Les banderoles de la honte ! (1ère partie)

En préambule à ce qui va suivre, je vais poser un postulat de base : l’homophobie ou toute autre forme d’intolérance sont insupportables, que cela soit dans un stade ou ailleurs. Une fois qu’on a dit ça, qu’on l’a gravé dans le marbre, stabiloté, mis en caractères gras, on peut commencer à parler du sujet qui anime les stades de football en ce moment sans passer pour des homophobes de la première heure ou des citoyens de seconde zone, juste parce qu’on aime le football.

Bien trop souvent, l’image d’Épinal qui consiste à considérer le supporteur de football comme une personne peu éduquée, ou « bas de plafond » pour parler un peu trivialement, est à dix mille lieues de la réalité. Et souvent bien au contraire. Les groupes ultras ont toute leur utilité dans un stade et pas de vraie fête sans supporteurs.

Une conversation assez animée entre un membre de notre rédaction et moi-même nous opposait au sujet des arrêts de match par les arbitres et notamment lors de la rencontre Nice-OM où l’arbitre international Clément Turpin décidait d’arrêter le match suite à l’apparition dans les tribunes d’une banderole disant : « Bienvenue au groupe Ineos : à Nice aussi, on aime la pédale ».

Et nous nous opposions, non pas sur l’homophobie, mais sur la méthode des instances pour lutter contre ce fléau. Mais en ce qui me concerne, je vais un peu plus loin que ce débat. Car, à mon sens, il s’agit là d’une vraie hypocrisie politicienne, comme nous en avons connu tant ces dernières années. La pseudo lutte contre l’homophobie dans les stades, devenue le nouveau cheval de bataille de l’ex-championne de natation et nouvelle ministre des sports, Roxana Maracineanu aidée dans ce combat par l’incontournable Marlène Schiappa, n’est en réalité qu’un prétexte à l’aseptisation totale des tribunes populaires.

Pour mémoire, nous changerons de diffuseur la saison prochaine et Médiapro paiera un montant de droits tv encore jamais atteint dans notre pays pour un spectacle sportif. Pour information le montant des droits passera de 748,5 millions par saison à 1,153 milliard. Autant dire une aubaine pour nos clubs professionnels et le football français en général. Il faut donc bien préparer le terrain et surtout… les tribunes.

En effet, la réalité du football et de l’évolution de ses tribunes tend vers l’aseptisation générale des stades européens. Tout ça a démarré en Angleterre lors de la volonté légitime de régler le problème du hooliganisme, qui alors, gangrenait les stades. Et la solution anglaise consista essentiellement à augmenter considérablement le prix des places. Ce qui eut pour conséquence de sortir les hooligans des stades qui n’avaient plus les moyens financiers d’assouvir leur passion, mais également les supporteurs les plus populaires qui souvent faisaient vivre l’ambiance dans le stade.

Quant au problème du hooliganisme, il ne fut réglé que dans les stades, cela n’empêchait pas les plus violents de se retrouver à un point de rendez-vous précis pour en découdre. En gros, ils ont balayé à la perfection et ont mis le gros tas de poussière sous le tapis.

Rappelons tout de même qu’un supporteur Ultra n’a absolument rien à voir avec un hooligan. L’un cherche uniquement à encourager son équipe en faisant la fête et l’autre n’est là que pour se battre avec les adversaires.

De fait, les stades anglais n’étant fréquentés plus que par des « bons pères de famille », le prix des droits a augmenté de façon progressive des années 90 à nos jours. On sait aujourd’hui que le football anglais est tellement riche, qu’il pourrait se passer des revenus de billetterie sans aucun souci et sans mettre en péril le budget des clubs.

Oui, mais voilà, le foot anglais n’a rien à voir avec le foot français. La mentalité n’est absolument pas la même dans la façon de jouer et d’appréhender ce sport. Là où en France on joue pour ne pas perdre, en Angleterre on joue pour gagner et de fait le spectacle est essentiellement – pour ne pas dire que – sur la pelouse. Les stades anglais sont devenus des salles de spectacles et ne sont plus du tout ce qu’ils étaient. Et même Anfield, le stade des mythiques Reds de Liverpool n’a plus rien d’autre que son chant emblématique « You never walk alone ».

