Droits TV : droit dans le mur !

Alors que l’OM vient encore de nous pourrir la semaine avec ses défaites, j’ai eu la désagréable surprise en regardant les matchs sur un site de streaming à la légalité contestable, de découvrir les buts sur Twitter avant de les voir à l’écran.

Et je ne parle pas de quelques secondes, mais bien de plus d’une minute de décalage ! Alors, certes, il y a bien plus grave dans la vie, mais quand on pense à la gestion des droits TV ces temps-ci, on en arrive à une conclusion implacable : si les diffuseurs ne se réinventent pas, le foot français va crever !

MediaPRO (ou pas…)

La formule peut paraître excessive, mais quand on s’y penche avec un minimum d’attention, c’est la seule issue logique qui se profile : Téléfoot via Mediapro avait raflé les droits de la L1 pour un montant record de 1,15 Milliard d’euros par an, les clubs se frottaient déjà les mains, les futurs téléspectateurs se léchaient les babines de la perspective de se débarrasser, enfin, d’un diffuseur historique encrouté dans son confort et qui ne faisait plus aucun effort pour satisfaire son public : concept figé, émissions sans fond, commentateurs agaçants ou soporifiques, consultants graveleux plus intéressés par l’aspect « Gala » du foot que par son jeu…

On y croyait, on allait enfin mettre un grand coup de pied au cul de tous ces parasites qui avait fini par rendre le foot aussi excitant qu’un week-end au Creusot avec Ségolène Royal !

Las… le seul réel objectif de Mediapro et de l’obséquieux Jaume Rourès était de faire la même chose qu’avant… pour moins cher… en nous le vendant plus cher ! On me rétorquera que Téléfoot amenait de nouvelles têtes. C’est en parti vrai. De nouveaux visages sont effectivement apparus, le ton à pu évoluer légèrement, mais raconter la même histoire avec une voix différente ne suffit pas à convaincre que l’histoire à changé ou que l’auteur s’est subitement transformé en prix Nobel de littérature !

En réalité, en adoptant cette politique de diffusion et cette ligne éditoriale Mediapro à fait preuve d’une méconnaissance de l’historique de la diffusion du football en France qui confine à l’incompétence crasse ! Il suffisait pourtant de parcourir les réseaux sociaux, les commentaires ou les récriminations des téléspectateurs déjà abonnés aux offres existantes pour savoir ce qui fonctionnait (peu de choses) et ce qui ne fonctionnait pas (beaucoup de choses) !

Mediapro avait l’opportunité de repartir d’une page blanche, d’aller vers ses potentiels futurs abonnés pour savoir ce qui pourrait déclencher, chez eux, le paiement d’un nouvel abonnement. Quelqu’un chez Mediapro a-t-il seulement eu cette idée ? Rien n’est moins sûr tant on a retrouvé les mêmes défauts chez le nouveau diffuseur que chez les anciens !

Et que dire du morcellement des droits TV entre Mediapro, Canal+ et BeIN Sports ? Beaucoup, s’ils avaient simplement du remplacer un abonnement par un autre du même montant, l’auraient sans doute fait, autant par facilité de visionnage (parce que oui, le streaming demande de la patience et l’acceptation d’une qualité inférieure) que par logique financière.

Après tout, si le montant reste dans la même fourchette que ce que l’on paye déjà, et que l’on retrouve plus ou moins ce dont on jouissait (dans la limite des stocks disponibles en Ligue 1) auparavant, la seule contrainte passe par une résiliation et un nouvel abonnement. Pas franchement un chemin de croix !

Mais voici que le montant réclamé par Telefoot est venu se greffer à ceux qu’il fallait déjà payer ! Bien sûr, au gré des offres, des packs proposés par les chaînes et les fournisseurs d’accès internet, on pouvait parvenir à s’y retrouver, plus ou moins.

Mais ces offres d’appels ne durent pas toujours dans le temps, sont parfois assorties de durée d’engagements et autres conditions coercitives : tout le nécessaire pour que l’abonné finisse par se sentir piégé et voir ainsi, à l’heure où la situation économique de beaucoup d’entres nous se tend en raison de la situation sanitaire (chômage partiel, établissements et entreprises qui mettent la clé sous la porte, activité en baisse) de l’argent qui file sans pouvoir rien y faire, et surtout pour un service à la valeur ajoutée discutable, n’est pas admissible !

