Ce que l’OM doit à l’Afrique

Je ne vous apprendrai rien en vous disant que notre pays est en période pré-électorale. Comme à chaque scrutin depuis de nombreuses années maintenant, nous allons beaucoup entendre parler d’immigration (et pas en bien). Ce thème qui était autrefois le domaine réservé de la droite extrême, est aujourd’hui largement repris par des formations politiques dont l’image et l’histoire sont pourtant beaucoup plus « républicaines ».

Ceci se traduit hélas par une surenchère de propos outranciers et nauséabonds. Mais rassurez-vous, je ne vais pas vous parler de politique et cette allusion sera la dernière. Non, mon domaine à moi c’est le football en général et l’OM en particulier, et c’est bien de cela dont j’ai l’intention de vous parler dans cet article.

Alors me direz-vous, pourquoi cette entrée en matière qui à priori, n’a rien à voir avec le foot ou notre club de coeur ? Tout simplement parce que je voulais mettre l’accent sur ce que l’immigration notamment africaine, a apporté au football français dans son ensemble et à l’OM en tout premier lieu.

La France qui gagne

Si l’on évoque l’Equipe de France par exemple, et qu’on analyse les grands titres internationaux remportés par les Bleus, on s’aperçoit très rapidement que sans des joueurs nés très loin de notre pays, ou d’autres dont les parents sont arrivés d’Afrique principalement mais aussi d’Italie, d’Espagne, d’Arménie de Pologne ou d’ailleurs, ces trophées dont nous nous glorifions seraient célébrés par d’autres nations. Du coup, mon article aurait dû s’intituler : « Ce que l’OM et l’Equipe de France doivent à l’Afrique ». Vous en doutez ? Alors lisez la suite.

Marseille, Stade Vélodrome le 23 juin 1984, demi-finale de l’Euro France-Portugal. Nous abordons la 119ème minute et dans cette prolongation, le score est de 2-2. Le spectre de la loterie des tirs au but semble inéluctable quand soudain, Jean Tigana né à Bamako au Mali et ayant grandi à Marseille, part dans une chevauchée aussi belle que désespérée, déborde tout le flanc gauche de la défense portugaise et exténué, centre pour Michel Platini (descendant d’immigrés italiens) qui marque et délivre tout un pays dans un Vélodrome incandescent ! Le même Platini marquera encore trois jours plus tard en finale contre l’Espagne, et avec Bruno Bellone donnera à la France son premier titre international.

St Denis, Stade de France le 12 juillet 1998, Finale de la Coupe du Monde France-Brésil. Lors de cette soirée magique, un joueur va rejoindre le panthéon du football français à jamais. Il est né à Marseille, fils d’immigrés kabyles, et sur deux coups de tête rageurs va permettre à notre pays de grimper pour le première fois sur le toit du monde. Le nom de ce joueur ? Zinedine Zidane !

Bruxelles, Stade du Roi Baudouin le 28 juin 2000, demi-finale de l’Euro France-Portugal. Comme seize ans plus tôt en France, nous héritons du Portugal en demi-finale, et ce sera aussi difficile qu’à Marseille en 1984. Dans la prolongation, à la 117ème minute alors que le score est de 1-1, une main du portugais Abel-Xavier dans la surface offre un pénalty salvateur à l’Equipe de France. Zidane (encore lui) s’en charge et nous voilà en finale. Quatre jours plus tard à Rotterdam, un fils d’immigrés portugais (Robert Pires) centre pour un joueur d’origine argentine (David Trézéguet) qui marquera le but en or synonyme de victoire dans cet Euro 2000.

St Pétersbourg, le 10 juillet 2018, demi-finale de la Coupe du Monde France-Belgique. Dans un match compliqué et globalement dominé par les belges, Samuel Umtiti né à Yaoundé au Cameroun et ayant grandi à Lyon, surgit sur un corner à la 51ème minute et marque de la tête le seul but du match qui envoie les Bleus en finale, et les belges (qui ont eu la possession) dans un seum éternel. La France remportera le 15 juillet suivant la deuxième Coupe du monde de son histoire, sur des buts notamment de Paul Pogba et Kylian M’Bappé, tous deux fils d’immigrés africains.

