Vingt-cinq ans après son sacre face au Milan AC, quatorze ans après sa défaite face au FC Valence (2-0), l’Olympique de Marseille va disputer la cinquième finale européenne de son histoire ! A la clé, l’opportunité d’être à jamais le premier club français détenteur des deux trophées continentaux que sont la Champions League et l’Europa League.
« O temps ! Suspends ton vol, et vous, heures propices, suspendez votre cours, laissez-nous savourer les rapides délices des plus beaux de nos jours ! »
S’il est des œuvres qui symbolisent à merveille l’atmosphère qui entoure cette finale, Le lac de Lamartine est de celles-là. Sans rentrer dans une analyse littéraire fastidieuse, ce poème évoque le temps qui passe et les souvenirs, avec l’idée forte que le passé, aussi heureux soit-il, est derrière nous. Si le temps a effacé la trace de ce passé, l’environnement, lui, rappelle sans cesse les moments d’émotion vécus, car il est le véritable témoin et le garant des souvenirs.
Il suffit d’écouter les anciens nous conter l’histoire de l’OM, de flâner dans le centre-ville ou de s’imprégner de l’ambiance électrique des folles soirées du Vélodrome pour s’en convaincre : Marseille n’est pas qu’une ville, ni qu’un club de foot ! Marseille est une émotion, une expérience, une trace indélébile, telle une cicatrice faite avec une lame incandescente et qui vous marque à vie. Et comme toute émotion, elle est indescriptible tant qu’on ne la vit pas ! C’est donc pour cela que tant de gens n’arrivent pas à comprendre d’où viennent cette identité forte, cette rage et parfois même cette douleur qui nous retournent les tripes et nous rendent si fiers d’être ce que nous sommes !
Des exemples concrets valant mieux que de longs discours, le rédacteur vous propose donc de faire un bond de vingt-sept ans en arrière, pour découvrir ou vous plonger à nouveaux dans des souvenirs intenses, bien que parfois douloureux.
Bari, le pêché d’orgueil
Nous somme le 29 mai 1991, au stade San Nicola de Bari et l’OM affronte l’Étoile Rouge de Belgrade en finale de la Coupe d’Europe des Clubs Champions. D’aucuns s’accordent à dire que Marseille aligne ce jour-là la plus belle équipe de son histoire : Papin, Waddle et Pelé sont au sommet de leur art, la défense composée de Casoni, Boli, Mozer, Amoros et Di Méco est considérée comme une des meilleures du continent. De plus l’OM vient d’éliminer en quart de finale l’ogre milanais, et personne ne semble en mesure de les arrêter.
Sur le papier, les Olympiens sont archi-favoris et c’est paradoxalement ce qui va causer leur perte. Empêtrés dans la toile tissée par les Yougoslaves, les Phocéens, incapables d’imposer leur jeu iront au bout du temps additionnel et des prolongations, puis s’inclineront aux tirs au but, abandonnant un trophée qui leur semblait promis.
Plus que le match en lui-même et la défaite amère, une seule image de cette soirée restera gravée à jamais dans les mémoires : les larmes de Basile Boli, inconsolable, dévasté comme s’il avait perdu un être cher. Ce soir-là, chaque Marseillais se rappelle avec exactitude avoir pleuré avec lui, avoir eu envie de l’étreindre, de le consoler, de lui dire que personne ne lui en voulait !
Perdu dans les limbes infinies du chagrin, il ne savait pas encore à ce moment-là que les dieux du football avaient entendu ses cris et ses larmes…
Munich, la consécration
Le 26 mai 1993 est sans doute le point culminant de la grande histoire olympienne, tant il aura apporté au club, mais aussi au sport français en général. Bernard Tapie a dit à l’époque que cette victoire avait décomplexé le football tricolore, éternel Poulidor, chantre du « Coubertinisme » où l’important est de participer !
Ce soir là, l’OM est loin d’être favori face à l’armada milanaise, véritable machine de guerre, savant mélange des meilleurs internationaux italiens et Néerlandais, aux rangs desquels se trouvait le génie Marco Van Basten, meilleur joueur du monde à cette époque. Les Marseillais alignent, eux, un onze talentueux mais moins clinquant, composé de guerriers rompus aux joutes européennes dans chaque ligne, d’un génial gardien de vingt-deux ans, et surtout d’un homme en quête de revanche et qui brûle d’un désir incommensurable pour cette coupe « aux grandes oreilles ».
Les marseillais sont acculés, pressés de toute part, mais compensent avec un cœur et une solidarité énormes. Barthez réalise des prouesses dans sont but et l’OM procède par contres. A la quarante-troisième minute, Pelé tire un corner que Boli, d’une tête décroisée transforme en but, dominant les monstres physiques que sont Rijkaard et Baresi.