On absoudra naturellement Mediapro : la situation sanitaire était évidemment imprévisible quand ils ont présenté leur offre à la table de la LFP. Toutefois, même en l’absence de l’effet COVID, le risque existait déjà pour quiconque envisageait le modèle économique de Mediapro. Un enfant de dix ans aurait pu prédire qu’il allait être compliqué d’inciter à l’engagement face à une offre qui ne faisait pas progresser l’existant.

Mediapro comptait sur 3,5 Millions d’abonnés dans les premiers mois d’existence de Telefoot, ils n’ont jamais dépassé les 500.000… et encore, d’après leur propres chiffres, d’autres statistiques indiquaient pratiquement moitié moins. Le seuil de rentabilité était donc très loin d’être atteint, et si la situation sanitaire a certainement joué en défaveur de cette nouvelle offre, l’en tenir pour seule responsable serait faire un raccourci dangereux pour quiconque souhaiterait acquérir les droits récemment libérés !

Canal + ou la tentation de Machiavel !

On le voit bien depuis que Mediapro à rendu ses droits contre une obole à la LFP (Défaut de paiement de 338 millions d’Euros, en échange d’une « amende » de 100 millions, payable en deux fois, le second versement n’ayant toujours pas été effectué, et surtout la garantie qu’aucune poursuite ne serait engagée).

Canal+, diffuseur historique du foot tente de profiter de la situation avec une morgue de charognard ! Voyez plutôt, la chaîne cryptée souhaite récupérer l’intégralité des droits de diffusions à moindre coût (on parle d’une enveloppe comprise entre 600 et 700 millions d’euros l’année) tout en bénéficiant d’avantages fiscaux totalement détachés du football (notamment au niveau de son régime de TVA)

Quand on sait qu’en plus, avec toutes les réserves que cela peut comporter, que le délicieux Vincent Bolloré qui fait régner la terreur dans les couloirs de son joujou médiatique aurait récemment déclaré au sujet des droits de la Ligue 1 et des présidents de club «Je veux les voir à genoux dans une mare de sang» on se doute bien que sauver le foot français, qui pour beaucoup est l’un des rares rayons de soleil dans une année bien morne, est le dernier de ses soucis ! Il est en mission contre Mediapro, Telefoot, et tous ceux qui sont sortis de la matrice Canal+ pour tenter l’aventure !

Après, ne soyons pas naïfs, s’il peut remplir ses poches au passage il ne s’en privera pas ! Il a déjà les infrastructures, les émissions, les présentateurs, les consultants, et maintenant l’assurance qu’il sera l’unique diffuseur du foot en France.

Il réussira le tour de force de payer moins cher qu’avant, tout en utilisant un outil déjà rentabilisé depuis longtemps, et aura bien l’audace nécéssaire pour augmenter les tarifs de son offre en expliquant aux abonnés que la somme conséquente déboursée par son groupe justifie cette augmentation !

Comme disait Alexandre Astier dans un épisode de Kaamelott « Celle-là, il faut quand même avoir des bollocks pour la sortir sans perdre une dent ! » Tremblez, parce qu’il les a ! Et qu’il va le faire ! Inutile de vous dire qui sera le grand perdant de cette gabegie qu’aura été la vente des droits télévisuels de la Ligue 1… moi, vous, nous, les amoureux du football. Interdits de stade par la force des choses, il ne nous reste que la télé. Nous voyons des stades vides, sans ambiances, des matchs de faible qualité, mais il ne nous reste que cela, et ça, le conseil d’administration de Canal+ l’a très bien compris !

Mais sa stratégie comporte quand même un risque : vu la pauvreté du spectacle, qui acceptera réellement de payer, encore, et plus cher, pour ça ? Comme je l’ai dit plus haut, certains, par confort, y retourneront, mais la fuite de certains vers des offres illégales perdurera car le confort ne compense plus la faiblesse à la fois du spectacle, mais aussi de ses à-côtés !

