La section féminine de l’OM, piteusement – pour ne pas dire honteusement – reléguée en deuxième division à la fin de l’exercice 2017-2018, n’aura passé qu’une saison au sein d’un enfer transformé in fine en purgatoire. Les Olympiennes évolueront donc à nouveau parmi l’élite dès le mois de septembre prochain. Que faut-il en penser ?
Tout supporteur des Olympiennes ne peut que se réjouir — une évidence ! — du retour des joueuses de l’OM en D1, un an seulement après l’avoir quittée. Mais cette joie reste bien amère, car elle n’efface pas la colère d’avoir assisté à un gâchis monumental et inacceptable la saison précédente, un sentiment profondément ancré au cœur d’un temps perdu sans raison, ainsi que de la destruction systématique de six années de constante progression, fruits d’un énorme travail.
Pour comprendre ces propos qui peuvent résonner bien négatifs au bout d’une saison triomphante, il est nécessaire que soit brièvement rappelé tout ce qui a précédé la séquence actuelle.
Six années au top
Lorsque la section féminine de l’OM avait été créée à l’été 2011 (ou plus exactement recréée, 25 ans après sa disparition), à l’initiative de José Anigo et sous la direction de Christophe Parra, venu de La Ciotat, l’objectif fut clairement fixé. Après qu’une éventuelle fusion avec le F.A. Marseille (ex-Celtic) eut été écartée et qu’il fut décidé que l’OM au féminin écrirait sa propre histoire en partant du bas de l’échelle, le cahier des charges était limpide : grimper les échelons le plus vite possible, rejoindre la D1, s’y installer, y concurrencer les cadors déjà en place (OL, PSG, MHSC, Juvisy), se qualifier pour la Ligue des Championnes (réservée seulement aux deux premières) et, à terme, remporter celle-ci. Quand on s’appelle l’OM, que la vitrine aux trophées du club est copieusement remplie avec, trônant en son centre, une Coupe aux grandes oreilles, la seule remportée alors (et encore aujourd’hui) par un club français, cette ambition était non seulement légitime, mais obligatoire.
Christophe Parra s’acquitta parfaitement de la première partie du plan : amener l’équipe en première division, tout en développant et étoffant la section féminine au fur et à mesure des années, avec la création d’équipes réserve et jeunes (U19 et U15), plus l’école de football réglementaire. Il y parvint via un gros investissement personnel, beaucoup de passion, un talent de tacticien reconnu, et des recrutements annuels toujours judicieux. L’équipe passa ainsi du District (2011-2012) à la D1F (2016-2018), via la DH Challenger (2012-2013), la DH Honneur (2013-2014) et la D2 (2014-2016) où, après une montée ratée de très peu, la deuxième tentative s’avéra la bonne. Réussite complète cette saison-là, avec une invincibilité et un titre de championnes de France de D2 à la clé. Quatre échelons gravis en cinq ans, bravo ! On peut reprocher ce qu’on veut à l’ancienne direction (les raisons abondent, n’est-ce pas ?), mais certainement pas de ne pas avoir accordé dès le début tous les moyens possibles à sa section féminine. Que le crédit lui soit rendu. Ainsi, bien sûr, qu’à Christophe Parra, auteur d’un remarquable travail.
Lors du marché aux transferts de l’été 2016 précédant la première saison dans l’élite, le club fit l’effort attendu, en adéquation aux ambitions depuis longtemps professées : 11 joueuses, soit l’équivalent d’une équipe complète, rejoignirent le club. Dont 3 internationales A et 5 internationales (ou ex-) B et/ou jeunes. Christophe Parra avait beau clamer à qui voulait l’entendre que son équipe était « jeune et inexpérimentée », la vérité comptable disait autre chose : son effectif était en réalité et en nombre de matchs déjà disputés en D1 par ses joueuses, le 4e plus expérimenté de l’élite… Ce qui me permit à l’époque de pronostiquer – sous les moqueries de certain/es… – que cette équipe avait de quoi finir la saison entre la 5e et la 7e place (sur 12). Malgré un départ difficile dû à un calendrier compliqué, les Olympiennes tinrent le pari et même mieux, terminant à la 4e place, devançant Juvisy. Avec en cadeau bonus pour ses supporteurs une victoire (2-0) retentissante et historique au stade Lebert sur le PSG, futur finaliste de la LdC !
