La formule, éloquente, est signée André-Pierre Gignac : interrogé dans la foulée du match que vient de remporter l’OM, l’avant-centre olympien, auteur euphorique du but de la victoire, invoque « la chance du premier ».
Une expression qui n’est pas sans rappeler la fameuse « chance du champion ». Ne vous cachez pas derrière votre clavier : vous aussi vous y pensez en vous rasant, admettez-le. Et vous avez bien le droit. Après tout, le cap du « premier bilan après dix journées » est en passe d’être atteint, et beaucoup de voyants sont au vert.
Il y a, d’abord, les froides statistiques. Avec 22 points au compteur, 5 points d’avance sur le deuxième du classement, la meilleure attaque de l’Hexagone, et un numéro 9 tournant à une moyenne d’un but par match, il faudrait être un imbécile, ou un technicien de la DTN, pour ne pas faire preuve d’ambition.
Mais au-delà des faits bruts, c’est surtout la capacité de cette équipe à répondre présente même quand les choses ne se goupillent pas bien qui peut donner des raisons d’être déraisonnables.
Sous l’oeil bienveillant de Marcelo Bielsa, Jérémy Morel reste concentré sur son adversaire direct
Dans un monde brutal, taciturne et déprimant où Manuel Valls fait du charme à la Bourse de Londres, où Christophe Jallet est sélectionné en équipe de France, où Pierre Menès est considéré comme un expert de référence, un peu de rêve ne fait pas de mal. Et ce déplacement à Caen nous en aura vendu.
Quoique par moments, le spectacle proposé a lorgné pas très loin du cauchemar. Plus qu’un relâchement olympien, symbolisé par le presque autogoal qu’aurait pu concéder Dja Djé Djé en première période sur un passe hommage à un bug du jeu Fifa 97, la prestation irréelle de Vercoutre dans les cages normandes a en effet pris des faux airs de mauvais trip sous champignons hallucinogènes.
Thauvin, qui a défaut de sortir la tête de son guidon s’est procuré plusieurs occasions, a été le premier à buter sur l’ancienne potiche de l’OL, dés l’entame. Il sera imité par ses compères de la ligne d’attaque phocéenne, qui ne rencontreront pas davantage de réussite. Sans démériter et en gardant l’emprise du jeu, l’OM va mettre un certain temps à trouver la solution et montrer au passage une certaine fébrilité dans la gestion des contres : Imbula ayant décidé de faire la grève du pressing et du tacle, les premières relances caenaises aboutissent bien souvent sur des cotés aléatoirement sécurisés.
Histoire d’envoyer un signe fort, Morel prend un jaune bien orangé en essayant d’arracher une jambe normande en fin de première période.
Réhabilité, le truculent Rod Fanni a affiché toute sa détermination, notamment au marquage et dans les duels
Alors que tout le monde attend -depuis plus d’un an,diront les mauvaises langues- un éclair de génie venu de Florian Thauvin, c’est finalement celui qui lui a succédé sur le terrain à l’heure jeu qui contribue à débloquer la situation. Sur un corner bien tiré, Romain Alessandrini trouve la tête victorieuse non pas d’André-Pierre Gignac, occupé depuis le début du match à faire du jardinage en se baladant aux quatre coins du terrain, mais d’un Romao sorti de nulle part. Littéralement.
Véritable cheville ouvrière de Bielsa, le Togolais, assigné aux tâches ingrates, y va de son but.
Les olympiens vont ensuite reculer sans vraiment subir, et néanmoins trouver le moyen d’encaisser deux fois le même but, dont l’un sera invalidé pour hors jeu. A la masse dans les airs, la défense soi disant commandée par Mandanda continue à afficher sa fébrilité sur coup de pieds arrêtés.
Entré pour sécuriser un peu son couloir, Rod Fanni montre qu’il est tout aussi doué que son concurrent Dja Djé Djé en matière d’oublis coupables au marquage. Une passivité réconfortante pour le capitaine marseillais, qui ne semble pas juger nécessaire, lui non plus d’essayer de ne pas encaisser de but.
Poussé par “l’adrénaline”, André-Pierre Gignac manifeste toute sa joie, avec une élégance certaine
En d’autres temps, tristement récents, un tel scénario aurait suffit à une démobilisation générale. Pas actuellement. Les hommes de Bielsa vont insister. Continuer à se heurter au frangin caché de Vercoutre. S’acheminer vers un match nul regrettable, alors que les matchs opposant Lyon à Lille et Le Paris Saint-Germain à Monaco annoncent de bonnes opérations potentielles, dans la foulée de la défaite bordelaise concédée contre Reims.
Et finalement, Gignac va (encore) sauver le coup. Sur une inspiration géniale de Mendy qui lui adresse un sacré caviar, le meilleur scoreur de Ligue 1 va inscrire un pur but de renard dans les arrêts de jeu et délivrer son équipe.
Auteur d’une partie discrète, l’ancien toulousain est en train de gommer son plus gros défaut en se montrant sacrément efficace dans le face à face. Souhaitons lui la même réussite avec les bleus d’abord, et surtout face à ses anciens partenaires, qui se déplaceront à Marseille à l’occasion de la dixième journée du championnat. Déjà.
S’il est bien trop tôt pour évoquer la chance du champion ; cette équipe n’est définitivement pas une anomalie en surrégime, façon Auxerre de Jean Fernandez, Nancy de Pablo Correa ou…Marseille d’Elie Baup.
Bien évidemment, tout reste possible dans le football. Mais même le danger du coup de pompe, pointé par à peu près tout le monde, semble jugulé par un banc de qualité une année vierge de coupe d’Europe.
Jusqu’ici, tout va bien. Et ca ne peut pas être que de la chance. Sauf bien sûr quand Gignac échappe à une patate dans la tronche après avoir secoué Bielsa pour célébré son but.