs d’Harvard et Euro Disney, n’a pas su jouer le rôle qui aurait dû être le sien : celui de local de l’étape, celui qui mesure l’écart entre les deux cultures, qui relativise, pondère, celui qui met en perspective.
Bien au contraire, il s’enfoncera dans la brèche avec la Fan Experience, parlant d’emballage à des fans qui eux ne se préoccupent que du cadeau qu’il est sensé contenir : des résultats, des titres, bref une fierté retrouvée.
C’est en donnant priorité à l’emballage, aux LED, à la sono et aux animateurs de foire qu’il en arrivera à toucher à la colonne vertébrale, les supporters, en sanctionnant certains groupes et encore plus durement l’un d’entre eux.
C’est le « en même temps » à la sauce Eyraud. Le temps où l’on met par exemple en avant les Virages dans les vidéos promotionnelles sur le site du club, fumigènes compris, mais aussi le temps où on ne fait pas corps avec eux face aux sanctions des instances, le temps des sanctions. On sent cette volonté sourde, qui circule à bas bruit, d’aseptiser le stade et donc principalement les Virages
Après le « poids des mots » vient très vite le « choc des photos ». C’est alors le moment des présentations Power Point qui feront de lui la risée des spécialistes du football non seulement marseillais mais également français.
Elle se doubleront de 2 autres erreurs. La 1ère, lors de ces présentations, a été de présenter les joueurs comme si supporters et journalistes découvraient ceux-ci, en entendaient parler pour la 1ère fois de leur vie.
Le sentiment que cela a généré, cette gêne, pour ne pas dire honte, ne lui sera elle non plus, jamais pardonnée. Encore moins lorsqu’elle sera doublée d’erreurs aussi grossières que de se tromper sur le nom d’un joueur.
Parce qu’en tant que représentant du Club, il n’a pas compris qu’il était celui de la ville, de ses habitants et donc de ses supporters.
Fondamentalement et par méconnaissance totale du domaine dans lequel il était désormais appelé à évoluer, il a été d’une extraordinaire naïveté confondant allègrement moyens financiers disponibles avec certitude de résultats à venir.
Et quand on parle de naïveté on pense obligatoirement à cet effet d’annonce sur les chiffres dédiés au recrutement, les célèbres 200 M€ répétés sur tous les tons et à tous les modes à qui voulait bien l’entendre.
Dans le football, encore plus qu’ailleurs, donner l’étendue de son budget avant même d’avoir recruté son premier joueur est la certitude de devoir surpayer la moindre transaction. C’est donc soit de la naïveté, soit de la suffisance, celle du nouveau riche.
Et c’est le dernier aspect qu’on peut reprocher à sa communication défaillante, cette suffisance dont il n’a cessé de faire preuve tout le long de sa mandature. C’est elle qui l’a conduit à sortir par exemple la phrase devenue célèbre et relative au fameux but inscrit depuis l’extérieur de la surface. Je ne sais pas mais je crois savoir, j’arrive et je vais vous expliquer comment révolutionner ce sport séculaire.
Mais surtout, parce que c’est son inévitable pendant, cette totale incapacité à reconnaître ses torts ou ses erreurs qu’elles fussent stratégiques ou dans le choix des hommes et/ou des profils.
LES ERREURS DE CASTING (ET DANS LA CHRONOLOGIE)
Tout commence donc avec l’ordre d’arrivée, le nouveau Directeur Sportif n’étant nommé qu’après que le nouvel entraîneur ait été officialisé.
Un duo nécessaire mais qui arrive donc dans le désordre. Et cela aura de lourdes conséquences dans la mesure où la hiérarchie ainsi induite durera tout le temps durant lequel les deux hommes devront travailler ensemble.
Tous les choix de joueurs se feront ainsi en privilégiant de façon criante les priorités et les envies de l’entraîneur au détriment de celles du Directeur Sportif.
Eyraud a beau essayer d’expliquer à de multiples reprises que chaque recrutement doit faire l’objet d’une unanimité au sein du trio, personne sauf les plus naïfs n’y croit.
Dès le départ, toutes les clés se retrouvent de fait dans une seule main pendant que l’un passe les plats et que le dernier ne fait que valider les choix en signant les contrats.