Le reste du match est digne d’une attaque/défense, mais les Marseillais ne failliront jamais et l’emporteront 1-0, déclenchant une hystérie collective qui s’étendra de Marseille à la France, de Munich à l’Europe, d’Alger à l’Afrique…
Pourtant, une fois encore, l’image symbolique de cette finale restera celle de Basile Boli, hurlant un « non !!! » aux supporteurs, pour leur signifier que cette fois il ne pleurerait pas. Des larmes, il y en a eu pourtant, mais elle sont de celles qui expriment la joie et la fierté. L’Europe se pare de ciel et blanc, les rues de Marseille grouillent de phocéens en transe, chantant, dansant, sautant sur les abri-bus, s’embrassant et s’étreignant sans même se connaître. Les émotions ressenties sont indescriptibles, mais pour les plus jeunes d’entre nous, disons que la victoire de la France en Coupe du Monde est une kermesse de quartier comparée à l’ambiance de ce soir-là.
Moscou, mission impossible
Le 12 mai 1999, l’OM affronte Parme, dans une finale qui ne laisse que peu de regrets tant elle semble jouée d’avance. Les émotions ont surtout été vives en demi-finale sur le terrain de Bologne, théâtre d’une qualification in extremis sur un penalty de Laurent Blanc, à la quatre-vingt-septième minute (tiré et transformé deux fois), mais surtout d’une bagarre générale en fin de match qui prive les Olympiens de plusieurs joueurs en finale : Dugarry, Ravanelli, Luccin (et Jambay remplaçant) sont suspendus par l’UEFA, s’ajoutant aux absences de Gallas (suspendu aussi) et d’Eric Roy (blessure).
Face au rouleau compresseur parmesan composé entre autres de Buffon, Thuram, Cannavaro, Boghossian, Chiesa, Veron et Crespo, les marseillais n’ont aucune chance de l’emporter, le score de 3-0 ne souffrant d’ailleurs d’aucune contestation.
Göteborg, la désillusion
Le 19 mai 2004, c’est le FC Valence, champion d’Espagne, qui se dresse sur la route de l’OM. Les Marseillais ont, eux, abandonné le championnat depuis longtemps, misant tout sur la coupe de l’UEFA (appellation de l’époque). Au terme d’un parcours incroyable qui les aura vu éliminer tout à tour Dnipropetrovsk, Liverpool, l’Inter de Milan et Newcastle, les Olympiens se rendent avec beaucoup d’espoirs en Suède. Il faut dire qu’il comptent un génie dans leurs rangs, un homme au service duquel se sont mis tous les joueurs de l’équipe, adulé par le public du vélodrome, scruté par l’Europe entière et qui semble marcher sur l’eau.
Ce joueur, c’est Didier Drogba, véritable force de la nature, rapide, puissant, technique, avec des qualités devant le but au-dessus de la moyenne, un mental d’acier et un amour pour le club que peu de joueurs expriment comme lui (à ce moment-là bien entendu !). En une saison, il a quasiment qualifié l’équipe en finale à lui tout seul, et presque rejoint Papin dans les cœurs Olympiens ce qui n’est pas un mince exploit.
L’OM compte sur son joyau pour l’emporter, mais tout ne se déroule pas comme prévu. Drogba se blesse en demi-finale à la hanche contre Newcastle et débute le match amoindri physiquement. En face, le Valence de Benitez ne l’entend pas de cette oreille. Ayala, magnifique défenseur argentin, muselle Drogba tout le match, lui imposant un défi physique que l’Ivoirien ne pourra jamais relever.
Puis vient le tournant du match, sur une erreur de marquage, l’avant-centre espagnol Mista se retrouve en tête à tête avec Barthez, qui le fauche dans la surface. Penalty… puis carton rouge pour le gardien marseillais ! Une sanction lourde de conséquences dont l’OM ne se remettra jamais. Les Olympiens s’inclinent 2-0, dans un match qui laissera énormément de regrets, mais aussi de rancœur envers l’arbitre Pierluigi Collina.
Lyon, le voyage inattendu
Si on nous avait dit, au mois d’Août, que l’OM serait en finale de l’Europa League, après un marathon de dix-huit matchs, ponctué par un quart et une demi finale épiques, personne n’y aurait cru. C’est d’ailleurs la caractéristique de ce club que d’être toujours là où on ne l’attend pas, paradoxe d’une institution qui n’est jamais aussi à l’aise que dans le rôle d’outsider. Et il est clair que dans ce match, les Olympiens ne partent pas favoris… loin de là !
L’Atlético Madrid fait figure d’épouvantail dans cette compétition, dont il est le grandissime favori. Complet dans toutes ses lignes, compact avec un bloc équipe quasiment impossible à déséquilibrer, possédant probablement le meilleur gardien du monde actuel avec Oblak, et une attaque composée de Diego Costa et Griezmann qui fait frémir l’Europe entière. Si on y ajoute l’expérimenté Godin en défense centrale, ou les géniaux Koke, Gabi et Saul au milieu, on comprend vite que que cette équipe, c’est le très haut niveau international !