Les années 20, 30 et 40, l’âge d’or de l’Afrique du Nord

Et l’Olympique de Marseille dans tout ça ? Comme souvent là aussi nous avons fait figures de précurseurs. Il est vrai que notre situation géographique au bord de la Méditerranée et la vitalité de notre port, font depuis toujours de Marseille une terre d’accueil et d’échanges. Successivement la ville a accueilli (non sans quelques réticences parfois) des italiens, des arméniens notamment, et surtout, la France ayant été longtemps une puissance coloniale, des gens venus de toute l’Afrique, qu’elle soit du Nord ou Subsaharienne. L’OM donc, plus que tout autre club français a bénéficié de ce fantastique réservoir de footballeurs.

Les premiers joueurs « africains » à venir briller à Marseille, arrivaient principalement d’Algérie ou du Maroc. Qu’ils soient ce que l’on appelait des Pieds noirs ou bien des africains d’origine, ils étaient tous nés de l’autre coté de la Méditerranée, et ont tous été recrutés par le même homme, Charles Elkabbach.

Celui-ci riche négociant en laine et grand supporteur de l’OM, en était aussi le recruteur pour la zone Afrique, et fut même vice-président du club phocéen. Si son nom vous dit quelque chose c’est normal, son fils n’est autre que Jean-Pierre Elkabbach, le journaliste politique bien connu. On doit donc à ce monsieur les arrivées de quelques uns des plus fameux joueurs ayant évolué à Marseille.

Citons en vrac Alcazar, Aznar, Zatelli, Bastien, Charbit, Rabih, Zermani, Liberati et surtout le phénoménal Larbi Ben Barek surnommé « la Perle Noire ». De lui, le roi Pelé a dit « Si je suis le roi du football, Ben Barek en est le dieu ! ». Il est arrivé à l’OM en 1938 et devenait international seulement trois mois plus tard. Hélas la deuxième guerre mondiale se profilait et stoppa net sa progression fulgurante. Il la reprit de plus belle à l’arrêt des hostilités au Stade Français d’abord, puis à l’Atletico de Madrid, avant de revenir en 1953 à l’Olympique de Marseille, ou il connaîtra sa dernière sélection en Equipe de France à 40 ans et arrêtera sa carrière en 1955 à 41 ans.

Il faut prendre ces chiffres avec quelques réserves puisqu’on a jamais pu connaitre avec certitude sa véritable date de naissance. 1914 ou 1917, on ne saura jamais ! Cette période a été l’une des plus prolifiques pour l’OM qui, à la fin des années 40 était (déjà) le plus grand club français, avec six Coupes de France et trois championnats.

Les années 60 et 70, l’Afrique noire prend le relais

Entre la fin des années 50 et le début des sixties, la France perd peu à peu et parfois douloureusement son empire colonial. Tous les pays qui le composent accèdent à l’indépendance ce qui, footballistiquement parlant va modifier totalement les habitudes des clubs français. Dans ces années là, les cicatrices de la décolonisation restant très vivaces, très peu de joueurs issus des pays du Maghreb venaient fouler les pelouses hexagonales. L’OM comme les autres s’est donc tourné un plus plus au sud du continent, vers les footballeurs de l’Afrique Subsaharienne.

Le premier de ceux-là à s’illustrer chez nous venait du Cameroun et se nommait Yegba Maya Joseph. A Marseille tout le monde l’appelait Joseph et le surnommait « Zé ». Très costaud, puissant, très bon de la tête, il possédait de plus une grosse frappe de balle. Il n’était pas le joueur le plus élégant et le plus fin qu’on ait connu, et certains lui reprochait une certaine maladresse.

Il a néanmoins marqué 112 buts sous le maillot olympien (cinquième de l’histoire), il a grandement contribué à la remontée en 1966 et à la victoire en Coupe de France de 1969. Il a quitté l’OM en 1970 après sept saisons au club, poussé vers la sortie par l’arrivée d’un certain Josip Skoblar. Il a poursuivi une belle carrière à Valenciennes puis à Strasbourg, en marquant encore beaucoup de buts.

D’autres camerounais se sont illustrés à l’Olympique de Marseille. Citons notamment Modeste M’Bami, Salomon Olembé, Stéphane M’bia, Nicolas N’Koulou ou plus récemment Clinton Njie et André-Franck Zambo Anguissa.