Étant présent dans le virage sud du stade vélodrome hier soir, lors de la rencontre face à Saint-Etienne, j’ai pu assister à l’anniversaire des Commando Ultra 84 qui fêtaient leurs trente-cinq ans. Pour ceux qui ont vu le match à la télé, vous avez pu voir les magnifiques tifos des deux virages et à la 84e minute, plus de deux cents fumigènes ont été allumés. Des banderoles dans le virage nord ont été déployées. Bref une animation de virage telle qu’on en voit quasiment plus en Europe excepté, dans quelques pays de l’Est.

En France, le niveau de notre ligue un est telle et l’état d’esprit si peureux, que le spectacle est aussi dans les tribunes. Et je n’imagine même pas un match sans tout ce folklore, car n’en déplaise aux détracteurs, il s’agit bien d’un folklore avec ses règles, ses codes et ses coutumes. Allumer des fumigènes, insulter l’adversaire, même avec des propos soi-disant homophobes (car jusqu’à preuve du contraire, la sodomie n’est en aucun cas une exclusivité homosexuelle), préparer des tifos, tout ça fait partie du spectacle et de la culture ultra.

Évidemment, je ne me cache pas derrière mon petit doigt et ne nie pas qu’il y pas des propos déplacés dans un stade et je ne suis pas le dernier à les prononcer, mais à aucun moment ça n’est homophobe. C’est une façon d’intimider et d’impressionner l’adversaire, de marquer son territoire. Mais à vrai dire, on s’en fiche des orientations sexuelles des joueurs.

Donc, par pitié, ne tuons pas cette culture au nom d’une morale conservatrice qui n’a aucun sens et qui est surtout tellement contre-productive. Les personnes dans les tribunes hier au Vélodrome ne sont en rien des homophobes ou des méchants. Il doit y en avoir évidemment, mais pas plus qu’ailleurs et les empêcher de vivre leur passion comme ils l’entendent, ça serait – encore – les priver de liberté. Déjà qu’un ministre préfère les empêcher de se déplacer plutôt que de les encadrer. Alors qu’encadrer des supporteurs qui se déplacent est tellement plus sûr. Ne croyez pas qu’il n’y avait pas de Marseillais à Nice mercredi dernier ou de Stéphanois à Marseille hier soir.

Hier dans les tribunes du Vélodrome, au-delà de la victoire, j’ai vu des gens heureux qui oubliaient leurs soucis l’espace d’une soirée, qui passaient du temps entre amis, j’ai vu des enfants avec des regards pétillants, j’ai vu des ultras qui se démenaient pendant tout l’avant-match pour s’assurer que le Tifo serait parfait, je n’ai vu en réalité que des choses positives et par les temps qui courent, je trouve que ça serait dommage de démanteler ça et je reste convaincu que si on parvient à faire en sorte que le spectacle soit sur le terrain ET dans les tribunes, tout le monde y gagnera et le football en sortira grandi.


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A propos de Tacle Glacé


Supporteur de l'OM depuis sa naissance et même avant j'étais un spermatozoïde engagé !
Article lu 7246 fois, écrit le par Tacle Glacé Cet article a été posté dans Dossier et taggé , , . Sauvegarder le lien.

4 Réponses pour Les banderoles de la honte ! (1ère partie)

  1. Je suis partagée …
    Samedi dernier, j’ ai regardé avec mon petit fils un match en Espagne, Betis contre je sais plus qui, mais un régal , de jeu sur le terrain d’ abord, et les tribunes. Stade archi plein, pas une banderole, pas un fumi, mais des chants qui se succèdent, des applaudissements, un public qui vibre et qui vit pleinement le spectacle du terrain.
    Après, je me souviens de Tapie, quand il a pris l’ OM et a demandé de ne plus chanter  » ho hisse enc… » chaque fois que le goal dégageait, en vain … comme quoi, l’ éducation du public des stades de foot chez nous n’ est pas simple ! mais aussi, pourquoi tout cela n’ existe qu’ au foot ?
    Pour finir, les cris de singe ou quolibets adressés à un joueur de couleur me déplaisent fortement le vrai challenge est peut être là . Pédale et autre, dans mon midi, ce n’ est pas plus grave que petit con, tout au moins dans nos têtes et nos intentions , c’ est presque affectueux .
    Merci pour ton article.