L’Atlético, c’est aussi un entraîneur incroyable en la personne de Diego Simeone, sorte de mélange entre Gattuso et Roy Keane quand il était joueur, et qui a su transmettre à son équipe, mais aussi à un club tout entier les valeurs qu’il porte : labeur, grinta, solidarité, haine de la défaite, agressivité, le tout au service du talent. Depuis son arrivée en 2011, il a remporté la Liga en 2014 (devant les monstres que sont le Real et le Barça), la Ligue Europa et la Supercoupe de l’UEFA en 2012, et fait deux finales de C1 (2014 et 2016) où les colchoneros* étaient à deux doigts de gagner à chaque fois. Actuellement seconds de la Liga, les madrilènes disputeront encore la C1 l’an prochain et se rendent donc à Lyon sans véritable pression.
Pourtant, si on y regarde de plus près, il est étonnant de voir à quel point nos deux équipes se ressemblent. Il n’est nullement question ici de comparer les forces vives mais bien l’état d’esprit qui anime ces deux formations.
Une juste récompense
Rudi Garcia, lui aussi connu pour avoir le sang chaud, a bâti un effectif à son image: accrocheur, combatif et surtout qui ne lâche rien jusqu’à la dernière minute. Tout comme Simeone, il a cette capacité à tirer la quintessence de son effectif et d’amener des joueurs à un niveau qu’eux même n’imaginent pas. Si l’OM réalise une saison aussi pleine, c’est tout d’abord à son coach qu’il le doit.
Le changement tactique opéré en début de saison a stabilisé l’équipe. Le coach a réussi à redonner confiance à Rolando au point qu’il retrouve le niveau qu’il avait à Porto et soit dans la pré-liste portugaise pour la Coupe du Monde. Il a transformé Sarr en latéral droit hyper offensif, le faisant passer d’attaquant maladroit à défenseur moderne, pisté par des écuries européennes prestigieuses. Il a métamorphosé Ocampos, sachant que ses qualités défensives et sa hargne s’adapteraient parfaitement à son schéma de jeu. Thauvin n’a jamais été aussi fort que depuis qu’il évolue sous ses ordres, et il a su être patient avec Payet, quand d’autres le clouaient au pilori, devinant avant tout le monde que le réunionnais serait décisif dans les moments clés. Enfin, saluons aussi sa gestion du groupe, avec sa science du turnover, plus particulièrement l’utilisation parcimonieuse mais toujours à bon escient du jeune Kamara.
Rarement une équipe de l’OM aura réuni toutes les valeurs qui nous sont chères, nous aura rendus aussi fiers. Le public s’identifie à ses joueurs, comme une famille reconnaît les siens et les protège. Une telle synergie explique tous ces résultats positifs, ces victoires arrachées dans les dernières minutes, ces joueurs qui peuvent mourir sur le terrain pour leur maillot.
Depuis près de dix mois, vous démontrez chaque semaine que tout est possible, et vous nous faites honneur.
Alors merci ! Merci à vous Florian, Dimitri, Luiz, Adil, Jordan, Hiroki, Boubacar, Maxime, Kostas, Valère, Rolando, Bouna, Morgan, Franck, Lucas, Clinton, Steve, Yohann et tous les autres. Les Marseillais seront plus de onze mille à vous soutenir au Groupama Stadium, mais ce sont des millions d’âmes qui vous apporteront leur force et leur soutien. En l’espace d’une saison, vous avez réussi à lier plusieurs générations de supporteurs autour d’un vécu émotionnel commun. Vous avez ressuscité de vieux souvenirs, et pour beaucoup d’entre nous, vous avez ravivé une flamme qui ne s’était jamais vraiment éteinte, mais que de sombres années avaient cruellement affaibli.
Vous avez gagné notre amour, notre respect, il est temps maintenant de profiter d’un moment de gloire bien mérité. Vous êtes les dignes héritiers des générations passées, et beaucoup de ceux qui nous ont quitté sont sûrement fiers de vous, là où ils se trouvent. Vous parlez encore de ce fameux match contre Leipzig, et de l’ambiance irréelle qui régnait ce jour-là… Faites-nous rois d’Europe à nouveau, et vous comprendrez que ce n’était rien comparé à ce que vous allez vivre !
Allez l’OM !
Très chouette article, en effet ! 😉
Belle historique tres bien ecrit , de la bonne lecture 👌👌👌☺☺
Magnifique !
Bravo
Merci à toi pour ton soutient constant et sans faille ! C’est pour des gens comme toi qu’on écrit ce genre de texte 😉