OL-OM : les gros dans leurs petits souliers

Dimanche soir, les Marseillais se déplaceront pour la troisième fois d’affilée. Ils affronteront les Lyonnais dans leur nouvel antre, le stad… le Parc Olympique lyonnais. Cet « Olympico », comme le surnomme Canal + avec un sens touchant du ridicule, sera d’une grande importance pour les deux équipes. Gare au perdant qui verrait toutes ses chances d’accession au podium pratiquement anéanties…

Être et avoir été

Naguère locomotives de l’élite du football français, l’Olympique Lyonnais et l’Olympique de Marseille peinent à retrouver leur lustre depuis quelques saisons et s’essoufflent derrière le PSG, voire, derrière d’autres clubs bien moins huppés.

Les causes sont multiples : explosion des coûts, vétusté et baisse de la fréquentation des stades, érosion du niveau global de la formation, attractivité des autres championnats européens pour les meilleurs joueurs, etc.
Outre Lyon et Marseille, pour les acteurs majeurs du football, c’est encore plus simple : le manque d’argent, la frilosité des diffuseurs et la fiscalité de la France par rapport à ses voisins immédiats pénaliseraient la Ligue 1.

Dans les faits, il apparaît surtout que la faiblesse actuelle du championnat résulte d’erreurs stratégiques majeures commises par tous les clubs depuis des années et l’absence, un peu partout, de véritable politique sportive. D’ailleurs, à l’exception du PSG et de Lyon, personne n’en parle vraiment, car si l’argent est bien le nerf de la guerre, tout dépend de ce qu’on en fait…

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L’illusion marseillaise ou le miroir aux alouettes

Il y a presque trois ans, Vincent Labrune annonce fièrement son « Projet Dortmund » suite à l’échec de celui du « Bayern du Sud », en dépit du titre glané en 2010.
Face à la puissance financière du PSG, l’OM décide ainsi de calquer son modèle économique sur celui du club germanique, notamment en privilégiant le recrutement de jeunes espoirs en
devenir.

L’objectif est alors clair pour le président marseillais : si Dortmund a été champion d’Allemagne sans avoir les moyens de recruter des stars comme le Bayern Munich, l’OM peut être champion de France sans bénéficier de la puissance financière du PSG !

Et pourquoi pas après tout ? À l’issue d’une saison de transition indigeste, le club vient tout de même de finir deuxième de L1 avec un effectif très faible emmené par Élie Baup ! La plupart des journalistes saluent ce qu’ils considèrent comme une performance. Il suffit peut-être de quelques ingrédients bien choisis pour valider la recette se dit-on à la tête du club.

Sur le papier, le raisonnement est séduisant et parmi les supporters, les plus optimistes commencent à penser que l’Orléanais a enfin appris de ses erreurs passées. Les plus pessimistes, ou du moins les plus avertis ne cachent pas, quant à eux, un certain scepticisme…

Quoi qu’il en soit, les grandes manœuvres sont lancées à l’été 2013 avec l’arrivée de nombreux jeunes joueurs et en particulier, Mendy, Imbula, Lemina, Thauvin et Dja Djédjé. Mandanda, Nkoulou, Fanni, Ayew et Gignac restent pour les encadrer tandis que Dimitri Payet vient renforcer une équipe qui semble prometteuse : peu de clubs de Ligue 1 peuvent en effet se targuer de disposer d’une formation aussi intéressante.

Néanmoins, la force d’un groupe ne saurait se résumer au seul fait d’associer de bons joueurs. L’alchimie n’opère pas et les premières secousses se font ressentir rapidement, d’abord en championnat, puis sur la scène européenne et enfin, en coupe.

VL

Remercié peu de temps avant la trêve hivernale, Élie Baup laisse les rênes de l’équipe à José Anigo qui, une fois n’est pas coutume, accepte ce rôle de pompier de service avec une méfiance non feinte. Prisonnier de son propre parcours au sein de l’institution marseillaise, l’ancien minot a sans doute pressenti que la tâche était cette fois trop ardue et qu’un peu de baraka n’y suffirait pas.

Du reste, le jeu déployé par ses hommes est de match en match de plus en plus catastrophique. Pis, ils réussissent même l’exploit de se ridiculiser en Ligue des Champions en terminant bons derniers de la phase de groupe avec un zéro pointé ! Tout simplement un record pour un club français. L’OM, à jamais les premiers… mais pas en L1 non plus cette saison-là, car le club doit se contenter d’une piteuse sixième place, inacceptable en regard des moyens mis en œuvre.

C’en est trop. Les supporteurs demandent des comptes et cette fois, même José Anigo ne peut y échapper. Pour les amoureux de l’OM, le sentiment est mitigé, la lassitude réelle, mais d’aucuns pensent alors que Vincent Labrune a enfin réussi à se débarrasser du principal fléau qui minait le club de l’intérieur.

Renaissance avortée

On se prend alors à rêver d’un président de club devenu soudainement compétent et ayant pris conscience que sans un entraîneur-formateur, son projet était voué à l’échec.