    • Bonsoir Jarlandine et merci pour ton commentaire.

      Il y a aussi une chose que j’ai oublié de dire dans mon article, c’est que la France, n’est pas un pays de tradition football. Ou plutôt disons que la culture foot n’est pas celle de l’Espagne, l’Angleterre ou l’Allemagne. Par exemple, en Angleterre les stades de Championship et niveau inférieurs sont pleins. En Allemagne les stades sont pleins régulièrement. Et c’est une donnée importante à prendre en considération.

  2. Point de vue intéressant. Personnellement j’ai tendance à être plus sensible à l’aspect social parce qu’on exclue de fait petit à petit des gens pour délit de milieu populaire.

    Après, est-ce qu’il est impossible de passer un bon moment, de se défouler, de se vider la tête, et de faire vivre un stade sans allumer des dizaines de fumis ou des bombes agricoles? Personnellement je ne le crois pas du tout et les tifos en sont la preuve. C’est pareil pour les insultes dans les chants. On peut se défouler et chambrer sans avoir peur d’emmener son gamin au stade, il me semble.

    De même, j’ai un peu de mal avec les références récurrentes à l’horrible frilosité française qui me semble hors sujet. Ce n’est pas parce que tu n’as pas Guy Lacombe en Angleterre que c’est moins grave d’exclure les pauvres des stades.

    En revanche oui, les postures politiciennes sont pitoyables dans cette histoire. Et c’est justement parce que non, être ultra n’est pas être un demeuré mais un passionné, que c’est dur de défendre l’idée de la beauferie comme tradition. Ca ne veut pas dire proscrire la vulgarité, ce qui est aussi irréaliste que stupide, mais lier la passion à la possibilité de montrer ses couilles à l’adverse, c’est du José Anigisme, pas de la ferveur.

    • Merci boodream pour ton commentaire.

      Tu as raison, on peut s’amuser sans fumi et sans insulte, tout comme on peut s’amuser sans alcool. C’est évident et sans doute que si tout le monde s’amusait sans boire, forcément on réduirait le nombre d’accident. Mais on est pas tous pareil. Les êtres humains qu’ils soient supporteurs ou pas, ne sont pas fabriqués dans un moule et sorti du moule ils sont tous identiques comme des playmobils. Du coup, certains ont vraiment besoin de fumi ou d’insultes pour s’amuser et d’autre pensent que les fumi c’est trop, mais bon après tout les insultes….Je n’impose en rien ma vision des choses évidemment.

      Evidemment aussi, que d’exclure par le filtre de la condition sociale est inadmissible que cela soit en Angleterre ou ailleurs, mais le fait est qu’en France, le spectacle est tellement plus dans les tribunes de certains stades et que les ultras sont peu enclin à la concession, c’est d’ailleurs un de leur slogan : NoPyroNoParty.

      Enfin, je ne suis pas convaincu qu’être dans l’action d’un match de foot soit de la beauferie. Là encore, on le vit tous à notre façon. Certains vont rester d’un placide olympien, d’autres vont avoir besoin d’extérioriser. Et là aussi, le fait est que les ultras, sont des gens qui ont plutôt tendance à extérioriser. Et si la récompense des gens qui préparent les tifo que tu louent, c’est d’allumer quelques fumi et dire quelques gros mots, je trouve que c’est pas cher payé en comparaison du travail que ça représente. Ce n’est pas une excuse bien entendu. Et je ne dis pas que c’est bien de dire des gros mots, juste que ce n’est pas si grave que ça.