On retrouvera la même erreur, beaucoup plus lourde de conséquences, commise lors de la prolongation, pour le moins prématurée, du contrat de l’entraîneur.
Au-delà de ça, c’est aussi une erreur dans le choix du profil du DS qui est commise. Prendre Zubizarreta en provenance d’un club comme le Barça ne correspondait pas aux besoins de l’OM à ce moment-là.
Recruter pour Barcelone c’est un job version simple : une équipe de recruteurs présente dans les coins les plus reculés du globe, un centre de formation qui tutoie l’excellence, des moyens financiers considérables, une force d’attraction colossale, une réputation qui n’est plus à faire, une quasi-certitude de remporter des trophées, la liste est longue comme le bras. Le Directeur Sportif n’a plus qu’à choisir parmi les meilleurs ceux qui sont le plus compatibles avec un projet de jeu parfaitement connu et reconnu.
Pour l’autre aspect du métier, la vente, c’est la même chose. Il sera toujours plus facile de recaser un joueur estampillé Barça qu’un joueur marqué OM à plus forte raison au sortir de saisons sans succès majeurs
À l’OM, à l’inverse, tout est à construire, du centre de formation à la cellule de recrutement en passant par un droit à l’erreur réduit. Le DS n’est pas dans une position facile et confortable.
UN TRÈS MAUVAIS CHOIX STRATÉGIQUE
Une fois un club racheté, 3 possibilités s’offrent au repreneur pour constituer son équipe.
La première consiste à recruter de jeunes joueurs en post-formation mais à fort potentiel identifié. Les résultats ne suivront pas forcément de façon immédiate mais, sur le plan financier, le club a de fortes chances de s’y retrouver par la revente des éléments qui auront le plus performés.
La seconde est d’opter pour des joueurs aguerris, ayant donc fait leurs preuves et qu’il sera possible d’attirer soit par de forts salaires, soit parce qu’ils auront des revanches à prendre, soit un mix des deux. Dans ce cas, la seule et unique façon de préserver un équilibre financier passe par une qualification pour la lucrative Ligue des Champions puisque l’âge des recrues interdit de fait tout espoir de futures plus-values
Enfin la dernière possibilité consiste à faire un mix des deux premières et toutes doivent s’adosser le plus rapidement possible à un centre de formation performant.
Jacques-Henry Eyraud a donc choisi la seconde solution et dans la plus mauvaise des positions, conséquence d’avoir communiqué sur les moyens disponibles comme évoqué précédemment.
Les premières recrues se nomment donc Payet ou Evra, pour une réussite et un échec. On retrouve les mêmes proportions pour ceux qui ne sont pas les têtes d’affiche, à savoir Sanson et Sertic.
L’âge des recrues indique d’emblée que c’est bien uniquement par une participation à la Ligue des Champions que le club équilibrera ses comptes.
Les recrutements suivants seront du même acabit avec les signatures de Thauvin, Gustavo, Rami, Germain et Mitroglou. Deux réussites dont l’une très brève (Gustavo) et deux échecs tant pour le prix payé et/ou le salaire consenti que sur le plan sportif. Rami représentera lui à la fois le bon puis le beaucoup moins bon.
Dans tous les cas il s’agit de joueurs qui n’apporteront aucune plus-value financière. La plupart sont encore là, un autre est reparti pour 4 M€ de moins que sa valeur d’achat. Quant au dernier, il a quitté le club gratuitement si ce n’est en coûtant encore de l’argent à savoir la somme qui lui sera éventuellement due suite au jugement lié à un éventuel licenciement abusif.
Total des sommes investies sur ces joueurs : 98 M€ soit la moitié de la somme totale prévue (N’Jié compris)
Revente du brésilien et du camerounais : 12 M€.
Mais surtout aucun titre et aucune qualification pour la LDC.
Les erreurs commises sont alors évidentes, tant en termes de profils (Evra et à un degré moindre Rami) que de capacités sportives (Mitroglou, N’Jié, Germain, Sertic) ou bien encore de prix payé pour les acquérir (Mitroglou, N’Jié, Germain)
Les supporters se disent alors que ce ne sont que des erreurs de débutant et que le tir va être immédiatement corrigé.