La direction phocéenne se met ainsi à la recherche d’un entraîneur de renom, d’un technicien capable non seulement de faire progresser ses jeunes pousses, mais également de mettre en place un jeu solide et ambitieux. Ambition : le mot est lâché ! Après des semaines de tractation, l’Olympique de Marseille parvient à arracher la signature de Marcelo Bielsa à l’été 2014.

La nouvelle est accueillie par les fans avec un immense enthousiasme, car ils sont pour la plupart, parfaitement au fait de la notoriété du coach argentin, réputé exigeant à l’extrême, un peu « fou », mais aussi extraordinairement compétent et capable de mobiliser ses troupes dans une mission commune : jouer bien et gagner avec éclat !

Par ailleurs, le bras de fer opposant la mairie, Arema et le club au sujet de la location du Stade Vélodrome refait à neuf, équipé d’un toit et agrandi après quatre ans de travaux prend fin. Les trois parties trouvent ainsi un accord qui paraît viable malgré d’évidentes dérives de gestion, de financement et de budget. Le contribuable est irrité, mais le supporteur se fait une raison. Marseille, what else ?

Tous les feux sont donc au vert après des années interminables de doute et de désillusion. Le cœur de l’OM se réveille, l’espoir et la ferveur renaissent dans les tribunes avec la secrète conviction que cette équipe peut désormais jouer les premiers rôles en dépit de la toute-puissance parisienne et de la solidité lyonnaise.

Sur le terrain, l’OM est transfiguré. En moins de deux mois, le flamboyant Argentin a transformé un groupe à la dérive en équipe solide, mordante, efficace et spectaculaire. Marseille revient au premier plan, le Vélodrome résonne à pleins poumons et l’étoile de 1993 semble de nouveau indiquer le cap à suivre.

En coulisses, pourtant, les choses semblent moins évidentes et dès septembre 2014, lors d’une conférence de presse devenue célèbre, El Loco tient un discours de vérité qui secoue toute la L1. Une première alerte annonçant déjà le pire…

Fuite en avant

Sacrifié au nom d’une Realpolitik plus incompréhensible que réellement opaque, mis à mort par les médias comme peu d’hommes avant lui, Marcelo Bielsa et sa philosophie de jeu disparaissent du paysage footballistique français après la première journée de la présente saison.

De nombreux cadres quittent également le club qui réussit enfin à faire de l’argent pendant le mercato estival 2015.

Un mercato mené tambour battant par l’insaisissable Vincent Labrune qui multiplie les pistes, les annonces, les espoirs et les désillusions sans jamais s’adresser directement aux supporters ou à la presse, sauf au cours d’une brève interview au micro de l’OMTV alors que le club n’a plus d’entraîneur et que la saison est déjà commencée. Il y fustige les abrutis qui doutent de sa prétendue politique sportive, et promet une équipe « qualiteuse ».

Peu à peu, celle qui se dessine n’inspire que le doute, la stupeur et l’incompréhension. Dans l’absolu, l’effectif n’est pas forcément mauvais, mais il est construit sur bien trop d’incertitudes, de paris insensés d’incohérences et d’économies de bouts de chandelle pour convaincre qui que ce soit, même les plus crédules des supporters.

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© Le phocéeen

 

Pour remplacer Marcelo Bielsa, l’OM fait mine de chercher partout et nulle part. On évoque, Spaletti, Klopp, ou Antonetti… Dans ce climat enfiévré, l’arrivée de José Miguel González Martín del Campo dit Michel pour des millions d’intimes, parachève ce tableau surréaliste.

L’ex-membre de la prestigieuse Quinta del Buitre présente bien. Outre sa filiation avec le Real Madrid, il dispose d’un carnet d’adresses conséquent et surtout d’une carte de membre Doyen Sports. Dès lors, tout s’éclaircit pour les observateurs, mais l’horizon de l’OM se couvre de nuages bien sombres alors que celui qui tient la barre semble presque aussi sûr de son coup que le commandant d’un illustre navire britannique, un funeste soir d’avril 1912…

Classés huitièmes après six premiers mois incroyablement insipides et laborieux, les hommes de l’entraîneur espagnol semblent se réveiller depuis la trêve. Face à Caen et Montpellier, l’illusion a opéré. Une de plus pour l’OM. Contre l’OL cependant, les chances des Olympiens paraissent bien minces. De fait en cas de victoire, Marseille retrouverait un peu de sérénité. Et de la sérénité, il en faut, y compris en dehors du seul domaine sportif puisque la justice continue de s’intéresser de près au plus grand club au sud de Lyon…

Les supporteurs profiteront quant à eux de leur soirée bien loin de toute cette agitation et sans doute de plus en plus loin de qui n’est plus que l’ombre de l’OM.

L’utopie lyonnaise

Si l’Olympique de Marseille est obligé de recruter et d’acheter des jeunes d’avenir, l’Olympique Lyonnais a décidé de parier depuis 2010 sur son centre de formation très performant. Cette approche n’est pas incompatible avec une ambition claire arc-boutée à la livraison d’un nouveau stade dont l’OL Groupe est propriétaire.