Et comment ne pas évoquer l’emblématique gardien Joseph-Antoine Bell qui fit notre bonheur jusqu’à la fin des année 80. Hélas, on regrettera l’accueil qui lui fut réservé lors d’un de ses retours au Vel’ avec un autre maillot. Quelques imbéciles n’hésitant pas à le bombarder de bananes. Affligeant !

 

 

Le Sénégal grand pourvoyeur

Il existe un lien très particulier entre le Sénégal et l’OM. Les supporteurs du club phocéen sont en effet très nombreux dans ce pays, et pour cause. C’est le Sénégal qui a fourni à l’Olympique de Marseille le plus gros contingent de joueurs africains. Sarr Boubacar fut le premier. Arrivé à l’OM en 1975, il est resté jusqu’en 1979, formant avec Marc Berdoll un duo d’attaque redoutable. Il marqua au passage une quarantaine de buts, dont un en finale de Coupe de France 1976, gagnée contre Lyon 2-0. Il est revenu chez nous en 1983 et a grandement participé à la remontée en D1 de 1984 (22 buts).

Parmi les « Lions de la Teranga » ayant évolué à Marseille, on citera Abdou Diallo, Habib Beye, le regretté Michel N’Gom, Souleymane Diawara et aujourd’hui Pape Gueye et Bamba Dieng. Mais le plus emblématique de tous, celui qui a laissé un souvenir indélébile dans le coeur des supporteurs, c’est Mamadou Niang. Mamad, comme on l’appelle affectueusement, est arrivé à l’OM en provenance de Strasbourg sur la pointe des pieds. Il va évoluer les deux premières saisons dans l’ombre de Franck Ribéry, Djibrill Cissé ou Samir Nasri par exemple, et ne donnera sa pleine mesure qu’à l’arrivée d’Erik Gerets qui le fixera dans l’axe de l’attaque son poste de prédilection. Deschamps qui succédera au technicien belge, en fera même son homme de base.

Niang est resté cinq saisons à l’Olympique de Marseille pour un total de 100 buts toutes compétitions confondues. Il était vraiment l’archétype de l’attaquant moderne, très rapide et mobile, il était doté d’une technique très au dessus de la moyenne, d’un jeu de tête très performant et d’une excellente frappe de balle. De plus, tout le monde s’accordait pour louer son état d’esprit irréprochable. Il a été le grand artisan avec Lucho et quelques autres, des titres de 2010, les premiers remportés par le club depuis dix-sept ans. Aussi, quand il a choisi de partir en Turquie après cette saison triomphale, tout le monde a compris qu’il avait bien gagné le droit à 31 ans, de signer un dernier contrat lucratif.

Enfin pour clôturer ce dossier sénégalais, comment ne pas évoquer le grand Pape Diouf. Considéré par beaucoup de marseillais comme l’un des trois plus grands présidents de l’histoire de notre club, avec Leclerc et Tapie, ce natif d’Abéché a pris la présidence de l’OM en 2005 et en fut injustement écarté en 2009. Il avait auparavant exercé avec succès les métiers de journaliste (à la « Marseillaise » notamment), et agent de joueurs.

À l’Olympique de Marseille dans un contexte pas facile, marqué par des guerres internes à tous les niveaux, il a fait de son mieux pour assainir et réorganiser le club et a posé les bases des succès acquis entre 2009 et 2012. Victime de tristes sires qui manoeuvraient en sous-marins, il laissa à d’autres la gloire et les lauriers qu’il méritait. Mais les supporteurs n’ont jamais été dupes, et lui vouent une admiration bien légitime. Il a été le premier président d’origine africaine d’un grand club européen, et malheureusement il reste le seul dans ce cas.

Les Ghanéens, les Ivoiriens et les autres

Le Ghana est un des rares pays anglophones de l’Afrique de l’Ouest, mais cette particularité n’a pas empêché que le plus beau joyau de son football, le magnifique Abédi Pelé, évolue plusieurs saisons à l’Olympique de Marseille. Et quelles saisons ! Les plus glorieuses de notre histoire entre 1987 et 1993. Il a été à l’origine de buts de légende contre Milan à l’aller et au retour en 1991, contre Milan encore à Munich en 1993 (il tire le corner) et contre Paris trois jours plus tard. Un très grand joueur spectaculaire, capable de gestes extraordinaires, mais aussi altruiste et collectif. Ce n’est pas étonnant si il a remporté trois Ballons d’or africains. De plus, il a eu deux fils excellents footballeurs André et Jordan Ayew, qui ont fait (le premier surtout) le bonheur de l’OM durant plusieurs saisons.