Il fut un temps, ou certaines émissions, comme le Canal Football Club ou Jour de Foot étaient des institutions, la « Grand Messe » dominicale, avant et après le match de la journée. Aujourd’hui on s’en passe très bien, voire on les évite, parce qu’elles sont simplement devenues médiocres, portées par des consultants incompétents et/ou partiaux dont le seul objectif est de se faire mousser en parlant de beaucoup de choses, sauf de football.

Je ne compte même pas les cautions morales comme Laure Boulleau, dont la présence semble dire « Regardez, on a une femme sur le plateau, on lutte contre les clichés et le sexisme ! ». Alors qu’elle a souvent un rôle de celle qui présente bien mais dont on se fout allègrement, par la voix de l’inénarrable Pierre Ménès dont la nullité des analyses justifie à elle seule de ne pas regarder cette bouillie infâme !

De même, le triste Hervé Mathoux, autrefois borné à se gausser aux plaisanteries grasses et stupides de son acolyte de droite (sur le plateau et dans la vie) a fini par s’en prendre, récemment, à ceux qui payent son salaire avec leurs abonnements : les supporters ! En effet, au détour d’une phrase il a exprimé un mépris rare en expliquant à qui voulait l’entendre que les supporters Français, dans les stades, et contrairement aux Anglais, ne s’intéressaient pas au jeu mais préféraient jouer du tambourin, dos au stade, dos au jeu.

Chacun appréciera la manière dont il traite son auditoire… surtout quand on constate la tristesse de stades vides ou l’on tente de cacher la misère avec des bandes pré-enregistrées. D’ailleurs, il y a fort à parier que certains résultats déplorables de l’OM auraient été différents si nous avions été là pour motiver les joueurs et les huer quand il ne faisaient pas le nécéssaire pour gagner ! Mais pas de ça chez Hervé Mathoux : c’est à peine si nous ne sommes pas des boeufs gavés de bière hurlant après on ne sait quoi !

Le Boeuf de Kobé, ou le supporter français, vu par Hervé Mathoux

Voilà donc à qui reviendra, encore, la primeur de la diffusion du football en France : à ceux qui méprisent tout de nous excepté ce qu’ils ne peuvent pas se permettre de mépriser, l’argent ! Et je vous le dis avec une quasi certitude car il est hautement improbable, dans le contexte sanitaire et économique actuel, qu’un diffuseur arrive avec une offre impossible à refuser ! Cette valse des droits aura acté un immobilisme à faire pâlir d’envie un moine bouddhiste !

Et nous dans tout ça ?

C’est vrai ça ! Et nous, que pouvons nous espérer ? À la lumière des faits énoncés au dessus, pas grand chose, si ce n’est de payer plus cher pour encore moins ! Vache à lait un jour, vache à lait toujours ! Pourtant combien de fois a-t-on pu constater que quand on traite bien les gens, tout le monde est gagnant. Un patron qui fait confiance à ses employés et qui reconnaît leurs mérites obtient plus d’eux. Un enfant élevé dans l’amour et la confiance évolue bien mieux qu’un enfant maltraité ou négligé.

Je sais que ce sont des poncifs écrits et entendus des milliers de fois, mais c’est pourtant vrai ! Pour regagner la confiance des téléspectateurs il suffirait qu’un diffuseur s’intéresse à eux, à ce qu’ils ont envie de voir ! Je ne sais pas ce que vous souhaitez voir, mais je peux vous dire ce qu’il me plairait de voir ! Alors imaginons qu’un nouvel acteur se présente, ce qui ne serait pas si fou, après tout, une période de crise est sans doute l’instant idéal pour se réinventer. Qu’attendrais-je de cette nouvelle entité ?

– En tout premier lieu un changement de format des programmes liés au football : marre de voir des émissions qui tournent autour des aspects « people » du football. L’anniversaire de Neymar et les barbecues de Benedetto je m’en fous à un point qui flirte avec le nombre de décimales de π. Les femmes des joueurs et le carnet rose pareil ! La voiture dans laquelle ils roulent je n’en parle même pas ! Je veux du football, des émissions tactiques avec des gens performants, je veux qu’on me raconte pourquoi tel entraîneur a choisi telle ou telle option, et pourquoi ça a fonctionné ou pas ! La palette à Doudouce ne me suffit pas ! Pour prendre du plaisir à regarder le football, il faut déjà le comprendre, et quand on voit les tweets ou les réactions de certains, on voit bien qu’ils ne comprennent pas grand chose à ce qu’ils regardent ! Je veux des émissions où l’on analyse les décisions arbitrales sujettes à controverse (et nous subissons assez les arbitres français pour savoir qu’il y aurait de la matière) pas tant pour subir à nouveaux les décisions douloureuses, mais pour mettre la pression sur les instances de football pour les obliger, elles aussi, à une introspection.

