Alors que la planète OM peine à se remettre de sa folle soirée européenne, les affaires courantes reviennent déjà à la charge, avec en point de mire un déplacement dans l’Aube plus complexe qu’il n’y paraît. Marseille est certes grandissime favori face à l’ESTAC, mais le contexte doit nous inviter à une certaine prudence !
Faites vos jeux !
Certains esprits chafouins pourraient être tentés, les yeux encore emplis des étoiles européennes, de qualifier le match qui nous attends face aux Troyens comme étant d’un intérêt quelconque. Il n’en est rien. Tout adversaire modeste qu’il soit, le club aubois ne doit pas être pris à la légère tant il est susceptible de présenter quelques périls pour les Marseillais. En effet, actuels dix-huitièmes, donc barragistes, les Troyens sont encadrés, à concurrence d’un petit point, par le LOSC et Toulouse. Trois clubs qui jouent leur survie dans l’élite, et qui vendront chèrement leur peau, y compris face aux grosses formations.
De son côté, le club phocéen, après des mois de janvier et février probants dans le jeu comme dans les résultats, semble marquer un peu le pas en soufflant le chaud et le froid depuis début mars. Certes l’Europe semble transcender les pensionnaires du Vélodrome mais, en championnat, les têtes semblent moins bien faites. Conséquences : quelques prestations indigentes y compris à domicile, comptant comme autant de points bêtement lâchés alors que la bataille pour le podium fait rage.
Et c’est sans doute là que le bât blesse dans les têtes et les cœurs des supporteurs olympiens, la comparaison entre l’état d’esprit guerrier vu jeudi soir, et une certaine nonchalance au niveau domestique est de nature à agacer. Bien sûr, il est aisé, depuis sa tribune ou son canapé d’exiger d’un joueur, c’est à dire d’un être humain, le même engagement à tous les matchs ! Nul doute, surtout en cette période où les listes des sélectionneurs se dessinent en vue de la Coupe du Monde, qu’il est plus aisé pour un joueur de dépasser ses propres limites pour se mettre en valeur dans une grande affiche européenne que dans un match face à un adversaire national de bas de tableau. Tout comme il est certain qu’un sélectionneur sera plus attentifs aux « grands matchs » qu’à des affiches telles que celles qui nous intéressent.
Les vases communicants
Au delà du beau résultat, l’Europa League a aussi permis aux supporteurs marseillais de voir le retour de deux cadres : Florian Thauvin et Adil Rami. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils ont été déterminants, même si celui du patron de notre charnière centrale l’a été par la force des choses. En effet, il n’a du sa présence sur le terrain qu’au fait qu’un de ses compères se blesse à son tour, en l’occurrence Bouna Sarr, auparavant buteur et responsable d’une prestation assez impressionnante. Dire qu’il fut un temps où une blessure de celui-ci nous aurait laissé froid, voire en aurait réjoui certains, force est d’admettre que la réussite de son repositionnement fait apparaître sa luxation de l’épaule gauche comme une authentique mauvaise nouvelle. Sans compter que c’est une option en moins pour Rudi Garcia au moment de coucher les noms des joueurs sur la feuille de match.
À l’heure où certains s’empressent de mettre Paolo Rongoni et sa méthode commando sur la sellette, il ne faudrait pas oublier que l’OM a déjà joué cinquante quatre matchs depuis le 27 juillet 2017, et ce, avec un effectif resserré. L’entraîneur phocéen, qui évoquait il y a peu, le nombre restreint de blessures au sein de l’effectif depuis le début de la saison, comme une anomalie statistique assez inquiétante, était malheureusement dans le vrai. Dés lors, une critique assez facile, consistant à insister sur l’inactivité du club au cours du mercato hivernal est tentante, mais la réalité du marché de janvier est faite d’opportunités, et l’on sait que la direction du club est loin de ce qu’elle fut en des temps pas si lointains : aujourd’hui chaque décision est réfléchie et fait face à un besoin réel, quitte à s’en priver si le profil idoine n’est pas disponible, au profit de la cohésion du groupe.
De fait, et même si des enjeux existent pour les deux protagonistes de ce dimanche, l’OM se présente amoindri à Troyes, mais pas sans arguments, loin de là. Ne serait-ce qu’en termes de qualité technique et de volume de jeu, et ce, sans porter ombrage à la détermination des Aubois à donner quelque plaisir à leur public. Sur le papier, notre équipe ne doit faire qu’une bouchée de son adversaire. A l’aller les Phocéens l’avaient emporté 3-1.
Le choix de l’embarras…
Malgré une infirmerie qui ne désemplit pas au point que l’on fini par se demander, si comme à l’hôpital public, on ne manquera pas bientôt de lits et de soignants, le docteur Garcia mène plutôt bien sa barque, au point d’en étonner plus d’un, y compris le rédacteur. Lui, le chantre indécrottable du 4-3-3 depuis ses années lilloises, a d’abord au soir de la déroute monégasque, su se remettre en question. Il a donc abandonné son système fétiche au profit d’un 4-2-3-1 correspondant beaucoup mieux aux capacités techniques des joueurs à sa disposition, jusqu’à faire de l’OM, malgré quelques trous d’airs, une équipe assez efficace. Ceci en dépit d’une problématique d’avant-centre malheureusement récurrente, et plutôt solide derrière malgré une ligne défensive qui aurait presque prêté à sourire il y a encore un an. Le tout épaulé par un milieu de terrain de qualité, notamment à la récupération et dans les phases de transition.