La Côte d’Ivoire est après le Sénégal le pays africain qui nous a fourni le plus de joueurs. Ibrahima Bakayoko, Cyrille Domoraud, Abdoulaye Meïté, Bakari Koné, Brice Dja Djédjé et le regretté Didier Wacouboué en sont les représentants les plus remarquables. Ah oui, j’oublie quelqu’un, un certain Didier Drogba qui en une seule saison est entré dans la légende olympienne. On a tout écrit sur lui et moi le premier, dans l’EXCELLENT article « À l’OM Droit au but n’est pas qu’une devise ! part.2 » également sur ce site, je n’en rajouterai donc pas.

En fait ce sont des joueurs de quasiment tout le continent africain qui sont venus au fil des décennies, s’illustrer à l’OM. Tous n’ont pas réussi, mais voici une liste non exhaustive de ceux qu’on a (presque) pas oubliés. Pierre Issa pour l’Afrique du Sud. Djamel Belmadi, Brahim Hemdani, Karim Ziani pour l’Algérie. Habib Bamogo et Charles Kaboré pour le Burkina Faso. Mido pour l’Egypte. Titi Camara et Bouna Sarr pour la Guinée. Le grand Georges Weah pour le Libéria. Salif Keita et Alou Diarra pour le Mali. Abdelazziz Barada pour le Maroc. Wilson Oruma et l’immense Taye Taiwo à la frappe de mule pour le Nigéria. Franck Fiawoo et Alexys Romao pour le Togo. Saber Khalifa et Saif Eddine Kahoui pour la Tunisie.

Les Français venus d’ailleurs et ceux dont les ancêtres venaient d’ailleurs

Pour finir je voudrais d’abord évoquer quelques joueurs de nationalité française nés en Afrique, et qui ont porté nos couleurs, certains faisant partie des plus grandes gloires de notre club. J’ai déjà parlé plus haut de Jean Tigana né au Mali, mais il y a eu aussi Marcel Desailly venu d’Accra au Ghana, Hamada Jambay originaire des Comores, Peggy Luyindula, Claude Makelele et Steve Il Fenomeno Mandanda tous trois nés à Kinshasa. Le plus célèbre de tous restant le buteur du 26 (et du 29) mai, j’ai nommé Basile Boli bien-sûr, qui a vu le jour à Abidjan en Côte d’Ivoire.

Et puis, il y a ceux de la deuxième, voire de la troisième génération. Ils sont nés en France mais leurs parents ou grands parents sont venus il y a de nombreuses années s’installer dans notre pays. Ils sont les fruits de cette immigration tant décriée par certains, mais qui pour l’Olympique de Marseille et le football français tout entier constitue une véritable richesse. En voici quelques uns (je ne peux pas tous les citer) : Sabri Lamouchi, Djibrill Cissé, Rod Fanni, Samir Nasri, Hatem Ben Arfa, Bafé Gomis et aujourd’hui Boubacar Kamara.

À tous ces hommes que j’ai cités dans cet article et à ceux que j’ai oubliés, je voudrais dire merci. Vous avez marqué l’histoire de notre grand club et parfois celle de notre pays, et à ma façon, par le prisme du football, j’ai voulu vous rendre hommage. La France du football et l’Olympique de Marseille en particulier vous doivent beaucoup.

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A propos de JLMOM265


Né à Marseille le 30/11/1956. Jeune retraité après une carrière bien remplie dans le transport routier de marchandises (Direction d'agences et de services d'exploitation). Marié depuis 40 ans, Je vis depuis de nombreuses années en région grenobloise, et je suis l'heureux père de deux grands enfants, et grand-père d'un petit diable. Supporteur acharné de l'OM depuis près de 55 ans, je dors, mange et bois OM. Je sais c'est pas normal à mon âge, mais on ne me changera plus, c'est trop tard !
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Une Réponse pour Ce que l’OM doit à l’Afrique

  1. Voici un article riche par les joueurs cités et la qualité de son contenu. Un large tour d’horizon à travers les époques et les pays du continent africain. Il nous permet de Mesurer tout ce que ces joueurs, venus eux-même d’Afrique, ou fils et petit fils d’expatriés ont apporté au football français et à notre club adoré.
    Un grand merci à eux.