Avec un budget de 170 millions d’euros et une deuxième place décrochée l’année dernière, l’appétit des dirigeants lyonnais est même grand ouvert : « Je fais du PSG mon favori pour le titre cette saison, mais nous sommes en train de construire une machine. Une Formule 1 collective ».

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Cette emphase proverbiale ne surprend plus chez Jean-Michel Aulas. Ce qui étonne en revanche, c’est que six mois plus tard, son équipe ressemble plus à une 4L qu’à une formule 1. Son pilote, Hubert Fournier, ayant même été remplacé dans l’urgence par Bruno Génésio, un autre gars du sérail.

Sans même parler de l’explosion de la masse salariale consentie pour assurer un semblant de paix sociale avec les jeunes pousses d’hier aux crampons arrogants et aux dents longues, les moyens avaient été pourtant mis dès été dernier pour renforcer un groupe très jeune en vue d’une participation en Ligue des Champions. Un passage obligé pour assurer au club un fonds de roulement aussi bien sur le plan financier qu’en matière d’expérience pour ses effectifs et son staff.

Aujourd’hui, les mêmes crampons paraissent bien émoussés et les arrivées de Valbuena, Darder, Yanga-Mbiwa, Beauvue, Rafael auront couté 35 millions d’euros à l’OL pour un bilan plus que mitigé.

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© footmercato

Éliminés sans gloire de la LDC avec seulement quatre unités au compteur et neuvième au classement de Ligue 1 à égalité de points avec Marseille, il est évident que certains changements passent mal au sein du groupe lyonnais et que les résultats sont bien loin de ceux initialement escomptés.

Les différentes déclarations des nouvelles recrues vont d’ailleurs dans ce sens-là, en premier lieu celles de Mapou Yanga-Mbiwa au mois d’octobre : « Ce n’est pas facile de s’intégrer. Le problème vient de tout le monde. Il y a tout qui ne marche pas. C’est le néant. »

L’OL aurait-il raté son mercato ? Si performante dans les années 2000, la cellule de recrutement semble avoir aujourd’hui beaucoup plus de mal à dénicher les perles rares. Le départ de Claudio Beauvue, six mois seulement après son arrivée, symbolise à lui seul ce mal-être inédit chez les Gones.

De surcroît, si le club semble avoir une vision à moyen et long terme pour mener à bien de grands projets, le risque financier pris par Jean-Michel Aulas et les écarts de conduite accumulés depuis 2010 n’autorisent plus la moindre embardée. Il y a plus de 400 millions d’euros en jeu et la mayonnaise devra prendre vite et bien, sous peine de dégringolade vertigineuse…

L’enjeu est simple pour les deux clubs : une défaite hypothéquerait les chances de bien figurer en fin de saison et correspondrait à un manque à gagner conséquent. Espérons simplement que l’ambiance sera moins houleuse que lors de la dernière confrontation au Vélodrome…

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La rencontre en quelques chiffres

• L’OM n’a plus gagné à Lyon depuis 2007  (2-1 avec un doublé de Niang contre un but de Juninho).

• Les trois derniers matchs ont accouché de trois petits buts alors que sur les onze rencontres précédentes, quarante-cinq buts avaient été marqués !

• L’OM est invaincu depuis six matchs à l’extérieur  pour cinq victoires et un match nul. De son côté, l’OL a reçu les Marseillais à 48 reprises pour un bilan largement en sa faveur : 20 victoires, 20 matchs nuls et seulement huit petits succès pour les Marseillais…

Ils ont dit :

• « Vous allez pleurer. Victoire 4-1 (Ferri, Tolisso, Lacazette, Ghezzal -Mapouvantable csc) » @ Torben Frank. 

J’aime l’optimisme et l’objectivité des Lyonnais.

• « Je pense qu’ils vont nous surclasser et finir sur le podium »@ Arno26.

Ça, c’est l’optimisme et l’objectivité des Marseillais…

• « Un match de foot US doit être le seul truc au monde qui soit plus chiant qu’un match de l’OM actuel »@Boodream. 

Honnêtement, je n’en mettrais pas ma main à couper…

• « Et le premier qui emploie le terme ‘Olympico’, je lui pète la gueule » @Lorenzin’.

On se donne rendez-vous pour me faire péter la gueule ?

Allez l’OM !

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A propos de jeanfred


Footeux du dimanche pour la gagne et la troisième mi-temps, mais aussi passionné de l'OM au quotidien, il trempe sa plume dans le vitriol des stats et fait saigner WordPress pratiquement sans assistance. Le plus tendre de tous et donc le plus féroce aussi ! Plutôt aboyant que mordant.
Article lu 2384 fois, écrit le par jeanfred Cet article a été posté dans Avant-match et taggé , , . Sauvegarder le lien.

Une Réponse pour OL-OM : les gros dans leurs petits souliers

  1. avatar De selfmade footix le 23 janvier 2016 à 19h56

    Très bon texte, jeanfred. El Loco nous manque cruellement ces temps-ci !