Jeudi soir, toujours en raison de trop nombreuses absences, Luiz Gustavo a de nouveau été repositionné en charnière centrale où il effectue d’excellentes prestations (c’est d’ailleurs à se demander s’il y a un poste qu’il ne maîtrise pas !). Rudi Garcia, jamais à cours de surprise ou d’idées, décidait même de nous proposer une composition à cinq défenseurs. Comme à Monaco me direz vous ? Oui, sauf que cette fois-ci, un travail intense semble avoir été effectué pour en faire quelque chose d’efficace et de solide, permettant de compenser les absences sans gréver l’équilibre général. Mieux, dans cette configuration l’OM a semblé plus à l’aise pour faire tourner les ballons et les ressortir proprement pour repartir à l’assaut.
Une question reste cependant en suspens : sachant que l’opposition qui nous attend ce dimanche sera certainement d’une autre nature, reconduire pareil système est il utile ? Peut-être bien, dans la mesure où, au regard de son classement et de ses difficultés, l’ESTAC est une équipe qui à toujours eu la réputation de ne pas fermer boutique et de proposer du jeu. Le premier match du regrettable Michel sur le banc olympien l’avait d’ailleurs démontré : malgré la déculottée (en trompe l’œil…) que l’Olympique de Marseille leur avait infligé, ils avaient continué à tenter et surtout à jouer. Et cette réputation perdure, à raison. Il y a donc fort à parier que le fond de jeu type « stérilet » d’un MHSC ne soit pas de la partie, et c’est une bonne chose.
Au rang des éléments à surveiller, on citera notamment Saïf Eddine Khaoui (prêté par l’OM), ainsi que Hyun-Jun Suk, international Coréen (prêté par Porto), qui ont déjà prouvé qu’il savaient créer le danger, voire même un vent de panique dans les défenses adverses, que ce soit dans le jeu ou pendant les phases arrêtées. On mentionnera aussi l’inamovible Benjamin Nivet, dont on finira bien par soupçonner un jour qu’il a menti sur sa date de naissance pour nous faire croire qu’il aura réussi, tel un Sir Stanley Matthews du vingt-et-unième siècle, à jouer jusqu’à cinquante ans !
… ou l’embarras du choix ?
Et oui, car finalement, malgré une cascade de blessures il se pourrait bien que notre tacticien ait de nombreuses cordes à son arc pour permettre à ses troupes de sortir victorieuses de la bataille, à commencer par l’organisation de sa ligne défensive : une ligne à quatre ou à cinq est désormais possible et pleinement fonctionnelle, d’autant plus que le repositionnement de Luiz Gustavo n’a pas annihilé les capacités offensives de l’équipe. Le retour à bon niveau de forme entrevu jeudi, de Morgan Sanson, conjugué à un Maxime Lopez qui impressionne, autorise une palette de choix bien plus large qu’espéré il y a encore quelques semaines. Les deux milieux ont en effet abattu un travail de sape particulièrement conséquent au milieu, sans doute bien aidés par cette défense à trois, et affiché un volume de jeu très important. De là à voir Rudi en faire son nouveau Pygmalion tactique ?
Ne nous emballons pas, car une défense à quatre est de nouveau possible sans sudation excessive puisque le retour de Rami s’accorde avec la montée en puissance de Kamara qui semble avoir saisi sa chance d’entrer dans la rotation par la grande porte, eut égard à ses récentes prestations, notamment en Europa League. Certes son jeu manque parfois un peu de vice et de roublardise, au point qu’il puisse ne pas forcément jauger du danger d’une situation, mais il ne faut pas oublier qu’il est à peine majeur, que sa marge de progression est, à tout le moins, conséquente. Son éclosion ne pourra se produire sans un temps de jeu notable au plus haut niveau. Ses lacunes n’étant pas plus rédhibitoires que celles d’un Rolando, sa place sur le terrain semble solide jusqu’à ce que l’international lusitanien soit à nouveau en état d’aller la lui disputer. En revanche, deux joueurs seront forcément de la partie : Amavi, dont le jeu retrouve des couleurs, et Sakai que l’on aurait jamais cru, il y a encore dix-huit mois, capable d’évoluer à un tel niveau !
Devant, là encore, pas de soucis ! Quel que soit le système choisi, Garcia aura le plaisir de compter sur l’intégralité de ses éléments offensifs, et notamment sur un Payet qui s’est fendu d’une prestation majeure jeudi. Thauvin malgré une absence de pratiquement trois semaines semble être revenu dans de très bonnes dispositions, mais à néanmoins été ménagé par son entraîneur en Europa League (remplacé à l’heure de jeu), sans doute dans le but de le préserver en vue du match à Troyes. Mitroglou, bien qu’encore malheureux au moment du dernier geste à effectué un gros travail de pressing au milieu de la défense de Leipzig et à crée énormément d’espace.
Mais la question demeure entière : faut-il utiliser sa puissance dés le début de la rencontre pour fatiguer les défenses, pour ensuite lancer la finesse et la vivacité de Germain pour finir le travail, où bien faire l’inverse et utiliser l’attaquant grec pour « taper » sur des adversaires fatigués en fin de rencontre ? La question reste entière vu qu’aucun des deux systèmes ne semble donner réellement satisfaction ! Ici se trouve peut-être le choix cornélien de Rudi Garcia.
Quoi qu’il advienne, gageons qu’autant sur le plan technique que tactique, l’OM a les moyens, et devra se montrer supérieur à l’ESTAC pour parachever cette belle semaine et nous assurer, à minima, de rester au contact de Lyon dans la course au podium. Et si par la grâce d’une bonne partie, nos Olympiens avaient la bonne idée de réduire la différence de buts avec la formation de Bruno Génésio, nous ne leur en voudrions pas, bien au contraire ! Mais comme l’on dit : avant tout, l’important, c’est les Troyes points !
Allez l’OM !