Mais du fait de sa fatuité, toujours empli d’une morgue dont il ne se déparera jamais, le président délégué persiste et signe. Il va même encore plus loin en accordant une confiance absolue à Garcia et donc à ses choix.
Strootman sera l’exemple fort de cette confiance aveugle. Alors que le DS défend l’option Rongier c’est encore vers un des anciens joueurs du coach que se porte le choix définitif pour 25 M€, un salaire très élevé et une très hypothétique valeur de revente.
Mitroglou, Germain, Strootman c’est près de 50 M€ d’achat qui soit cirent le banc, soit partent en prêt. Et à ses valeurs d’acquisition, il faut bien évidemment ajouter les énormes salaires consentis.
Pourtant lors de la saison 2018-2019 le club tend timidement vers un changement de paradigme. Sont en effet recrutés Caleta-Car et Radonjic, 22 ans tous les deux.
Mais là encore le coût est très élevé pour ne pas dire trop élevé. Si c’est relatif pour l’international croate auréolé d’une brillante Coupe du Monde, c’est totalement aberrant pour le serbe en totale situation d’échec à la Roma. La situation est telle, les espoirs à tel point réduits à un strict minima, que le club italien décide de le céder à l’Etoile Rouge en perdant 1 M€ au passage. (3 M€, acheté à Empoli pour 4 M€).
Et c’est donc un an plus tard que les dirigeants serbes voient arriver sur leurs bureaux une offre de 12 M€ (hors primes). L’affaire est bien sur beaucoup trop belle pour la laisser passer.
2 ans après sa signature, Radonjic est un joueur à plus de 10 M€ toujours cantonné au banc. Certes, il en sort de temps en temps, souvent de brillante façon, mais ce n’est pas un titulaire. A 12 M€ (quand certains évoquent 12 + 4), ça fait très cher le joker.
C’est finalement l’été dernier que, poussée par obligation à l’efficience, la Direction générale et sportive vont faire les meilleurs choix avec Benedetto, Rongier et Alvaro. Les 3 joueurs sont recrutés soit à coût très faible, soit raisonnable pour un buteur digne de ce nom, soit avec une réelle possibilité de plus-value conséquente à la revente. C’est le 1er recrutement correctement calibré par rapport à la situation d’un club qui peine toujours à se qualifier régulièrement pour… l’Europa League.
Entre temps, bien évidement, on n’oubliera pas la prolongation très prématurée de Rudi Garcia laquelle vaudra au club de payer le prix fort quelques mois plus tard, au moment de la séparation. Le coût est là encore très élevé, d’autant plus élevé qu’il aurait pu (et du) être évité.
En parallèle, le club a certes renoué le dialogue puis signé des accords avec quelques clubs locaux. Mais le sentiment qui prédomine est que la formation n’est véritablement devenue une priorité qu’avec l’arrivée de Nasser Larguet l’été dernier.
Il aura donc fallu attendre 3 ans pour que les supporteurs non spécialistes du Centre aient la certitude qu’une volonté allant au-delà des mots et des déclarations d’intention, existait bel et bien.
Cette solution palliative en cas d’échec sur l’objectif initial, visant à se qualifier rapidement puis très régulièrement en LDC, n’aura donc été instaurée que très tardivement, alors qu’un minimum de clairvoyance aurait voulu sa naissance au lendemain du rachat.
C’est d’autant plus vrai qu’une autre porte de sortie n’a toujours pas été ne serait-ce qu’entrebâillée. C’est celle de la constitution d’une cellule de recrutement digne de ce nom. Les rares « bons coups » sur le marché des transferts, passés et certainement à venir, ne sont dus qu’au réseau de Villas Boas, à sa parfaite connaissance du football portugais ou argentin ou aux pistes soulevées en Liga par Zubizarreta une fois qu’il eut droit au chapitre.
Quand vient le moment de conclure, la seule chose qui vient à l’esprit est en fait une question. Devant tant d’erreurs et d’échecs répétés, comment un propriétaire de club peut encore laisser en poste son président délégué, a fortiori quand le dit propriétaire est un businessman américain.
Cette question-là, elle est loin d’être vite répondue…
@suix_le