Quand Sandrine Brétigny et les Olympiennes mettaient la honte au PSG, battu 0-2 à Roger-Lebert…
Tous les suiveurs du football féminin hexagonal se réjouirent de l’arrivée aussi rapide de l’OM à un tel niveau, attendant désormais avec une impatience non dissimulée que les filles à la tunique blanche se mêlent dès l’année suivante à la lutte pour le podium… Mais il n’en fut rien… Le rêve se transforma en cauchemar…
Sabotage en règle
Les supporteurs, tout autant que les observateurs, surveillèrent donc à l’été 2017 les grands noms qui rejoindraient l’OM et qui aideraient celui-ci à se rapprocher encore davantage (et pour commencer) du MHSC ou du PSG, l’OL étant encore trop loin. Mais à la stupéfaction générale, le club laissa partir sa gardienne Pauline Peyraud-Magnin, élément essentiel dans la réussite de la saison précédente — elle garde aujourd’hui les cages d’Arsenal, vient de remporter le championnat d’Angleterre, et est la gardienne numéro 2 des Bleues à la Coupe du Monde qui s’ouvre dans quelques jours… — semble-t-il pour un refus d’une augmentation de salaire pourtant bien méritée. À ce départ, s’en ajoutèrent… 11 autres ! Certes, la grande majorité n’était pas ou plus des titulaires régulières, mais on comptait tout de même parmi elles des filles membres du noyau dur de l’effectif depuis la D2 et essentielles à la vie du groupe. Mais, après tout, pourquoi pas ? Si le coach estimait qu’elles n’avaient pas le niveau suffisant pour faire passer l’équipe dans une dimension supérieure. Cela signifiait donc que de grosses pointures allaient débarquer à Marseille ! Mais que nenni ! Le recrutement fut… je ne sais quel terme employer, car je ne voudrais pas blesser les recrues d’alors qui n’y étaient pour rien… Un recrutement inconséquent. Voilà. Inconséquent… Réalisé avec précipitation, dans l’urgence du dernier moment, le staff faisant venir des joueuses recrutées sur vidéos de YouTube et recommandées – chaleureusement, bien sûr ! – par leurs agents dont nous savons tous le désintéressement. D’ailleurs, agent et argent ont bien une lettre d’écart qui fait toute la différence… ou pas.
Six recrues de dernière minute (dont quatre étrangères) et parmi elles au minimum la moitié en évidente erreur de casting. Au lieu de la progression de l’effectif vers le haut, ce fut un tirage vers le bas. Très rapidement, l’ambiance dans le groupe se détériora et les filles arrêtèrent de jouer en équipe, comme devait le révéler plus tard Sandrine Brétigny, publiquement et avec amertume, une fois le coup de sifflet du dernier match retenti.
À la trêve hivernale, la situation était déjà plus qu’inquiétante. Une dernière place au classement, et aucune victoire au compteur en 11 matchs. La capitaine Caroline Pizzala, lucide, demanda trois renforts. Christophe Parra n’accéda pas à la demande, « faisant confiance à son groupe », mais surtout refusant d’admettre ses erreurs de recrutement initiales et de gestion d’un groupe au bord de l’explosion. Le résultat, on le connait : l’OM ne quitta jamais la lanterne rouge et se trouva relégué, 10 points derrière le premier sauvé…
Valider simultanément sa propre relégation et un 12e titre consécutif de championnes de France à son adversaire du jour, pas le meilleur souvenir olympien…
Ce n’était pas la branche qu’on avait sciée – un maintien sans gloire, par exemple –, mais bien l’arbre entier que l’on avait jeté à terre. Le choc fut brutal, l’incompréhension dans le milieu du foot absolument total, gigantesque. Personne ne comprenait ce qu’avait fichu l’OM, comment avait-il dilapidé tout son crédit, alors qu’un simple effort de recrutement à la trêve aurait sans doute suffi à sauver les meubles en rattrapant les inepties du mercato estival… Déception chez les observateurs, profonde colère chez les supporteurs. Dans n’importe quel club, féminin ou masculin, la direction aurait compris que le coach et son staff avaient failli, sans doute par aveuglement, par orgueil, par entêtement, peut-être usé par sept années au taquet. Et qu’il fallait offrir un nouveau souffle à la section. Changer de coach, faire un recrutement digne de ce nom afin de survoler la D2, comme cela avait été fait à l’été 2015. Mais non… On repartit avec les mêmes responsables et on recruta a minima, s’appuyant sur un contingent important de très jeunes joueuses, après le départ des meilleurs éléments, les internationales Vivi Asseyi, Kelly Gadéa, Maëlle Lakrar, Anaïs M’Bassidjé, Hawa Cissoko, Fanndis Fridriksdottir, Cristina Ferral (la Mexicaine honteusement maintenue toute la saison en DH) ou encore l’incontournable Sandrine Brétigny.