– Secundo, je veux une diffusion de qualité et qui utilise les moyens actuels pour mettre le jeu en valeur ! Les réalisateurs en pantoufles je n’en peux plus ! Marre de ceux qui se contentent de suivre le ballon quand l’action est ailleurs. Je veux un accès à un canal de diffusion qui m’épargne les platitudes des commentateurs quand j’en ai envie. Avouez que quand ils se taisent ça fait du bien ? C’est rare mais c’est agréable, alors pourquoi ne pas pouvoir en profiter à l’envie ? Certains diffuseurs utilisent des caméras isolés sur certains joueurs pendant les matchs, et si nous pouvions y avoir accès quand nous le souhaitons ? On nous parle souvent de duels qui risquent de faire basculer un match à eux seuls ! Et bien j’aimerai pouvoir en profiter, j’aimerai pouvoir accès à ces duels comme il me plait ! L’immense Johan Cruyff disait « Quand vous jouez un match, il est statistiquement prouvé que les joueurs n’ont la balle que trois minutes en moyenne. Le plus important, c’est donc ce que vous faites pendant ces 87 minutes où vous n’avez pas la balle. C’est ce qui fait que vous êtes un bon joueur ou non ». Moi je veux pouvoir les voir ces 87 minutes, et pas seulement quand on veut bien m’en montrer un petit morceau !

– Tertio je veux pouvoir interagir avec l’environnement télévisuel : je veux des statistiques en direct, à la demande, des heatmaps, tout ce qui peux m’aider à analyser le jeu, comprendre le match, savoir quelle zone du jeu est prépondérante… Bref, je veux en avoir pour mon argent, parce que si c’est pour rester avec le même contenu qui se contrefiche de l’expérience utilisateur, je continuerai à me tourner vers des offres illégales, quitte à avoir quelques minutes de retard sur le direct. Au moins quand on encaisse un but, j’aurai le temps de l’apprendre via Twitter et de me préparer psychologiquement à ce que je vais voir !

Beaucoup en lisant ça se diront que je rêve, que techniquement c’est impossible, ou que personne ne prendra un tel risque ! Pourtant, le frein n’est clairement pas technique. Si Netflix ou Amazon ont pu mettre en place des plateformes de VOD avec un nombre d’abonnés incroyablement élevé, tout en préservant la qualité de la diffusion, alors c’est que cela fonctionne !

Voilà ce que je veux, un Netflix du foot : choisir mon match, en direct ou en rediffusion, choisir mon angle de vue, choisir ce que j’entends ou pas, ce que je vois ou pas ! La vérité c’est que ces plateformes de VOD ont totalement ringardisé la télé !

Quand les chaînes classiques diffusent un bon film et en font la promotion, mon premier réflexe est toujours de regarder s’il est disponible sur telle ou telle plateforme, tout simplement parce que je veux pouvoir y accéder quand ça me chante, et que je n’ai pas envie de subir les pages de publicités, ou de terminer mon programme à pas d’heure !

Les plateformes de VOD ont prouvé que nous avions la possibilité de sortir du modèle unique qui veut que le spectateur doit subir plus que choisir, il est temps que le football accepte d’en faire de même s’il ne veut pas s’effondrer sous le poids de son immobilisme !

 

 


Nous parlons égakement des droits Tv dans notre Podcast épisode 16 :

MassaliaLiveShow : épisode 16

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A propos de Ragnarok


Juriste de raison, confiseur de métier, ancien habitant du bassin parisien repenti en Marseillais pur sucre qui n'a toujours vibré que pour l'OM. Joueur occasionnel au Z5 (option « pieds carrés et contrôles aléatoires » incluse), et désormais fier rédacteur de MassaliaLive !
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Une Réponse pour Droits TV : droit dans le mur !

  1. Mais que t’ as donc fait le Creusot ?