Une remontée triomphante… et un peu miraculeuse
À l’entame de la 24e et antépénultième journée de la saison qui vient de s’achever, les Olympiennes couraient derrière l’ASSE, leader du groupe B de D2 avec un point d’avance. Pour cette 24e étape du championnat, l’OM recevait Strasbourg-Vauban, relégable, tandis que Saint-Étienne se déplaçait à Nancy. On jouait depuis déjà deux minutes dans le temps additionnel et, si les Vertes accrochaient un point en Lorraine (2-2), l’OM était mené sur sa pelouse 0-1 et possédait à cet instant 2 points de retard au classement. Mais un miracle eut lieu, et il faut bien sûr louer ici l’esprit de résistance des Olympiennes. Une égalisation d’Eva Sumo (90+2’), suivi d’un second but de Cindy Caputo (90+5’), synonyme de victoire… L’OM basculait en tête à deux matchs de la fin. Sans ces deux buts au bout du bout du temps, l’OM serait encore en D2, car l’ASSE ne lâcha rien lors de ses deux derniers matchs (1-0 face à Vendenheim et 4-0 à Grenoble). Mais les Olympiennes terminèrent aussi en force (4-0 à Albi, 3-0 devant Ambilly). L’Histoire ne retiendra que la montée, un an seulement après la descente.
Quel retour en D1 ?
La section féminine de l’OM étant la plus grande muette des grandes muettes, il est évidemment impossible de savoir ce qui s’y passe, qui part, qui reste, qui arrive… On peut néanmoins penser que Christophe Parra va rempiler. Quand on juge ne pas avoir à démissionner pour un échec aussi magistral que celui de la saison précédente, pourquoi le ferait-on après une remontée ? Et comme, au-delà des discours circonstanciels et convenus et d’un soutien que je qualifierai de minimum syndical, la direction du club n’a pas grand–chose à faire de sa section féminine, personne n’y aura l’idée d’engager un technicien de plus grande envergure, de la trempe d’un Farid Benstiti ou d’une Sarah M’Barek qui sauraient – surtout le premier – faire passer l’OM dans une autre dimension.
On surveillera de près le recrutement. Car il est évident que le groupe qui a gagné le billet d’accession n’est en rien bâti pour les joutes de la D1, laquelle a encore et sérieusement élevé son niveau depuis deux ans. 15 joueuses de l’effectif ont entre 17 et 22 ans, et l’expérience – ou plutôt son absence – qui va avec. Caroline Pizzala a annoncé prendre sa retraite de joueuse, même si certaines rumeurs disent qu’elle serait peut-être revenue sur sa décision. Amandine Soulard, elle, s’en va. Sur les filles restantes, combien ont objectivement un niveau pouvant espérer un maintien « vers le haut », c’est-à-dire assuré avant les 4 ou 5 dernières journées ? Quatre ou cinq, guère plus…
L’emblématique capitaine de l’OM, Caroline Pizzala : stop ou encore ?
Pendant ce temps, une équipe comme Bordeaux – montée en même temps que l’OM à l’été 2016, et qui vient de terminer… 4e, continue de se renforcer avec intelligence. Et alors que son entraîneur Jérôme Dauba a été élu meilleur coach de D1 pour la deuxième année consécutive, le club a pourtant choisi de ne pas prolonger son contrat, préférant se tourner désormais vers un technicien de plus grande envergure, l’Espagnol Pedro Martinez Losa qui dirigea notamment trois saisons les filles d’Arsenal. Les ambitions sont ici clairement affichées. Et celles de l’OM ? Où en sont-elles aujourd’hui ? Il faudra des actes concrets et forts pour nous convaincre que l’infamante leçon de la saison 2017-2018 a été retenue et comprise… Les dernières indiscrétions font état d’une volonté du club de s’appuyer sur des joueuses locales. Cela signifie-t-il renoncer aux joueuses d’expérience et de renom nécessaires ? Si ça devait être le cas, ne nous voilons pas la face, ce serait extrêmement inquiétant…
Crédits photos : 20 minutes, Méditerranée.fff.fr, Le Dauphiné Libéré, Pieds Carrés, OM.net
Excellent article, bravo!
La montée réussie en L1 les a simplement conduit à faire n’importe quoi, dans la plus grande tradition de ce que cette bande faisait quand elle avait des responsabilités chez les garçons. Tant que la direction méprisera les féminines et que la section sera laissée aux Anigo boys, ca sera difficile de se structurer au plus hait niveau.